L e démonstration sera venue des grands nombres. Un effet protecteur des AINS contre la maladie d'Alzheimer était déjà largement suspecté, mais il restait quelques interrogations, notamment sur la durée optimale de consommation des molécules, l'existence ou non d'effets de classe ou bien encore le cas particulier de l'aspirine. Ces grands nombres donc sont parvenus à conclure, entre les mains des Canadiens M. Etminan, S. Gill et A. Samii, par le truchement de la métaanalyse. Ils ont compilé les données de 9 études retenues sur 15, et menées chez des plus de 55 ans, soit plus de 14 000 personnes. Leurs résultats sont publiés dans le « British Medical Journal ».
Si le constat d'une diminution du risque d'Alzheimer par les AINS est bien confirmé par les auteurs, ils y ajoutent que la prise doit être prolongée pour en tirer un meilleur bénéfice. Ils relèvent au passage qu'un suivi trop court peut expliquer les résultats négatifs enregistrés dans certaines études.
Le cas des inhibiteurs de la COX-2
Quant à l'aspirine, la métaanalyse confirme aussi son effet protecteur. Mais les résultats ne sont pas statistiquement significatifs, en raison du trop faible nombre d'études dédiées à en évaluer les effets spécifiques. Il demeure pour l'instant impossible de la comparer aux AINS, en raison de données insuffisantes. Dans le même esprit, il est trop tôt pour préciser si les anti-inflammatoires de la classe des inhibiteurs sélectifs de la COX-2 peuvent montrer une action supérieure aux AINS classiques. Des études sont toutefois en cours. De même, les médecins canadiens manquent d'éléments pour juger de l'action des AINS sur la cognition en cas de maladie d'Alzheimer établie.
Les auteurs cependant reconnaissent, en outre, des limites à leur travail. Tout d'abord, les causes d'erreurs et de biais prennent plus d'importance au cours de métaanalyses portant sur des études observationnelles que sur des études randomisées. De plus, les études cas-contrôle sont plus à risque de biais de recrutement. Les auteurs relèvent que ces dernières sont davantage en faveur d'un effet protecteur des AINS, alors que les études de cohorte donnent des résultats plus variables. Enfin, un autre biais peut apparaître au cours d'études réalisées à partir d'entretiens.
Les divers travaux analysés diffèrent dans leur protocole, notamment dans l'évaluation de l'exposition au risque et dans l'ajustement en fonction de possibles facteurs d'erreur. Ainsi, il n'est pas toujours tenu compte de facteurs de risque de maladie d'Alzheimer, tels que des antécédents familiaux ou le statut face à l'apolipoprotéine E. Enfin, les auteurs reconnaissent n'avoir inclus dans leur métaanalyse que des travaux en langue anglaise, laissant de côté des travaux dans d'autres langues potentiellement importants.
Malgré ces écueils, les scientifiques concluent au rôle préventif des AINS sur le risque de survenue de maladie d'Alzheimer. Mais à la fin de leur métaanalyse, ils s'avouent incapables de déterminer les doses et les durées efficaces ainsi que les rapports bénéfice-risques.
« British Medical Journal », vol. 327, 19 juillet 2003, pp. 128-131.
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