La dotation au Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) est réduite à 20 millions d'euros pour 2003 dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui passera au Sénat en première lecture la semaine prochaine. Ce fonds expérimental, mis en place en 2000 et prolongé jusqu'à fin 2006, est certes autorisé, comme en 2002, à dépenser jusqu'à 106 millions d'euros l'an prochain pour des projets d'amélioration de la qualité des soins proposés par des professionnels de santé libéraux. Mais le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a décidé de diviser quasiment par quatre la dotation annuelle du FAQSV, tout simplement parce que celui-ci accumule des réserves.
La majeure partie des sommes mises à la disposition du FAQSV pour 1999 et 2000 était déjà restée dans les caisses du fonds. Rien d'étonnant, quand on sait que les comités national et régionaux de gestion des fonds sont devenus opérationnels tardivement, dans le courant de l'année 2000. En théorie, le FAQSV était prêt à fonctionner à plein régime à partir de 2001. Paradoxalement, cette année-là, le FAQSV n'a utilisé que la moitié de son budget total en finançant environ 300 projets sur l'ensemble du territoire.
Pourtant, l'une des missions du fonds est de répondre à une forte demande de financement des professionnels de santé libéraux qui conçoivent et animent des réseaux de soins (voir encadré).
Avant la création du FAQSV au sein de l'assurance-maladie, ces praticiens n'avaient que le « système D » à leur disposition. En effet, la seule alternative pour eux (jusqu'en 2001) consistait à s'engager dans la procédure d'agrément des filières et réseaux de soins expérimentaux dits « Soubie » : une tâche ardue avec des chances de succès minimes, puisqu'en cinq ans, seulement une quinzaine de projets ont obtenu à la fois l'aval de la commission Soubie et le feu vert du gouvernement pour bénéficier d'un financement dérogatoire aux règles de l'assurance-maladie.
Lente montée en charge
Dans ces conditions, pourquoi les caisses du FAQSV renferment-elles autant d'argent qui dort ? « La montée en charge a été lente car il a fallu du temps pour faire passer l'information sur ce nouveau fonds auprès des professionnels de santé libéraux, et puis on ne veut financer que des dossiers qui apportent vraiment une plus-value », répond Yves Petit, directeur-adjoint de l'Union régionale des caisses d'assurance-maladie (URCAM) en Rhône-Alpes. Le FAQSV de cette URCAM n'a utilisé en 2001 qu'à peine 20 % de son enveloppe (6,9 millions d'euros, soit la deuxième plus grosse enveloppe régionale allouée après celle d'Ile-de-France). En Lorraine, « les projets présentés n'étaient en général ni suffisamment construits, ni cohérents avec la politique régionale de l'URCAM », précise Christine Carle, chargée de mission à l'URCAM. Résultat : le FAQSV lorrain n'a octroyé que 10 % de son budget 2001.
Les comités de gestion régionaux du FAQSV, où siègent paritairement des représentants des caisses et des professionnels de santé libéraux, se montrent plus ou moins sélectifs lorsqu'ils examinent les dossiers de demande de subvention. Ces « jurys » ont en tout cas manqué de candidats au démarrage. En Alsace par exemple, le FAQSV a consommé seulement 18 % de ses crédits alors que le comité de gestion rejette en moyenne un dossier sur deux. Pire : en Corse, le FAQSV n'a octroyé que 5 % du fonds en acceptant deux projets... sur les trois qui lui ont été soumis.
Quand les initiatives existent, elles ont besoin de temps pour mûrir, comme le rappelle Eve Isenmann, chargée de mission à l'URCAM de Haute-Normandie : « Monter un dossier est toujours très long car il faut au préalable bien définir les objectifs et s'entendre avec tous les acteurs concernés. »
Même lorsque le FAQSV accorde à un projet une certaine somme répartie sur trois ans, elle n'est pas automatiquement versée dans sa totalité. « Si un projet ne se déroule pas du tout comme prévu ou s'il tombe à l'eau, le financement est interrompu », explique-t-on à l'URCAM de la région PACA.
Mais, après tout, les reliquats « démontrent que les fonds sont encadrés avec une certaine rigueur », fait remarquer le directeur de l'URCAM d'Ile-de-France, Dominique Cherasse.
2002, le déclic
Quoi qu'il en soit, le FAQSV se montre apparemment plus dépensier cette année. Si, bien sûr, l'exercice 2002 n'est pas encore bouclé, l'URCAM de Lorraine constate déjà « un déclic, au vu de la quantité et de la qualité des dossiers présentés ». En Midi-Pyrénées, le FAQSV prévoit de consommer « environ 85 % » de son enveloppe, contre seulement 22 % l'année précédente.
Les efforts de communication des URCAM et l'arrivée de dossiers mieux ficelés favorisent une montée en charge des accords de financement.
Malgré tout, il y aura encore des reliquats en 2002, y compris en Auvergne et en Franche-Comté, où les FAQSV avaient dépensé la totalité de leurs budgets respectifs l'an passé. En effet, une partie des crédits était cette année obligatoirement « fléchée » vers la régulation, la permanence des soins (maisons médicales) et les aides à l'installation des médecins, des infirmières et orthophonistes libéraux. Or les aides à l'installation n'ont jamais vu le jour, faute de décret d'application définissant les critères de sélection des zones géographiques déficitaires en offres de soins.
