LA RECHERCHE des anomalies cytogénétiques est devenue un élément incontournable dans la définition du pronostic et, donc, dans la mise en place de la stratégie thérapeutique du myélome multiple.
Les techniques de biologie moléculaire ont permis de montrer qu'il existe toujours des anomalies cytogénétiques dans le myélome. Certaines surviennent aux phases précoces, d'autres sont secondaires et contemporaines de la transformation d'un état prémyélomateux en myélome, d'autres encore sont associées à des phases plus tardives. Ces anomalies sont intéressantes dans la mesure où elles peuvent être reliées à un pronostic.
La technique classique de l'étude du caryotype a d'abord été utilisée, mais son taux de réussite n'est que de 30 % environ dans le myélome.
La technique de Fish (hybridation in situ en fluorescence sur plasmocytes en interphase) a pu, quant à elle, associer certaines anomalies cytogénétiques à des pronostics particuliers. Ainsi, la délétion du bras long du chromosome 13 (del13), la translocation t(4, 14), la délétion du bras court du chromosome 17 sont reliées à un mauvais pronostic. Ces notions sont également importantes pour comparer les études entre elles et, surtout, à l'heure des nouvelles molécules, pour détecter lesquelles sont susceptibles de modifier le pronostic. D'autres abords, s'appuyant également sur l'étude de l'expression des gènes, voient le jour, mais ne sont pas du domaine de la routine. Ainsi, l'équipe de Nantes utilise un système à 17 gènes qui permet de classer efficacement les patients selon leur bon ou mauvais pronostic.
Nouvelles molécules.
Le myélome, on le sait, est une maladie très chimiorésistante. Jusqu'à la fin des années 1990, il n'était sensible qu'à deux types de molécules : les alkylants, en particulier le melphalan, et les corticoïdes. Des progrès sont apparus dans les années 1980-1990 avec le concept dose-intensité, l'augmentation des doses de melphalan entraînant une amélioration du pronostic chez les sujets susceptibles de recevoir ces thérapeutiques, essentiellement les patients jeunes, c'est-à-dire, pour le myélome, âgés de moins de 65 ans. Les malades recevant de fortes doses de melphalan et une autogreffe avaient un taux de réponse complète dans environ 20-25 % des cas. La survie sans progression (de trois à cinq ans) et la survie globale étaient augmentées. Par la suite, l'utilisation successive de deux autogreffes n'a apporté qu'un progrès marginal.
Mais les réels progrès sont venus grâce aux nouvelles molécules.
Le thalidomide d'abord, ancien médicament dont l'histoire a été émaillée par les accidents que l'on sait, mais pour lequel ont été mises en évidence des propriétés antiangiogenèse et immunologiques. Deuxième molécule ayant fait son apparition : le bortézomib (Velcade), inhibiteur du protéasome, issu de la recherche pure et utilisé en phase II dans le myélome, avec un taux de réponse de 30 %. Il est devenu un traitement standard des rechutes.
Dernier médicament apparu, analogue du thalidomide, le lénalidomide (Revlimid) est supposé être plus actif et surtout moins toxique que le thalidomide.
L'utilisation successive de ces trois agents a permis une augmentation de la survie.
Même si l'on sait qu'à terme le myélome rechute et que la durée des rémissions est de plus en plus faible, l'emploi de ces nouvelles molécules a permis une prolongation de l'espérance de vie pour tous les malades de deux ans.
Effets secondaires.
Ces produits agissent en inhibant l'interaction des cellules myélomateuses avec le microenvironnement médullaire, ce qui empêche leur développement et favorise l'apoptose. Les effets secondaires du thalidomide consistent essentiellement en fatigue, constipation, somnolence et neuropathies périphériques. Ces dernières sont liées au cumul des doses, peuvent être invalidantes et définitives malgré l'effet du traitement. Elles imposent souvent l'arrêt du médicament avant un an.
Le bortézomib peut provoquer fatigue générale et troubles digestifs à type de diarrhée ou constipation. Son problème principal est sa toxicité neurologique périphérique. Les neuropathies surviennent plus tôt que sous thalidomide, en moyenne au cours du 3e mois de traitement. Elles peuvent être douloureuses, mais ont la particularité d'être très souvent réversibles en 3 à 4 mois.
Quant au lénalidomide, il n'a pas de toxicité neurologique, mais une toxicité hématologique (neutropénie et thrombopénie), généralement facile à gérer.
Compte tenu de ces toxicités différentes de celles des chimiothérapies, ces molécules ont très vite été utilisées en association avec les corticoïdes ou même les chimiothérapies classiques. Ces protocoles se sont soldés par une augmentation du taux d'efficacité, mais également par l'apparition d'un risque de thrombose veineuse en cas d'emploi de thalidomide ou de lénalidomide, ce qui peut motiver, dans certains cas, un traitement préventif.
En première ligne.
Quoi qu'il en soit, ces médicaments ayant montré leur efficacité en cas de rechute, ils ont rapidement été intégrés aux traitements de première ligne.
Ces molécules ont ainsi permis de traiter les sujets âgés de plus de 65 ans : c'est l'autre grand progrès thérapeutique. En effet, ces patients n'étant pas candidats à l'autogreffe, jusqu'à peu, ils bénéficiaient seulement de l'association melphalan-prednisone (MP). Cinq études randomisées ont comparé coup sur coup les schémas MP et MP-thalidomide dans cette population. Deux sont déjà publiées (une italienne et une française) et montrent la supériorité du schéma MP-thalidomide : le taux de réponse complète est plus important avec un allongement de la survie sans progression (de 18 à 28 mois) et de la survie globale. Deux conséquences : la première est que le traitement de base chez le sujet âgé répond à l'association MP-thalidomide ; la seconde, que cette association donnant des taux de réponse et de survie sans progression tout à fait comparables à ceux obtenus avec l'autogreffe, cela a amené à se demander si, pour les sujets plus jeunes, l'autogreffe restait nécessaire.
Un autre essai mené avec MP et bortézomib vient de montrer des taux très intéressants de rémission complète, jamais obtenus auparavant avec des traitements non intensifs.
Des résultats analogues sont attendus avec une étude combinant MP et lénalidomide.
Aux États-Unis, l'association lénalidomide-dexaméthasone à hautes doses a également abouti à des résultats très performants, résultats encore une fois comparables à ceux obtenus avec l'autogreffe.
Chez le sujet jeune, ces nouveaux agents peuvent être utilisés en association à l'autogreffe. Quatre essais avec thalidomide après autogreffe sont concluants : augmentation de la survie sans progression, augmentation de la survie globale. Seul bémol : la durée d'administration du thalidomide, compte tenu de sa toxicité. Des études sont en cours avec les deux autres molécules.
Enfin, ces nouvelles molécules peuvent être employées en induction avant la greffe, à l'origine d'une augmentation du taux des rémissions complètes et on peut espérer une augmentation du taux de survie sans progression et de survie globale. Aujourd'hui, les espoirs de guérison du myélome ne semblent donc pas vains, notamment dans les formes de meilleur pronostic.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Luc Harousseau, chef du service d'hématologie et directeur du pôle cancérologie, CHU de Nantes.
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