Insupportable ! Insoutenable ! Invivable ! Les superlatifs se succèdent pour un constat toujours identique : la médecine libérale est usante. Et donc décourageante. Synonyme de liberté pour bon nombre de praticiens, ce mode d’exercice n’a désormais plus les faveurs des jeunes médecins. Une situation tellement préoccupante que le président du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), lui même s’en était ouvert dans les colonnes du magazine de l’ordre. A la veille de l’été, Michel Legmann signait ainsi un éditorial au titre ô combien évocateur : « La médecine libérale a-t-elle encore un avenir ? » Et le président de l’Ordre d’enfoncer le clou en déclarant : « le problème n’est pas tant celui du nombre total de médecins en activité que celui du nombre de médecins libéraux réellement en exercice ».
Une question d’autant plus préoccupante pour l’institution ordinale, que « la désaffection des jeunes médecins pour l’exercice libéral semble aller croissante ». Ainsi seuls 9 % des nouveaux inscrits au tableau de l’ordre s’installeraient en libéral. Conséquence : le nombre de médecins salariés a été multiplié par quatre. La raison ? Les généralistes libéraux supportent de moins en moins leur déficit d’image. « Ils souffrent de ne plus être la référence pour leurs patients, qui viennent de plus en plus avec leur propre liste de médicaments » explique ainsi Christine Lignier, consultante en recrutement, spécialisée dans le médical, chez Manpower.
Et ce n’est pas la reconnaissance du statut de spécialiste en médecine générale qui a changé les choses ! Au-delà du statut, la crise de la médecine libérale trouve sa source dans les conditions d’exercice. « Passé le cap des trente consultations quotidiennes, les médecins considèrent ne plus pouvoir exercer convenablement, » ajoute Christine Lignier. En clair, la course aux actes a atteint ses limites et ne peut plus satisfaire des praticiens de plus en plus souvent en situation de « burn out » (lire encadrés ci-contre).
Nouvelles voies d’exercice à l’hôpital
Dès lors, le salariat apparaît à certains la solution idoine. « Face aux charges croissantes et aux retards de paiement, l’option du salariat apparaît clairement comme la porte de sortie idéale, » précise encore la spécialiste de Manpower. Une porte de sortie qui revêt en réalité plusieurs visages. « Outre un certain nombre de demandes pour exercer à l’hôpital, de plus en plus de praticiens libéraux souhaitent aujourd’hui s’orienter vers la médecine du travail », précise encore la spécialiste de Manpower.
Mais c’est bien l’hôpital, aujourd’hui, qui offre le plus grand nombre d’opportunités. Outre les praticiens contractuels qui choisissent d’exercer deux ou trois ans dans un établissement hospitalier, de plus en plus de libéraux franchissent le pas et intègrent la fonction publique hospitalière. Un virage professionnel d’autant plus aisé à prendre que les conditions de recrutement sont intéressantes. « Pour tout médecin qui a validé un troisième cycle médical et exercé pendant deux ans au cours des cinq dernières années, le concours de praticien hospitalier (PH) est quasiment une formalité », explique Nicole Gallais-Ferrier adjointe au pôle ressources humaines de la Fédération Hospitalière de France (FHF). Pour les autres, la difficulté est à peine plus importante puisque « seule une épreuve de connaissances professionnelles s’ajoute à l’entretien oral ». Et l’intérêt est d’autant plus évident pour les libéraux que leur ancienneté est reprise au moins partiellement.
Ce mouvement pourrait d’ailleurs s’accélérer encore, en 2010, lorsque les décrets d’application de la loi hôpital, patient, santé, territoire (HPST auront été publiés. « Ce texte a en effet ouvert deux nouvelles possibilité de travailler à l’hôpital », explique Hélène Vidal-Boyer, responsable du pôle ressources humaines de la FHF. L’article 19 de la loi a ainsi modifié l’article L 6152-1 du code de la santé publique. Des lors que des postes présenteront des difficultés à être pourvus, des cliniciens contractuels pourront être recrutés. D’ici la parution du décret d’application, les postes concernés seront sans aucun doute intégrés dans les contrats d’objectifs et de moyens qui seront conclus avec les agences régionales de santé (ARS). L’article 13 de la loi permet également aux directeurs d’établissement de recruter des « praticiens libéraux dans le cadre de missions de service public ou pour participer aux soins dans le cadre de contrats d’exercice », ajoute Hélène Boyer. Ces médecins seront rémunérés en honoraires, sur une base horaire ou forfaitaire qu’un décret d’application viendra également définir. Autant d’opportunités qui pourraient inciter de plus en plus de médecins à réorienter leur carrière vers l’hôpital.
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