IL N'EST PAS IMPOSSIBLE que la réforme du système de santé bénéficie de la défaite de la droite aux élections régionales et cantonales. Ce sérieux revers a mis à la mode le mot concertation. Le ministre de la Santé et de la Protection sociale multiplie les garanties : il ne fera rien sans avoir consulté toutes les parties intéressées.
Ses premiers contacts n'ont pas été ponctués de signaux négatifs. Les syndicalistes, les mutualistes, les professionnels de santé ont posé les bornes de la réforme, c'est-à-dire qu'ils ont mentionné les orientations qu'ils rejettent d'emblée, sans pour autant juger négativement le contenu de leurs entretiens.
LA GRAVITÉ DE LA CRISE REND LA REFORME PLUS PLAUSIBLE
Pas de rapiéçage.
Théoriquement, le nombre des vetos exprimé élimine presque toutes les pistes. Mais, à juste titre, M. Douste-Blazy a écarté l'idée d'un « énième plan » uniquement destiné à combler le déficit et qui consisterait à augmenter, comme d'habitude, les prélèvements sociaux. Cela ne veut pas dire qu'il ne le fera pas. Cela veut dire que, s'il le fait, ce sera dans le cadre de ce qu'il appelle (comme d'autres) une « nouvelle gouvernance » du système : il s'agit non seulement d'effacer le passif mais de gérer l'assurance-maladie de façon à éviter une nouvelle dérive de son budget.
Ce ne sera pas une tâche facile. Et c'est justement parce que le déficit est devenu incontrôlable qu'un vague consensus existe aujourd'hui en France pour mettre un terme à une crise qui, si elle se poursuivait, disqualifierait à peu près tout le monde en France, la classe politique toutes tendances confondues, les responsables directs du système, les professionnels et les patients, auprès desquels le message que l'affaire est sérieuse commence enfin à passer.
Comme personne ne saurait se résoudre à accepter le déficit comme une fatalité dans un pays qui ne manque pas de gens compétents, la réaction au passif de l'assurance-maladie est d'autant plus ferme qu'il dépasse les bornes.
Certes, il est induit par une conjoncture médiocre : si le taux de chômage en France était comparable à celui des Etats-unis ou du Japon, les déficits publics ne nous effraieraient pas et n'inciteraient guère nos dirigeants à prendre le risque politique de la réforme. Mais on doit admettre qu'à l'influence du marasme économique s'ajoute une part de gabegie elle-même produite par la générosité du système.
Passes d'armes.
C'est sur cette générosité que les passes d'armes seront les plus fréquentes dans les semaines qui viennent. L'insistance de beaucoup de professionnels de santé, des caisses, des mutuelles et de l'opposition sur « l'égal accès aux soins pour tous » est souvent comprise par les patients comme un droit aux abus, qu'il s'agisse du nomadisme médical (moins répandu qu'on ne le dit), de la demande excessive de médicaments, des arrêts de travail pas nécessairement justifiés ou de la multiplication des consultations.
Mais on ne peut maintenir l'universalité du système si on n'empêche pas certains de ses bénéficiaires d'en profiter exagérément et de nuire ainsi aux autres. Des contrôles sont donc indispensables, plus chez les consommateurs de soins que chez ceux qui les dispensent. Le gouvernement peut trouver sur cette base un compromis avec l'opposition et avec les professionnels de santé.
M. Douste-Blazy s'est contenté jusqu'à présent de mentionner le chiffre prévisionnel du déficit pour cette année, qui est d'ailleurs passé en quelques jours de 11 à 14 milliards. Si ce n'est pas vrai, c'est de la bonne communication puisque cette accélération dans l'infortune accroît l'urgence de la réforme.
En revanche, le ministre s'est refusé à indiquer des mesures fiscales de redressement. Il laisse les Français espérer qu'ils échapperont à une hausse de la CSG en répétant qu'on a déjà recouru à ce moyen et qu'il faut trouver autre chose.
Déficit et passif.
C'est très bien dit, mais les problèmes financiers existent, ils sont aigus et de deux ordres : d'une part, les déficits accumulés des deux années précédentes forment un passif qu'il faut apurer, ce qu'on fera sans doute en prolongeant la durée de la Crds (contribution à la réduction de la dette sociale, soit 0,5 % sur tous les revenus). Ensuite, il faut retourner à l'équilibre dès cette année et on n'y parviendra qu'en augmentant les prélèvements obligatoires sous quelque forme que ce soit, hausse de la CSG, TVA sociale, franchise pour les assurés les plus aisés.
M. Douste-Blazy semble avoir écarté certaines pistes explorées par son prédécesseur, par exemple le non-remboursement de un ou deux euros par boîte de médicaments, jugé injuste par les mutuelles et par la gauche. Bien qu'il se refuse pour l'instant à l'envisager, il sait que les Français se résigneraient à une hausse d'un point de la CSG. C'est plutôt dans la majorité que cette mesure serait mal considérée puisque le gouvernement et M. Chirac continuent à défendre le credo d'une diminution des prélèvements.
Bien entendu, la « nouvelle gouvernance » de l'assurance-maladie aura un rôle essentiel à jouer pour contenir les dépenses sans porter atteinte au dogme de l'universalité du système. Un appareillage compliqué va être mis au point qui ne montrera qu'à l'usage s'il est efficace ou non.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature