« Désormais, il s'agit de s'adapter au public concerné qui ne doit pas être cantonné à un rôle passif », affirme l'ANPAA, forte de sa très longue expérience de la prévention et de ses équipes, qui réunissent plus de 1 200 personnes dans toute la France. A l'occasion de ses Journées nationales de prévention, organisées toute la semaine, elle lance « un nouveau type d'approche » qui doit permettre à chacun d'être acteur de prévention. Avec une priorité : « Développer les connaissances, les capacités de résistance à une offre. »
Non que la prévention soit négligée dans notre pays. Mais, estime l'ANPAA, les actions lancées à l'initiative de l'Etat, des associations ou des collectivités locales sont mises en place « sans cohérence les unes avec les autres sur le long terme, faute de moyens ».
L'important est de répéter les actions de prévention à plusieurs étapes de la vie, car à chaque âge (jeunes, femmes enceintes, actifs, retraités) correspondent des risques spécifiques. L'Etat doit définir de manière claire, estime l'association, « les grands objectifs d'un plan quinquennal de la prévention s'appuyant sur une mise à niveau progressive des moyens, privilégiant, dans un premier temps, la sensibilisation des enfants scolarisés et des jeunes adultes, et renforçant, dans un second temps, les actions menées auprès des femmes enceintes, des actifs et des retraités ». Les Journées nationales se veulent une démonstration de ce qu'il est possible de faire.
Chez les jeunes, il faut organiser des actions personnalisées afin de les aider à affirmer un comportement autonome, il faut prévenir les dommages liés aux abus occasionnels (accidents de la route, comas, violences...) et prévenir le passage d'une consommation excessive à la dépendance. Parallèlement, une formation des enseignants, des médecins et des infirmiers scolaires est nécessaire pour assurer le suivi des actions. Cette semaine, il y aura, par exemple, des actions de sensibilisation des jeunes par d'autres jeunes (Loiret), un concours de slogans (Lot-et-Garonne), un atelier d'improvisation animé par une comédienne (Vaucluse)...
Pour les femmes enceintes, la consommation zéro est recommandée. Elles doivent être informées directement ou via leur médecin qu'il faut conduire à développer une information claire sur les risques. Exemples lors des journées avec une sensibilisation dans les consultations prénatales et les PMI (Gard), le lancement d'une campagne de sensibilisation des professionnels de santé libéraux (Tarn-et-Garonne), la visite de gynécologues et services de maternité pour les sensibiliser aux risques alcool-tabac au cours de la grossesse (Pyrénées-Atlantiques).
Chez les actifs, la consommation d'alcool, tabac, cannabis au travail répond à un besoin personnel (gestion d'une situation stressante, gain de productivité) ou à des rites sociaux. Promouvoir le réflexe de prévention grâce à un partenariat avec la direction, la médecine du travail, les syndicats, les organismes de formation, les membres des comités d'hygiène est une voie d'action, comme impliquer le médecin traitant dans le suivi addictologique de ses patients, avec par exemple un questionnement annuel. Pendant les Journées nationales sont organisées, entre autres, une formation en tabacologie et toxicomanie pour des entreprises déjà formées à l'alcoologie (Nièvre) et des rencontres avec employeurs et médecins du travail autour de leurs responsabilités quant à la consommation d'alcool des salariés (Côte-d'Or)...
Enfin les retraités. Même si la consommation d'alcool tend à diminuer avec l'âge, ce sont les personnes âgées qui sont les plus nombreuses à avoir des consommations quotidiennes (près de 68 % des 60-75 ans ont un usage régulier d'alcool). S'y ajoute la forte consommation de médicaments, avec des posologies qui ne sont pas toujours respectées. Là encore, on sensibilisera les soignants aux aspects spécifiques de la prescription aux personnes âgées. Et on évitera d'exclure les personnes âgées alcooliques ou pharmacodépendantes des programmes d'intervention thérapeutique alors que des études démontrent une plus forte probabilité d'amélioration que pour des participants jeunes. Dans les Bouches-du-Rhône, notamment, on organise cette semaine des sensibilisations et échanges avec les retraités.
De nombreuses autres actions sont prévues un peu partout jusqu'à dimanche : expositions, conférences-débats, journées portes ouvertes, activités sportives.
L'ANPAA fait dix propositions pour la prévention telle qu'elle en rêve. Elle est allée jusqu'à calculer le nombre d'heures nécessaires pour les actions de prévention de proximité : 249 000 heures pour les 8 ans, 259 000 pour les 13 ans, 292 000 pour les enseignants, 40 000 pour les parents, 2 460 pour les généralistes, 720 pour les spécialistes, 40 000 pour les entreprises... Au total, 1,263 millions d'heures, soit un coût total - à raison de 100 euros de l'heure - de 126 millions. Si la méthode est efficace, ce qui reste à démontrer, est-ce trop cher pour prévenir 100 000 décès par an (60 000 attribuables au tabac et 40 000 à l'alcool) ?
* 20, rue Saint-Fiacre, 75002 Paris , tél. 01.42.33. 51.04, fax 01.45.08.17.02.
Dix propositions
- Donner un statut à la prévention.
- Pérenniser le financement de la prévention avec un budget porté à 126 millions d'euros par an pour les actions de proximité.
- Intégrer l'alcoologie et l'addictologie dans la formation des enseignants et des professionnels de santé et des secteurs sociaux.
- Inscrire la prévention dans la vie de l'entreprise en dotant les comité d'hygiène et de sécurité (CHSCT) de missions de prévention en la matière et en proposant des mesures fiscales incitatives pour les PME.
- Remplacer la loi de 1970 relative à la lutte contre la toxicomanie par différentes mesures adaptées à chacun des produits psychoactifs.
- Abaisser à 5,5 % la TVA sur les boissons sans alcool et augmenter la fiscalité sur le tabac et les alcools.
- Interdire la publicité pour les boissons alcoolisées par voie d'affichage et le parrainage des soirées ; afficher clairement le nombre d'unités d'alcool pur contenues dans chaque conditionnement.
- Interdire la vente d'alcool dans les stations-service et sa distribution gratuite ou à prix cassé dans tous lieux publics ou privés ; supprimer les autorisations de vente d'alcool dans les buvettes ouvertes lors de manifestations sportives.
- Réduire à 0,2 g/l le taux maximal légal d'alcoolémie pour les conducteurs novices et les conducteurs professionnels.
- Harmoniser les dispositifs européens.
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