De notre correspondante
à New York
« La forte majoration de la protection que nous avons observée après restauration du locus RD1 indique qu'il faut inclure cette modification génétique dans n'importe quel nouveau vaccin BCG recombinant », affirme l'équipe qui est dirigée par le Dr Stewart Cole de l'Institut Pasteur de Paris (unité de génétique moléculaire bactérienne).
Au début du siècle dernier, Calmette et Guérin créaient un vaccin contre la tuberculose en atténuant une souche virulente de Mycobacterium bovis. Ce bacille de Calmette et de Guérin (BCG) est ainsi utilisé depuis 1921 pour prévenir la tuberculose. Administré peu après la naissance, le BCG réduit l'incidence de tuberculose de l'enfant d'environ 70 %, mais il n'est pour ainsi dire pas efficace contre la tuberculose pulmonaire de l'adulte dans les régions endémiques. La survenue de 2 millions de décès par tuberculose chaque année souligne le besoin urgent d'un meilleur vaccin.
Une des raisons proposées pour expliquer la faible efficacité du BCG, est l'absence d'antigènes protecteurs contre le Mycobacterium tuberculosis, le principal agent de la tuberculose humaine. Il faut dire que plus d'une centaine de gènes de M. tuberculosis sont absents du BCG, soit parce qu'ils ont été perdus durant l'évolution divergente de M. bovis, soit parce qu'ils ont été perdus durant le processus d'atténuation.
Neuf gènes de la région RD1
Parmi les gènes manquants, figure un groupe important de 9 gènes, appelé région de délétion-1 (ou RD1). La région RD1 contribue grandement à la virulence de la mycobactérie. Mais elle contribue aussi à l'immunité protectrice. Deux gènes dans la région RD1 codent pour les antigènes sécrétés ESAT-6 (Early Secretory Antigenic Target 6 kDa) et CFP-10 (Culture Filtrate Protein 10 kDa), qui stimulent une forte réponse des cellules T. Il est à noter que l'absence de la protéine ESAT-6 dans le BCG est utilisée comme outil diagnostique afin de distinguer l'infection M. tuberculosis de la vaccination BCG.
Dans ce contexte, Pym, Cole et coll., souhaitant majorer l'immunogénicité et l'efficacité protectrice du BCG, ont construit différents BCG recombinants, en introduisant les gènes qui codent pour l'ESAT-6 et la CFP-10 ainsi qu'un nombre variable de gènes voisins. Ils montrent deux choses.
Premièrement, seule la réintroduction complète du locus RD1, comprenant au moins 11 gènes, entraîne la sécrétion des antigènes ESAT-6 et CFP-10 et produit des réponses immunes anti-ESAT-6. La protéine ESAT-6 et son partenaire de liaison CFP-10 sont exportés de la bactérie par un appareil de sécrétion qui est code par les gènes voisins.
Des animaux mieux protégés
Cette sécrétion d'ESAT-6 hors du cytoplasme est indispensable pour optimiser leur antigénicité et induire une réponse immune cellulaire T optimale.
Deuxièmement, les souris et les cochons d'Inde vaccinés avec la souche BCG recombinante armée de la région RD1, sont mieux protégés contre l'exposition, sous forme d'aérosols, à M. tuberculosis, par rapport à des animaux témoins vaccinés par le BCG actuel. Les animaux présentent notamment moins de pathologies et une moindre charge bactérienne dans la rate, ce qui suggère une meilleure inhibition de la dissémination mycobactérienne à partir du foyer initial d'infection.
L'équipe franco-britannique recommande donc la restauration du locus RD1 dans n'importe quel vaccin BCG recombinant, quitte à introduire une mutation atténuante pour conserver au vaccin BCG un bon profil de sécurité.
Prochaine étape : l'équipe envisage d'associer aux gènes RD1 soit la surproduction d'antigènes existants, soit l'introduction d'antigènes perdus de M. tuberculosis afin d'améliorer le vaccin BCG recombinant.
« Nature Medicine », 14 mai 2003, DOI: 10.1038/nm859.
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