Au début de son livre, Charles Pépin prend en compte l’extrême fragilité du nouveau-né humain. Nous naissons inachevés, c’est la célèbre néoténie, et si le poulain lâché dans un pré galope immédiatement, le petit d’homme mettra une année entière avant de marcher. C’est dire que notre existence dépend d’autrui. Peu à peu, dit l’auteur, « l’enfant va prendre confiance en lui grâce à ces liens tissés avec les autres, aux soins qui lui sont prodigués, à l’attention dont il est l’objet, à l’amour inconditionnel qu’il reçoit. »
À partir de ces éléments théoriques, Charles Pépin analyse la manière dont des personnes célèbres ou des anonymes ont pu surmonter cette fragilité et acquérir une étonnante confiance en eux, un sursaut créateur qu’analysait bien autrefois un rival de Freud, Alfred Adler, qui évoquait le bégaiement de Démosthène, devenu un grand orateur.
L’auteur a choisi des exemples empruntés à des domaines variés. Le sport avec Yannick Noah ou Serena Williams, l’effort presque insensé avec le pionnier de l’escalade libre Patrick Edlinger, la chanson avec Madonna Louise Ciccone. – qui eut beaucoup de difficultés à s’inscrire dans un espace familial – ou encore John Lennon… Bien sûr, il ne suffit pas d’« en baver », encore faut-il avoir un vrai talent. Un peu de chance aussi. De très nombreux groupes faisaient de la pop rock à Liverpool dans les années 1960, qui peut assurer que les Beatles étaient les meilleurs ?
Charles Pépin souligne l’importance de l’Autre, dont le surgissement a constitué l’encouragement décisif. Yannick Noah a reçu une raquette en cadeau de la part du grand tennisman Arthur Ashe. D’une manière quasi générale, nous acquérons une sûreté lorsqu’on nous fait confiance en nous offrant des responsabilités. Ainsi peut se dessiner une conception de l’amitié. « Un ami, disait Aristote, c’est quelqu’un qui nous rend meilleur. » Il nous permet d’actualiser ce qui n’était qu’en puissance en nous. Cela peut être aussi la rencontre avec un professeur qui nous a fait confiance.
Crise de confiance
Un détour intéressant permet à l’auteur de montrer comment Internet peut saper cette confiance en soi. Sur Facebook ou Instagram nous « rencontrons » des gens plus beaux et intelligents, leur réussite est éclatante et humiliante, avec leurs milliers de followers. Nous voici en fait infériorisés par le poison de la jalousie, alors que bien souvent il s’agit de destins totalement mis en scène.
La confiance en soi est « cassée » si nous nous abandonnons aux passions tristes qu’entraîne la comparaison – Rousseau en faisait la cause du Mal, avant même la propriété, dans son « Discours sur l’origine de l’Inégalité » –. Elle peut pourtant être paradoxalement rehaussée dans les moments les plus tragiques.
Charles Pépin l’illustre très bien avec l’exemple d’Etty Hillesum. Cette jeune Juive hollandaise fut déportée en 1943 à Auschwitz, où elle mourra avec le reste de sa famille. Elle a découvert la foi après une thérapie avec le Jungien Julius Spier et dédie les jours qui lui restent dans le camp à aider ceux qui souffrent. Les survivants témoignent qu’elle « rayonnait », consciente, écrit-elle, « de continuer à accepter la vie et à la trouver bonne, même dans les pires moments ».
Un livre démonstratif et vibrant.
Charles Pépin, « La Confiance en soi - Une philosophie », Allary Éditions, 224 p., 18,90 €
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature