Pour ou contre une VIe République

C'est le premier tour qui compte

Publié le 20/03/2007
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CELA SIGNIFIE probablement que, pour une partie de l'électorat de M. Sarkozy, il représente une sorte de pis-aller, qu'il est relativement meilleur que Mme Royal, pas forcément meilleur que François Bayrou. Chez les villepinistes, les chiraquiens nostalgiques, la gauche indisposée par les manières de la candidate, les jeunes qui ne sont attirés ni par la gauche ni par M. Sarkozy, et même chez les partisans de Jean-Marie Le Pen qui savent déjà qu'il ne sera pas au second tour, François Bayrou représente une façon de ne pas tomber à gauche, une façon de se ranger dans le camp des oecuménistes, une façon de ne pas tomber trop à droite, une façon, surtout, de changer le système.

Un président voué à la cohabitation.

Sans doute la plupart des électeurs de M. Bayrou ne sont-ils pas conscients de la crise institutionnelle que son élection provoquerait : il n'a pas de grand parti et il n'obtiendrait pas une majorité parlementaire aux législatives. C'est donc un président voué à cohabiter dans des conditions que le peuple jugera quelque peu acrobatiques. M. Bayrou lui-même laisse entendre que, si on modifie les institutions, sa présidence sera viable ; et il a déjà proposé le retour à la proportionnelle qui instituerait de nouveau ce que le gaullisme méprisant appelait le « régime des partis ».

SARKOZY A INTERET A AVOIR ROYAL POUR ADVERSAIRE AU SECOND TOUR

Consciente du danger, Mme Royal a redécouvert la « VIe République » chère à Arnaud Montebourg. Son message est le suivant : vous n'avez pas besoin d'élire François Bayrou et de passer par une crise de régime. Elisez-moi et je ferai une nouvelle république qui donnera enfin des pouvoirs au Parlement.

Premier point important : la candidature de M. Bayrou met en jeu la stabilité du régime ; ceux qui sont prêts à voter pour lui n'en sont pas vraiment conscients. Mme Royal se livre à une sorte de surenchère en se présentant comme une super-Bayrou. M. Sarkozy devrait donc profiter du débat en montrant qu'avec lui l'objectif sera prioritairement de redresser les comptes publics et d'améliorer la croissance. La question des institutions arrivera au deuxième rang, et s'il reste quelque chose de gaulliste chez M. Sarkozy, il se dressera avec la dernière énergie contre la proportionnelle qui, certes, favorise les petits partis, mais entraîne la disparition des blocs sans lesquels il n'y a pas de stabilité politique.

C'est le succès croissant de François Bayrou qui a provoqué le débat sur les institutions et il n'est pas négligeable : il permet à chacun des candidats de la trilogie de se démarquer par rapport aux autres. Il ne concerne pas toutefois les tâches les plus urgentes.

L'arrestation de Battisti.

L'arrestation au Brésil de Cesare Battisti, ex-terroriste repenti qui a échappé il y a trois ans à un mandat d'amener italien en fuyant la France, a été considérée par la gauche comme un méfait commis à dessein par le ministre de l'Intérieur pour améliorer sa popularité.

On comprend mal la logique de cette accusation : ou bien Battisti est une victime, comme l'ont répété la plupart des dirigeants socialistes, et, dans ce cas, son arrestation va au passif de M. Sarkozy ; ou bien c'est un criminel qui s'est soustrait à la justice italienne (laquelle l'a condamné à la perpétuité) et, dans ce cas, la gauche devrait applaudir à son arrestation. Il est bien possible que M. Sarkozy savait où se trouvait M. Battisti et qu'il l'ait fait arrêter à un moment opportun pour sa campagne électorale. Mais, s'il l'a fait, c'est parce qu'il est sûr qu'un succès de la police a toujours bonne presse ; de la même manière, il a été approuvé par 55 % des personnes interrogées quand il a proposé la création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale, dont le seul énoncé a fait hurler ses adversaires.

Nous sommes de ceux que le libellé du ministère n'a pas choqués, car quoi de plus vrai que l'intégration de toutes les minorités sous une seule identité nationale ? N'est-ce pas ce à quoi nous aspirons ? N'est-ce pas le moyen de combattre les communautarismes actuels ? Le président de l'UMP a le feeling des réactions populaires et il n'échappe pas, d'ailleurs, au populisme. Mais M. Bayrou ou Mme Royal n'ont-ils pas teinté leur campagne d'un soupçon de populisme ?

M. Sarkozy ne peut pas compter sur Mme Royal pour écarter M. Bayrou : certes, chaque point de pourcentage qu'elle gagnerait serait un point de moins pour M. Bayrou. Et le second tour serait joué. Mais ceux qui soutiennent M. Sarkozy ne doivent pas sous-estimer la fragilité de sa popularité : elle est constante, mais elle ne correspond pas à une adhésion viscérale puisque les électeurs du président de l'UMP sont prêts à le déserter au second tour pour élire M. Bayrou. Il faut donc que M. Sarkozy marque des points dans les trois semaines qui viennent, sinon, l'affaiblissement de Mme Royal préparerait sa propre défaite.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8130