L'actualité du cancer du sein peut se résumer ainsi : les technologies progressent et le cancer décroît. Dans certains cas, l'IRM a sa place dans le diagnostic. Les thérapeutiques ciblées, grâce aux progrès de la génomique, laissent espérer que, dans un avenir proche, chaque tumeur bénéficiera du traitement le plus adapté.
SELON LES données de la CNAM, l'incidence du cancer du sein décroît (1). Cette bonne nouvelle reste néanmoins à confirmer car les chiffres sont en discordance avec ceux de l'InVS.
Si l'on considère les données de la CNAM, le taux d'incidence annuel moyen des nouveaux cas de cancer du sein a augmenté de 2,1 % entre 2000 et 2004. Le nombre de nouveaux cas a été maximal (49 236) en 2004. Depuis cette date, l'incidence a décliné (4,3 % entre 2004 et 2005, 3,3 % entre le 1er semestre 2005 et le 1er semestre 2006).
Il faut cependant noter que les données sur les ALD concernent aussi bien les cancers invasifs que les cancers in situ, alors que les données d'incidence issues des registres ne tiennent compte que des cancers infiltrants. Entre 50 et 74 ans, les cancers in situ représentent environ 10 % des cas. Il est probable que certains carcinomes in situ de bas grade de très petite taille, sans prise en charge spécifique après le diagnostic histologique, ne sont pas déclarés comme ALD. En outre, le malade peut ne pas faire valoir son droit à l'assurance-maladie pour des raisons de confidentialité ou de couverture complémentaire estimée satisfaisante. À signaler que, pendant la période de l'étude, les critères d'attribution de l'exonération des affections de longue durée sont restés inchangés et aucune rupture de tendance n'a été observée pour la déclaration des autres cancers pendant la même période.
Récemment, deux facteurs pouvant modifier l'incidence des cancers du sein ont été l'objet d'une forte variation en France : la prescription de THS et la pratique du dépistage.
Le lien entre la diminution de l'incidence du cancer du sein et la moindre prescription du THS a été évoqué aux États-Unis, mais n'a pas été trouvé en Suède, en Norvège ni en Grande-Bretagne. La diminution brutale et massive des THM constatée en France (– 62 %) a commencé en 2003 et a été décalée d'une année par rapport à celle des États-Unis.
Le THS peut accélérer la croissance de cancers infracliniques hormonodépendants préexistants, mais il ne crée pas de cancers. À son arrêt, l'incidence décroît rapidement pour revenir à sa valeur antérieure. La diminution de l'incidence observée est donc surtout liée à l'effet du dépistage.
L'IRM a de plus en plus sa place dans le diagnostic du cancer du sein. Elle est actuellement recommandée en cas de risque génétique héréditaire authentifié (mutation BRCA1 ou 2) et dans les familles à risque, et également pour lever un doute quant à une éventuelle rechute locale. En outre, une étude récente a démontré son bénéfice au moment du diagnostic pour mettre en évidence une multifocalité et une bilatéralité du cancer (2). Elle a été conduite sur 969 femmes chez lesquelles une IRM a été pratiquée peu de temps après le diagnostic initial de cancer du sein unilatéral, l'examen clinique et la mammographie n'ayant pas détecté de cancer du sein controlatéral. Une biopsie a été effectuée chez 121 des 969 femmes présentant un doute à l'IRM (12,5 %), et a fait le diagnostic de cancer chez 30 d'entre elles.
Une revue de 19 études regroupant 2 610 femmes a de plus mis en évidence 16 % de lésions cancéreuses supplémentaires avec l'IRM (3). Le taux de conversion d'un traitement conservateur vers une mastectomie a été en moyenne de 8,1 %, dont 1,1 % sans histologie maligne. Le taux de reprise chirurgicale a été de 11,3 %, dont 5,5 % sans histologie maligne. Ces chiffres démontrent la nécessité de réduire les faux positifs car l'IRM est un examen d'une très grande sensibilité qui entraîne des faux positifs et des biopsies inutiles et augmente les indications de mastectomie, laquelle est parfois injustifiée chez des patientes pouvant être guéries par une association tumorectomie-radiothérapie.
Les taxanes confirmés.
Dans le cadre des traitements adjuvants des cancers du sein, les taxanes confirment leur place. Une métaanalyse regroupant 13 études et 22 903 patientes (4) a montré que l'addition d'un taxane à un traitement par anthracyclines améliorait la survie sans maladie et la survie globale chez les patientes à haut risque. Ce bénéfice est constaté quels que soient le nombre de ganglions atteints, le type de taxanes, l'expression des récepteurs (RE), l'âge des patientes, la durée de traitement et la présence du gène HER2.
On cherche actuellement à développer des thérapeutiques ciblées, dirigées contre des anomalies moléculaires relativement spécifiques des cellules cancéreuses. Il s'agit de molécules ciblant la famille des récepteurs de facteurs de croissance épidermique (EGF) et du récepteur du facteur de croissance endothélial (VEGF). Ces agents sont des anticorps monoclonaux ou des inhibiteurs de tyrosine kinase. Les anticorps monoclonaux reconnaissent le domaine extracellulaire du récepteur ou le ligand du récepteur et les bloquent. Les inhibiteurs de tyrosine kinase, quant à eux, bloquent en intracellulaire la fonction du récepteur. D'autres molécules qui interfèrent avec la cascade de transduction sont à l'étude.
Le développement des thérapeutiques ciblées va de pair avec l'identification génique du cancer du sein. On peut espérer, dans un avenir proche, choisir les médicaments en fonction du profil de chaque tumeurs (pharmacogénomique).
D'après un entretien avec le Dr Marc Espié (hôpital Saint-Louis, Paris).
(1) Allemand H et coll. « Baisse de l'incidence des cancers du sein en 2005 et 2006 en France : un phénomène paradoxal ». Bull Cancer, vol. 95, n° 1, janvier 2008.
(2) Lehman CD et coll. « MRI evaluation of the controlateral breast in women with recently diagnosed breast cancer ». N Engl J Med 2007 ; 356:1295-303.
(3) Houssami N et coll. « Accuracy and Surgical Impact of Magnetic Resonance Imaging in Breast Cancer Staging : Systematic Review and Meta-Analysis in Detection of Multifocal and Multicentric Cancer ». J Clin Oncol 2008;26:3248-58.
(4) De Laurentiis M et coll. « Taxane-Based Combinations As Adjuvant Chemotherapy of Early Breast Cancer : A Meta-Analysis of Randomized Trials ». J Clin Oncol 2008 ; 26(1) : 44-53.
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