Le Parlement a ressorti un serpent de mer de la fausse prévention routière : le certificat médical d'aptitude à la conduite automobile. Inutile d'évoquer l'aspect douteux de cette annonce qui désigne à l'opinion publique soucieuse d'une plus grande sécurité routière un coupable : le « vieux ». Cette fausse bonne idée pose plusieurs problèmes liés tant aux réalités médicales qu'à la conception que l'on peut se faire de la liberté des citoyens.
Qu'il existe un examen médical dans le domaine de la médecine du travail est heureux puisque cette dernière vise à protéger le chauffeur d'un véhicule utilitaire à son travail. Il s'agit en fait de déterminer quels effets pourrait avoir cette activité professionnelle normale sur sa santé et son comportement. La protection des autres usagers de la route est alors aussi indirecte que certaine.
Une prévision impossible
Force est de constater que la finalité de l'emploi du véhicule personnel par une personne dans sa vie privée est tout autre puisqu'il s'agit d'améliorer son mode de vie. Aucun usage n'est imposé qui dépasserait ses aptitudes personnelles, qu'elles soient mentales ou physiques. Aucune tâche n'est définie puisque la conduite relève de l'organisation de la vie de chacun. Comment un médecin pourrait-il juger de l'aptitude de quelqu'un à une tâche indéfinissable ? Il existe déjà un examen du permis de conduire avec ses règles et ses exigences.
Si un individu possède ce permis, une inquisition médicalisée s'emparerait de son cas et traquerait la moindre défaillance potentielle inéluctablement. Dans l'esprit du législateur, le rôle du médecin serait de prévoir chez une personne toute lésion ou tout dysfonctionnement physique ou mental pouvant entraîner une erreur ou une faute de conduite cause d'accident. Or cette prévision est proprement impossible. Si l'état de la médecine permet de déceler des facteurs de risque, ses évolutions futures permettront de trouver toujours plus d'éléments indicateurs d'un risque potentiel. De même, la fréquence des examens, leur approfondissement et leur précision ne pourront qu'accroître la découverte de facteurs de risque. Se posera alors au praticien la question de savoir quel facteur il doit retenir. L'hypertension devra-t-elle être retenue comme facteur de risque car pouvant entraîner un infarctus ? A contrario, ne devra-t-on pas retenir l'hypotension puisque pouvant entraîner une syncope ? Il découle de ce fait que les normes adoptées seront nécessairement arbitraires et prises au nom du très mortifère principe de précaution. Inégalitaire et liberticide, ces mesures feront des médecins des délateurs malgré eux. Les médecins, soumis au risque de la faute professionnelle, seront enclins à accentuer les recherches d'éventuels risques au prix d'examens toujours plus précis et coûteux pour, au final, décider de la dépossession d'une personne de son permis de conduire. D'autres médecins comprendront que leur patient adaptera sa conduite à son état de santé. La prudence des personnes âgées au volant n'est d'ailleurs plus à démontrer. La preuve en est que les primes qui leurs sont accordées par les compagnies d'assurances sont bien plus avantageuses que celles accordées aux jeunes conducteurs. Que l'on nous dise combien d'accidents surviennent postérieurement à des lésions organiques : ce sont des cas exceptionnels et dont les causes sont bien souvent indécelables, à moins de mettre chaque Français sous surveillance médicale journalière. C'est une logique orwellienne que contient ce projet, une logique qui d'ailleurs aboutirait à écarter de la conduite un très grand nombre de Français à la vie parfaitement normale par ailleurs.
Comportements irresponsables
En matière de prévention routière, les facteurs d'accidents médicalement identifiables favorisant la faute de conduite et donc l'accident sont d'ordre comportemental. Tout le monde connaît le rôle de l'alcool ou des drogues dans l'accroissement du risque accidentel. On peut ajouter à ces risques ceux dus à l'excitation, l'imprudence, volontaire ou non, auxquels s'ajoutent tous les comportements irresponsables.
En vérité, en montrant du doigt les « vieux » par un procédé de contrôle insupportable et par l'usage de la médecine comme d'une science quasi occulte, les promoteurs de ce certificat prouvent leur irresponsabilité complète, leur ignorance totale de la médecine et de ses buts en même temps qu'ils démontrent le peu de cas qu'ils font de leurs concitoyens, prêts qu'ils sont à les dénoncer à la vindicte populaire. Ils pourraient également inciter au lynchage des conducteurs automobiles âgés de plus de 70 ans, cela entrerait parfaitement dans leur logique. Tout cela n'est pas sérieux, même si c'est bel et bien dangereux.
* Ancien ministre, porte-parole du Mouvement républicain et citoyen.
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