Un « matelas de sécurité »
Ce qui n'a pas été dépensé en 2001 ou 2002 ne sera pas thésaurisé indéfiniment par les comités de gestion régionaux du FAQSV. Les crédits non utilisés retournent intégralement au FAQSV national, puis ils sont redistribués l'année suivante, en fonction de la population des régions. « On ne récupère pas tout », souligne Laetitia Lenglet, chargée de mission à l'URCAM d'Alsace.
Avec ces reports de crédits, le FAQSV dispose d'un « matelas de sécurité ». Toutefois, les URCAM se posent beaucoup de questions à l'heure actuelle sur l'avenir du fonds.
Dans le PLFSS 2003, Jean-François Mattei élargit les missions du FAQSV au financement de l'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) des médecins organisée par les unions régionales de médecins libéraux (URML). En Ile-de-France, l'une des quatre régions choisies pour expérimenter l'EPP, le directeur de l'URCAM, Dominique Cherasse, voit cette nouvelle charge d'un bon il car elle « correspond à l'esprit du FAQSV ». En revanche, il trouverait « scandaleux » qu'elle soit assumée par le fonds sans enveloppe spécifique supplémentaire. A budget constant, explique-t-il, les sommes que le FAQSV consacrera à l'évaluation des seuls médecins seront retirées de fait aux projets des autres professionnels de santé libéraux et à ceux des centres de santé, également éligibles au fonds.
Par ailleurs, les URCAM sont actuellement « en pleine incertitude sur les types de dépenses (dérogations tarifaires, dépenses de fonctionnement...) qui seront couvertes respectivement par le FAQSV et l'enveloppe Réseaux », souligne Jean-Yves Abécassis, sous-directeur de l'URCAM de la région PACA. Le principe de l'enveloppe Réseaux, appelée aussi « cinquième enveloppe », a été adopté dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002. Mais les 23 millions d'euros affectés en 2002 à cette nouvelle ligne budgétaire incluse dans l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) sont restés absolument intacts. Deux décrets et une circulaire devaient donner le mode d'emploi à l'assurance-maladie pour les utiliser. Un seul est paru à ce jour (voir encadré). Le second décret, qui doit fixer la charte de qualité des réseaux, est paraît-il « en cours de signature ».
Pérenniser le système
« La cinquième enveloppe permettra d'apporter un financement pérenne, d'harmoniser les réseaux ambulatoires et hospitaliers ou de mieux articuler les versants hôpital et soins de ville du même réseau », selon le Dr François Baudier, directeur de l'URCAM de Franche-Comté. Dominique Cherasse estime que « cette nouvelle ligne budgétaire devrait servir aux réseaux qui ont déjà démarré grâce au FAQSV et fait leurs preuves ». Comme le FAQSV a été souvent conduit en Ile-de-France à renouveler des subventions pour permettre à des réseaux de perdurer, la cinquième enveloppe devrait soulager un peu le fonds. « A condition que le volume de cette enveloppe soit suffisant en 2003 », nuance le directeur de l'URCAM francilienne.
Le montant de la cinquième enveloppe n'est pas encore connu pour 2003, mais la faible dotation de cette année est de mauvais augure. « En PACA, l'enveloppe régionale Réseaux de 1,5 million d'euros était quatre fois moindre en 2002 que la dotation FAQSV : elle ne nous suffira donc pas pour continuer à financer une vingtaine de réseaux comme aujourd'hui », avertit Jean-Yves Abécassis.
Face au flou qui entoure encore le nouveau système de financement des réseaux de santé, les gestionnaires du FAQSV en sont réduits à la navigation à vue.
Financement des réseaux : la nouvelle règle du jeu
Un décret du 25 octobre a enfin fixé la nouvelle procédure de financement des réseaux à partir de la « cinquième enveloppe » créée par la loi de financement de la Sécu pour 2002. Dans chaque région, les promoteurs de réseaux de soins doivent adresser leur dossier de demande de subvention aux directeurs de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et de l'URCAM. L'absence de réponse au bout de quatre mois vaut rejet. Le feu vert (pour une durée de trois ans maximum) est donné sur « décision conjointe » des directeurs de l'ARH et de l'URCAM. Cette décision prend en compte notamment les priorités de santé publique, « l'intérêt médical, social et économique » du réseau, « les critères de qualité et les conditions d'organisation, de fonctionnement et d'évaluation ».
Chaque réseau fait l'objet d'un suivi et d'une évaluation.
Où sont allés les millions de 2001 ?
Sur les 106,7 millions d'euros alloués au FAQSV en 2001, 85,3 millions (soit 80 %) étaient réservés aux comités de gestion régionaux du fonds dans les URCAM, qui n'en ont utilisé que 48 %. Les 20 % restants ont été consommés aux deux tiers par le comité de gestion national au sein de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM). La majorité des subventions accordées concernent des actions de coordination des soins entre professionnels de santé libéraux : réseaux de soins (soins palliatifs, douleur, diabète, gérontologie...), systèmes d'information partagée, etc. Le FAQSV a financé aussi des maisons médicales de garde, des actions d'amélioration des pratiques (campagnes d'information, formations).
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