COMPTE TENU de l'impopularité de la majorité, on n'est pas porté à croire qu'elle gagnera les élections municipales. La plupart des grandes villes, y compris Paris, semblent rester ou basculer à gauche ; les sondages ne sont pas encourageants pour la droite. Et, après tout, on reconnaît là une tradition française : la gauche gagne toutes les élections, sauf la présidentielle et les législatives.
Polémique sur un rapport.
On dit un peu partout que Nicolas Sarkozy est furieux contre les élus de sa majorité qui ne cessent de pousser des cris d'alarme, s'inquiètent des décisions impopulaires du gouvernement et sont scandalisés par le rôle que continuent à jouer les conseillers personnels du chef de l'Etat, lesquels énoncent les programmes avant même que le Premier ministre ne s'en empare. Les députés UMP ont pourtant de bonnes raisons d'exprimer leur colère : ils constatent dans leurs circonscriptions les ravages d'une politique rarement cohérente et dans laquelle M. Sarkozy lui-même n'a pas réussi à mettre un peu d'ordre. Ils défendent leur propre mandat.
Ils se sont soulevés contre le rapport Attali parce que, de la manière dont il a été présenté par son auteur principal, c'est-à-dire sous la forme d'une mise en demeure, il a simplement oublié qu'il y a en France un Parlement. On notera d'ailleurs que le rapport Attali a causé des ravages politiques avant même que la moindre de ses recommandations ne soit appliquée. On ne peut pas ne pas accorder un intérêt soutenu à l'affaire des taxis qui aura été exemplaire de tout ce qui va mal dans notre pays. Le rapport Attali proposait (l'imparfait est plus exact que le présent) la libéralisation de la profession de chauffeur de taxi pour créer un plus grand nombre de taxis dans les grandes villes et donc d'emplois.
Les chauffeurs de taxi ont de bonnes raisons pour détester cette idée. Ils ne peuvent exercer leur métier qu'après avoir obtenu une licence qui coûte 100 000 euros ou plus et qu'ils revendent au moment où ils changent de métier ou prennent leur retraite. Si on ouvrait la profession à d'autres, se poserait ce premier problème financier, lequel, par définition, pourrait être résolu avec de l'argent. Mais les chauffeurs de taxi estiment qu'ils sont en nombre suffisant. Et il est vrai que leurs revenus ne sont pas élevés du tout, même quand ils travaillent douze heures par jour. C'est un métier très dur.
Mais, enfin, il ne s'agissait que d'une proposition contenue dans un rapport et le candidat Sarkozy avait promis aux taxis qu'il ne réformerait pas leur profession. Ne voilà-t-il pas que, sur une seule suggestion de la commission Attali, les chauffeurs de taxi, à deux reprises, provoquent des embouteillages dans les grandes villes et sur les autoroutes ? On peut imaginer quel chaos monstrueux ils auraient déclenché si la proposition de M. Attali avait été réellement adoptée par le gouvernement.
Lequel a fait exactement le contraire : reçus à Matignon, les représentants de la Fédération des taxis (FNAT) ont annoncé que non seulement M. Fillon rejette la proposition Attali, mais qu'il ouvre des négociations pour augmenter les tarifs. Autrement dit, les taxis seront toujours aussi rares dans les grandes villes, notamment aux heures de pointe, et ils coûteront plus cher.
Le groupe et la collectivité.
C'est l'exemple même du soutien à un groupe au détriment de toute la collectivité ; c'est le renforcement d'un verrou de la société ; le triomphe d'un corporatisme, le mépris du consommateur, le désespoir de la réforme. C'est aussi la preuve que le pouvoir n'a déjà plus la force et le soutien requis pour tenir tête à une corporation et que, faute de mieux, on fait la politique de Gribouille. Il ne s'agissait pas, pourtant, d'ignorer la condition du chauffeur de taxi ; il s'agissait de créer des emplois en essayant de ne pas porter atteinte aux revenus de ceux qui sont en place. Tout cela pouvait se négocier. Mais non : nous sommes dans un pays où n'importe quel groupe est prêt à paralyser le pays pour bloquer une réforme.
Jean-François Copé, chef de l'UMP à l'Assemblée, s'inquiète du sort réservé au rapport Attali après en avoir largement contesté quelques grandes lignes. Il faut sauver le rapport, dit-il. On en accepte l'augure, de même qu'on est tout prêt à croire le chef de l'Etat quand il dit, presque avec consternation : mais il ne s'agissait que de moderniser la profession de taxi.
Mais c'est chacun pour soi, et tant pis pour tous les autres.
Nicolas Sarkozy a à peine entamé ses réformes qu'il est atteint par une faiblesse politique qui le rend impuissant. Pourtant, il n'y a pas longtemps qu'il a été élu président.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature