LES ÉCONOMISTES le savent : nous préférons les décisions dont les risques sont connus, à la confrontation de choix ambigus avec des risques incertains par insuffisance de données. En évaluant par IRM fonctionnelle des volontaires soumis à des jeux de pari, une équipe montre pour la première fois que des régions cérébrales différentes sont activées devant des choix ambigus, par rapport aux choix à risques connus. Ces régions sont le cortex orbitofrontal et l'amygdale, deux régions cérébrales de l'émotion. C'est confirmé par la constatation que des patients affectés de lésions orbitofrontales sont, dans leurs choix comportementaux, non affectés par l'ambiguïté et le risque.
« Nous avons utilisé l'IRM fonctionnelle afin d'isoler les régions cérébrales qui sont plus fortement activées par l'ambiguïté (probabilités inconnues) que par le risque (probabilités connues) », explique au « Quotidien » le Dr Colin Camerer, économiste comportemental et professeur au California Institute of Technology à Pasadena.
« Cette différence est débattue depuis longtemps en psychologie, en économie et en philosophie, et c'est la première preuve neurale établissant une différence d'activité cérébrale entre les décisions risquées et les décisions ambiguës. Ces régions sont l'amygdale et le cortex orbitofrontal, ainsi que certaines autres dont la participation dans ces décisions est moins facilement interprétée. »
Lésions du cortex orbitofrontal.
« Nous avons également étudié des patients souffrant de lésions du cortex orbitofrontal (les mêmes régions activées à l'IRMf) . Ces patients traitent l'ambiguïté et le risque de façon équivalente dans leurs choix comportementaux, ce qui corrobore l'idée selon laquelle le cortex orbitofrontal fait partie d'un système qui répond à l'ambiguïté et génère l'aversion pour les paris lorsque les probabilités sont inconnues (" peur de l'inconnu économique " ). »
Ces résultats ont des répercussions pour la recherche en neurologie, en « introduisant l'important concept du degré variable d'incertitude qui est absent dans les précédentes études de récompense et de prise décisionnelle », notent Hsu, Camerer et coll., dans la revue « Science ».
Ils ajoutent qu'il est crucial de comprendre la base neurale de ce type de choix « car il représente une activité fondamentale à tous les niveaux de société, intervenant par exemple lorsque les gens économisent pour leur retraite, lorsque les compagnies fixent les prix d'assurances, et lorsque les pays évaluent les risques militaires, sociaux et environnementaux », soulignent-ils.
Ai-je fait un impair ?
Certains sous-groupes de populations pourraient, de façon inhabituelle, soit « aimer » l'ambiguïté soit « l'abhorrer », suggère le Dr Camerer. Dans ce dernier cas, « cela pourrait concerner les troubles de l'anxiété, où l'information manquante est l'information sociale ("M'aimera-t-il ?" "Sera-t-il à la soirée ?" "Ai-je fait un impair ?"). »
Inversement, « certaines personnes, selon des études pilotes, montrent une réelle préférence pour l'ambiguïté. Quel que soit leur pari, elles font confiance à leurs chances de gagner. Une forme extrême de la confiance en soi peut être la folie des grandeurs, ou un sentiment dysfonctionnel d'invulnérabilité ; mais la préférence pour l'ambiguïté semble aussi apparaître chez les entrepreneurs, les chefs d'entreprise et peut-être les politiciens. D'un point de vue social, elle peut être utile, elle motive les gens à explorer des régions obscures, à voyager dans l'espace, à se lancer dans des entreprises extravagantes, mais cela peut être dysfonctionnel sur le plan individuel. »
« Science », 9 décembre 2005, p. 1 680.
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