« Ballets », en DVD

A chacun son style

Publié le 22/02/2004
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« Coppelia », par l'Ecole de danse de l'Opéra de Paris

En mai 2001, le spectacle de l'Ecole de danse de l'Opéra de Paris était un ballet du répertoire, « Coppelia », de Léo Delibes et Charles Nutter d'après la nouvelle de E.T.A Hoffmann, avec l'Orchestre de l'Opéra, dirigé avec toute la bonhomie et le talent de David Coleman. Sauf que les « Etoiles » d'un soir avaient tout au plus 18 ans et que la moyenne d'âge de la salle était encore plus basse !
Claude Bessy, directrice de l'établissement, avait choisi de faire danser pour la première fois à l'Ecole la chorégraphie de Saint-Léon et Delibes dans la version originale de 1870 dite en deux actes d'Albert Aveline, remontée par elle-même et Pierre Lacotte : un petit bijou avec ses décors de toiles peintes et ses costumes colorés réalisés d'après les maquettes de la création.
La très jeune Charline Giezendanner apporte à Swanilda tant de grâce, de pétillant et de virtuosité dans la danse et d'humour dans la pantomime, surtout au deuxième acte, qu'on a l'impression qu'elle n'a fait que cela de toute sa vie. Son Franz, le beau Mathieu Ganio, fils des Etoiles Denis Ganio et Dominique Kalfouni (lequel vient à 19 ans de passer « sujet », lors du concours de fin d'année 2003) se laisse convaincre sans difficulté sous l'œil amusé du Coppelius de... Pierre Lacotte lui-même.
Un ravissant spectacle, très bien filmé et éclairé, et une bonne alternative à la version plus récente (1996) de Patrice Bart qui est au répertoire courant du Ballet de l'Opéra de Paris.
Le documentaire sur l'Ecole de danse de l'Opéra de Paris qui suit, date de 1996, soit bien avant les polémiques sur cet établissement national. Sans vouloir entrer dans la discussion, il donne une image modèle de « la meilleure école de danse au monde », selon Claude Bessy, qui a réalisé avec Dirk Sanders et présente ce programme. De fait, l'architecture signée Portzamparc, est belle, les espaces lumineux, les élèves semblent heureux et les professeurs contents. Les moments les plus intéressants pour les habitués de l'Opéra-Garnier sont les confrontations entre les anciennes Etoiles invitées à montrer leur savoir (Eric Vu Han, Pascal Dupont, Monique Loudières et Élisabeth Platel future directrice de l'établissement) et les élèves admiratifs. On reconnaît parmi ces derniers les Etoiles d'aujourd'hui que sont Aurélie Dupont et Nicolas Le Riche.

« Casse-Noisette », de Maurice Béjart, au Châtelet

La chorégraphie, de caractère autobiographique, du « Casse-Noisette » de Tchaïkovski et Marius Petipa par Maurice Béjart laisse des impressions mitigées.
On ne touche pas impunément aux grands classiques et la magie de ce ballet romantique tient si fort à son contexte historique, surtout en son premier acte, qu'il faut une sacrée imagination pour la dépasser et y substituer des souvenirs personnels. C'est un hybride très caractéristique de ce que Béjart aime mettre en scène aujourd'hui. Avec des atouts incontestables : le savoir-faire du Béjart Ballet de Lausanne, Gil Roman et Juichi Kobayashi en tête, les superbes costumes d'Anna De Giorgi et Jean-Paul Gauthier (pour les robes d'Yvette Horner), l'immense talent de musicienne de cette dernière. Mais avec un propos très inutilement dilué.
Cette version ramène trop explicitement le premier acte, gros plans aidant, à l'enfance marseillaise, œdipienne et « méphistophélique » du chorégraphe. La seconde partie, plus illustratrice par son voyage dans l'espace résumé à une piste de cirque et ses danses de caractère, est plus réussie, avec ses toreros de pacotille, ses Chinois d'époque Mao à bicyclette, ses danseurs plus soviétiques que russes, ses scouts à l'humour au premier degré, son numéro de prestidigitateur oriental et l'épisode musette parisien ajouté qu'enluminent le grandiose accordéon et la présence rousse et tricolore d'Yvette Horner. On saura gré à Béjart d'avoir conservé le « Grand Pas de deux », qui est le clou technique du ballet dans la façon traditionnelle de Petipa. L'Orchestre Colonne, sous la direction d'Edmón Colomer, se tire pour le mieux de cette version un peu remaniée de la partition originale.
« Behind the Scenes », le documentaire d'une vingtaine de minutes qui suit, éclaire si bien le spectateur sur les intentions du chorégraphe qu'il est conseillé de le regarder avant le ballet. Tous les participants défilent et font partager leur enthousiasme tandis que Béjart commente ses intentions très personnelles. S'il n'était un peu répétitif, ce document serait un exemple de ce que l'on souhaite trouver comme bonus pour tout spectacle lyrique ou chorégraphique.

« Giselle », au théâtre Bolchoï de Moscou

Rien de tel ne vient après cette « Giselle » filmée en 1990 par les Japonais pendant l'ère Grigorovitch. On vient de voir, avec « Ivan le Terrible » monté à l'Opéra-Bastille et le « le Lac des cygnes » présenté à Paris par le Ballet du Bolchoï, deux réalisations de ce tsar de la danse classique qui régna sans partage sur le Bolchoï pendant les trois décennies les plus glorieuses de ce théâtre.
Sa « Giselle » est d'une esthétique on ne peut plus fidèle au modèle. Elle utilise la chorégraphie originale de Jean Coralli, Jules Perrot et Marius Petipa de 1841. La clairière romantique en toiles peintes du premier acte ne manque pas de charme, les costumes non plus. L'acte blanc est l'archétype du genre. Le corps de ballet est d'une discipline impeccable, notamment les Wilis, les solistes font un peu trop leur âge mais leur technique est superlative.
Natalia Bessmertnova (Giselle), Mme Grigorovitch à la ville, créatrice du rôle d'Anastasia dans « Ivan le Terrible » en 1975 à Moscou, est probablement une des dernières très grandes Giselle du Bolchoï. Yuri Vasyuchenko (Albrecht) et Yuri Vetrov (Hilarion) sont exemplaires.
La pantomime du premier acte est un peu lourde, ou mal filmée. Les habitués des compagnies occidentales pourront trouver l'ensemble un peu plus raide, un peu moins spontané et joyeux que ce qu'ils ont coutume d'admirer chez eux mais la danse y est superlative.
L'orchestre maison dirigé par Algis Zhuraitis donne une idée de la perfection que peut atteindre l'interprétation de cette célèbre partition d'Adolphe Adam. Une excellente version de référence.

Trois DVD TDK Pal en coffret cartonné, disponibles séparément : « Coppelia », ballet 67 mn et documentaire de 52 mn ; « Casse-Noisette, ballet 104 mn, documentaire 22 mn, enregistré en 1999, sous-titré en cinq langues ; « Giselle », enregistré en 1990.

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> OLIVIER BRUNEL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7483