Un bon père de famille, un train de vie élevé, quatre voitures …. Xavier Dupont de Ligonnès, aujourd’hui disparu, est soupçonné d’avoir tué de sang-froid sa femme et ses quatre enfants. Si cet homme s’avère effectivement le responsable de ce quintuple assassinat, la question d’une pathologie psychiatrique qui aurait pu le conduire à ce passage à l’acte criminel se pose alors.
Un trouble de la personnalité ?
Pour le Pr Philippe Nuss (chef du service de psychiatrie, hôpital Saint Antoine, Paris), l’hypothèse la plus plausible est celle d’un trouble de la personnalité paranoïaque qui a évolué depuis longtemps. « En cherchant dans le passé du sujet, on retrouve en général des épisodes agressifs dans l’enfance, ou lors du service militaire, ou encore des altercations avec la police pour une simple amende de stationnement par exemple », explique-t-il.
Chez eux, le statut marital donne un sentiment d’existence. « Je suis marié à une femme donc je suis un homme, j’ai des enfants donc je suis un père ». Mais si un problème apparaît dans un autre contexte - le travail, ou sur le plan financier, par exemple - à ce moment le statut conjugal prend un ton pathologique, et le sujet tombe dans un délire de persécution, de jalousie, etc.
« L’enjeu est tellement la question de l’identité masculine, virile, que la folie s’exprime sur le plan familial, poursuit Philippe Nuss. Souvent ces personnes sont bien sous tout rapport, avec des signes extérieurs de réussite : voiture, vacances, bronzage… et quand le modèle qui donne le sentiment d’existence ne correspond plus, il faut le détruire ».
Affabulation et crises d’angoisse
Autre hypothèse, celle d’une mythomanie, qui peut d’ailleurs se surajouter à un trouble de la personnalité car elle est rarement considérée comme un symptôme isolé. Le mythomane a le désir d’être reconnu… pour ce qu’il n’est pas. Le pire, pour lui, est d’être placé face à son mensonge et de perdre ainsi sa raison d’être. C’est pourquoi, lorsqu’il est découvert, il embraye immédiatement sur une nouvelle affabulation, ou déclare de terribles crises d’angoisses qui elles aussi, peuvent conduire au crime.
Mais d’autres situations psychiatriques bien plus fréquentes, et souvent bien moins dramatiques, peuvent conduire à un passage à l’acte violent. « En termes d’épidémie, les situations les plus courantes sont les conduites addictives – surtout avec le cannabis , la cocaïne et autres psychostimulants et les troubles de l’humeur , explique le Pr Michel Lejoyeux * (chef de service de psychiatrie et d’addictologie, hôpital Bichat et Maison Blanche, Paris). Ainsi, on peut voir l’apparition d’idées délirantes brutales avec la consommation de toxique. En particulier, on sait aujourd’hui de façon certaine qu’une forte consommation de cannabis déclenche ou révèle un certain nombre de troubles psychotiques ».
Les troubles de l’humeur constituent l’autre entité qui demande de la vigilance : dépression et troubles bipolaires. D’un côté, chez un dépressif, un épisode mélancolique délirant peut entraîner un comportement agressif vis-à-vis de soi (suicide) ou des autres (suicide collectif) l’objectif étant de se libérer ou de libérer ceux que l’on aime d’une souffrance atroce ressentie.
De l’autre côté, chez une personne bipolaire, un accès maniaque peut se manifester par un trouble du comportement. Mais dans ce cas il s’agit toujours d’un moment de folie, sans aucune préparation.
Beaucoup plus rarement, on peut être confronté à un trouble schizophrénique qui évolue à bas bruit et qui connaîtra une effervescence symptomatique à la faveur d’un stress.
Pour le médecin traitant, la sémiologie s’impose afin de déterminer l’origine du trouble. Le passage à l’acte n’est en effet que le symptôme d’une histoire, qui sera différente selon les cas « une schizophrénie qui se révèle n’a rien à voir avec une ivresse, ni avec une dépression », illustre Michel Lejoyeux. Le médecin recherche donc une origine addictive, thymique, interprétative, et fait une anamnèse afin de savoir s’il s’agit d’un premier épisode ou s’il y en a eu d’autres. Lorsqu’un trouble psychiatrique est suspecté, l’adresse à un spécialiste s’impose : « dans ce cas, le trouble du comportement est une raison de plus pour soigner rapidement », indique Miche Lejoyeux.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature