LES SCIENTIFIQUES s'interrogent depuis des années : pourquoi certaines vasculopathies ne touchent-elles que certaines parties de l'arbre vasculaire ? Une étude américaine leur apporte enfin un premier élément de réponse. Cornelia Weyand et coll. de l'université Emory (Atlanta) ont, en effet, découvert que chaque partie du réseau vasculaire constitue un organe lymphoïde à part entière, équipé d'un système sophistiqué et spécifique de détection des pathogènes.
Ce phénomène explique, au moins en partie, pourquoi la distribution spatiale des maladies inflammatoires des vaisseaux est si particulière : chaque artère réagit à sa façon aux agressions extérieures.
Un système d'alarme.
Comme tous les organes ou presque, les artères possèdent un système d'alarme chargé de détecter la présence d'intrus potentiellement pathogènes et de prévenir le système immunitaire en cas d'invasion avérée. Ce système de surveillance est matérialisé par des cellules dendritiques, enchâssées dans la paroi artérielle.
Weyand et son équipe ont décidé de comparer l'activité et la réactivité des cellules dendritiques de différentes artères du corps humains. Les chercheurs ont travaillé à partir de biopsies de vaisseaux sains obtenus auprès de 37 patients décédés.
Au cours de leurs expériences, il est rapidement apparu que les différents macrovaisseaux étudiés ne répondaient pas tous aux mêmes intrus. Ainsi, les bactéries à flagelle déclenchent une importante réponse au niveau des artères iliaques, proches de l'intestin, mais elles n'activent pratiquement pas les cellules dendritiques localisées dans la partie supérieure de l'organisme.
Une étude transcriptionnelle a permis de démontrer que cette disparité est liée à un mécanisme de régulation de l'expression génétique.
Le profil d'expression des neuf gènes varie.
Une des pièces maîtresses du système d'alarme constitué par les cellules dendritiques est la famille des récepteurs Toll-like. Chacun de ces récepteurs peut être activé par une grande variété d'antigènes bactériens ou viraux. Les chercheurs de l'université Emory ont comparé l'expression des neuf gènes codant pour les récepteurs Toll-like dans six types de macrovaisseaux : aorte, sous-clavière, carotide, mésentérique, iliaque et temporale.
Cette analyse a montré que le profil d'expression des neuf gènes varie d'une artère à l'autre. Autrement dit, toutes les artères ne présentent pas les mêmes récepteurs Toll-like. Cela explique pourquoi les cellules dendritiques de la sous-clavière ne reconnaissent pas les mêmes pathogènes que celles de l'iliaque.
Recrutement de lymphocytes T spécifiques.
Les résultats d'une série d'expériences complémentaires conduites sur des souris auxquelles on avait greffé des artères humaines renforce cette conclusion. Chez les souris chimères, les chercheurs ont pu observer un recrutement de lymphocytes T spécifiques, dépen- dant du type d'artère greffé. Cette observation suggère, en outre, que les processus inflammatoires susceptibles de se produire dans chaque artère sont différents. Ce phénomène expliquerait les spécificités spatiales des différentes vascularopathies inflammatoires.
Reste à déterminer si les spécificités caractérisant les cellules dendritiques de chacun des territoires de l'arbre vasculaire sont acquises «sur place» ou si les cellules circulent et «s'installent au bon endroit». Pour ce faire, les chercheurs ont d'ores et déjà démarré des expériences visant à étudier les déplacements des cellules dendritiques dans le système vasculaire, ainsi que leur capacité à modifier l'expression de leurs gènes en réponse à des signaux extérieurs.
Pryshchep O et coll. « Circulation », édition en ligne avancée du 3 septembre 2008.
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