Quel a été l’impact de la « crise de la pilule » sur les comportement des Françaises en matière de contraception ? Dans l’étude « Fecond 2013 », remise mardi matin à Marisol Touraine, l’Ined et l’Inserm reviennent sur les évolutions récentes des pratiques contraceptives en France et la contribution de la fameuse controverse de 2012-2013 à ces changements. Dans l’ensemble, le bilan est plutôt positif avec la persistance d’une bonne couverture contraceptive des Françaises et la fin du « monopole » de la pilule. Mais les auteurs (N. Bajos et al.) pointent aussi un recours croissant aux méthodes naturelles notamment dans les populations précaires.
Pas de désaffection de la contraception
L’étude « Fecond 2013 » a analysé les pratiques contraceptives des Françaises en 2013 grâce un questionnaire soumis à 4 453 femmes et 1 587 hommes. Ils ont ensuite comparé les données obtenues à la situation qui prévalait avant la polémique (étude Fecond 2010).
Globalement, « aucune désaffection vis-à-vis de la contraception n’a été observée », indique l’étude. De fait, parmi les femmes concernées (femmes ni stériles, ni enceintes, ayant des rapports hétérosexuels et ne voulant pas d’enfant), seules 3 % n’utilisent aucune contraception en 2013, soit la même proportion qu’en 2010.
En revanche, les pratiques ont évolué significativement puisque près d’une femme sur cinq déclare avoir changé de méthode depuis la controverse. Sans surprise, le recours à la pilule a nettement diminué (passant de 50 % en 2010 à 41% en 2013), au profit d’autres méthodes comme le stérilet (+1,9 point), le préservatif (+3,2 points) ou les méthodes naturelles (+3,4 points).
La désaffection de la pilule « semble bien liée à la controverse » analysent les auteurs de l’étude puisqu’elle concerne de manière quasi exclusive les contraceptifs incriminés dans le débat (pilules de 3e et 4e générations) qui représentent désormais 10% des méthodes contraceptives utilisées contre 19% en 2010.
Le retour des « méthodes naturelles »
Si pour les auteurs, cette reconfiguration du paysage contraceptif signe un « assouplissement de la norme contraceptive » plutôt bienvenu, elle pourrait s’être faite au détriment des populations les plus défavorisées socialement. En effet, « tandis que les femmes qui détiennent un CAP ou un BEP ont opté pour le préservatif et les plus diplômées (Bac + 4) pour le DIU, celles sans aucun diplôme ont davantage que les autres délaissé les pilules récentes au profit des méthodes les moins efficaces (dates, retrait) », rapportent les auteurs.
Ainsi, « les événements médiatiques et politiques semblent avoir contribué à une diversification des pratiques contraceptives mais aussi à une recomposition des inégalités socio-économiques autour de l'accès à la contraception », pointe l’étude.
Le spectre des grossesses non désirées
Au risque de voir augmenter le nombre de grossesses non désirées dans certaines classes sociales ? Alors qu’en juin dernier, la Drees avait publié un travail plutôt rassurant sur l’impact de la polémique en termes de grossesses non désirées et de recours à l’IVG (avec aucune augmentation documentée), les enseignements de l’étude Fecond sur ce point sont plus nuancés. Si, globalement, la modification des habitudes contraceptives des Françaises « ne devraient pas s’accompagner d’une hausse sensible des grossesses non prévues pour la population dans son ensemble rassure les auteurs, (… ) une augmentation pourrait toutefois se produire dans certains sous-groupes, les évolutions observées depuis 2010 étant socialement différenciées ».
Pas d’inquiétude en haut lieu...
Un bémol qui ne semble pas inquiéter les autorités sanitaires. Dans un communiqué publié dans la foulée des résultats de l’étude,la ministre de la Santé, Marisol Touraine, « se réjouit de ces résultats très positifs », estimant qu’ils « montrent que le message selon lequel “ la bonne contraception, c’est celle qui est délivrée à la bonne personne, au bon moment” » a été entendu par les femmes comme par les professionnels de santé. »
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