LES CONCLUSIONS du groupe de travail « Impact des activités physiques et sportives (APS) sur les dépenses de santé » peuvent rapporter gros. Piloté par le Pr Michel Rieu (conseiller scientifique de l'Agence française de lutte contre le dopage), Wladimir Andreff (économiste du sport) et Jean-François Nys (institut universitaire professionnalisé de Limoges), l'étude que « le Quotidien » s'est procurée, approuvée en séance plénière du CNAPS, va être remise en fin de semaine à la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports. Une étude d'autant mieux venue qu'elle comble un vide : en France, les activités physiques et le sport restent un parent pauvre de la prévention et font l'objet d'un discours ambigu. L'impact du sport sur la santé est bien sûr connu. Dès 1995, l'Académie de médecine préconisait l'intégration des actions physiques dans les démarches de santé. Plus récemment, l'INSERM a recensé tous les travaux qui rappellent les effets positifs sur la santé d'une activité pratiquée à un niveau modéré (au minimum une demi-heure de marche rapide par jour). Mais l'impact a beau être connu, l'IGAS, dans un rapport de 2003, le soulignait, les APS, c'est d'abord une charge financière.
L'inactivité physique a un coût médical monétaire.
L'étude du CNAPS, constatant la faiblesse des travaux français sur le sujet, a donc mouliné les enquêtes menées par les pays qui disposent d'une large avance dans cette problématique : les États-Unis, le Canada et l'Australie. Des études qui mesurent le coût médical monétaire de l'inactivité physique. Une étude américaine de 1987 chiffrait à 750 euros le coût des dépenses de santé d'un actif et 1 025 euros celui d'un inactif, soit un différentiel de 275 euros par an. Une étude suisse des années 1990 concluait à une diminution de 370 euros du montant des dépenses de santé pour un inactif par rapport à un actif, chiffre à pondérer du montant des dépenses liées à l'accidentologie sportive (150 euros), pour aboutir à un solde positif de 220 euros. Enfin, une étude néerlandaise (Karin Proper, Willem Van Mechelen, VU Medical Center, Amsterdam), chiffrait à 430 euros le coût par participant du programme de promotion de l'APS sur le lieu de travail, avec, à la clé, un bénéfice lié à la réduction de l'absentéisme, après un an de participation au programme, de 635 euros et, donc, une économie annuelle de 205 euros par personne.
En se fondant sur ces trois études et en supposant que ce qui a été constaté dans ces pays devrait être également vrai pour la France, l'étude du CNAPS conclut que «l'économie annuelle de dépenses de santé entre un actif et un inactif est de l'ordre de 250euros par individu».
Une augmentation d'un million de personnes pratiquant une APS déboucherait par conséquent sur une économie de 250 millions d'euros dans les dépenses directes de santé, ce qui est « loin d'être négligeable», comme le soulignent les auteurs. En effet : si l'on évalue à 25 millions le nombre des sportifs amateurs, c'est un peu plus de 6 milliards d'euros de dépenses qui sont chaque années évitées. Un montant à rapprocher des 4 milliards d'économies envisagées un temps par la Caisse d'assurance-maladie sur certains remboursements d'ALD ou sur le déficit prévu pour 2008 (4,1 milliards).
Économies potentielles chez les diabétiques.
L'étude CNAPS s'intéresse en particulier à une ALD classée en quatrième position en termes de remboursements, le diabète de type I, et elle chiffre sur plusieurs plans les sources d'économies potentielles liées à la promotion des APS chez ces patients :
– réduction de la consommation de médicaments, un effort moyen d'environ une heure réduisant les besoins d'insuline d'environ 20 % et, s'il est prolongé, jusqu'à 50 % ;
– réduction globale de la consommation de soins ambulatoires ;
– réduction du taux d'entrée en ALD des sujets identifiés à risque ;
– réduction des complications tardives par une meilleure maîtrise des facteurs de risque.
Autre exemple, celui des transplantés. Les auteurs estiment que l'APS prescrite après une greffe rénale, cardiaque, cardio-pulmonaire ou hépatique représente «une thérapie auxiliaire qui entraîne une meilleure qualité de vie, moins de consultations spécialisées, moins de médicaments et, donc, des économies directes». À preuve, les résultats de l'association Transform', créée en 1989, qui développe l'APS chez les personnes greffées pour leur permettre de sortir de la spirale de déconditionnement du transplanté.
L'impact des APS sur les dépenses de santé, souligne en conclusion le rapport, nécessite d'être mieux documenté. Une enquête spécifique lourde dédiée à la thématique sport et santé devrait être programmée (coût évalué par l'INSEE, 800 000 euros). Des cohortes pourraient aussi être suivies dans deux régions représentatives (le CNAPS propose le Limousin et Midi-Pyrénées), de même qu'un groupe pilote dans une pathologie spécifique, comme les transplantés d'organes. Enfin, des études complémentaires pourraient mieux définir les seuils de pratique minimale d'APS, afin de potentialiser leurs effets positifs sur la santé.
Toutes ces investigations ne sauraient être réduites au seul cadre macro-économique. Les bénéfices obtenus par les APS doivent encore être évalués en termes de prévention primaire (survenance de la maladie), secondaire (limitation des effets) et tertiaire (réduction du pourcentage de récidive). Sans oublier l'allongement de l'espérance de vie, ni l'amélioration de la qualité de vie.
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