LE MOUVEMENT DE CONTESTATION des médecins spécialistes libéraux a franchi une nouvelle étape en Alsace.
Le 16 février, après deux ans de relations tendues avec leur caisse primaire, quelque 106 praticiens, tous membres de l'Association des médecins spécialistes libéraux d'Alsace (Amsla), ont renvoyé leur carte de professionnel de santé (CPS) à leur caisse d'affiliation, et ont signalé par voie d'huissier leur passage, d'autorité, en secteur II.
Avec l'Association pour l'ouverture du secteur II (Apos2), une majorité ont engagé une procédure devant le tribunal administratif pour obtenir la liberté des honoraires. « L'action de nos confrères alsaciens s'inscrit dans la droite lignée des 2 300 procédures en cours devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale (Tass) dans toute la France », commente le Dr Jean Leid, secrétaire de l'Apos2. Fondée il y a deux ans, l'Amsla compte aujourd'hui 226 membres. Affiliée à la Coordination des médecins spécialistes, elle revendique le droit aux dépassements d'honoraires. Ce n'est pas la première affaire du genre de la région. Déjà, le 30 août, des ORL, ophtalmologistes, gynécologues, dermatologues, mais aussi deux pédiatres, un neurologue et un chirurgien recevaient de la Cpam de Mulhouse une mise en demeure d'arrêter les DE sous peine d'être sanctionnés dès le mois de septembre 2003. En réponse, l'association demandait à ses adhérents de « ne pas se laisser impressionner par ces menaces (de déconventionnement) et de poursuivre les DE ». L'Amsla proposait à ses membres d'envoyer une lettre-type au directeur de la caisse : « Les dépassements sont pratiqués avec tact et mesure, après information de mes patients, et je n'ai jusqu'à présent reçu aucune réclamation car ces DE sont d'emblée acceptés par les patients qui en comprennent la nécessité. » Ce que confirme le Dr Susan Erny, dermatologue à Guebwiller (Haut-Rhin), qui a pris part au mouvement : « Nous continuons à traiter gratuitement les patients bénéficiaires de la CMU ainsi que les patients démunis dans le respect du code de déontologie. Et les patients obligés de payer plus cher comprennent notre démarche. »
Les 106 spécialistes alsaciens passés en secteur II ont augmenté leurs honoraires de 23 à 33 euros en moyenne. « Chacun fait en fonction de la difficulté de sa consultation, de sa longueur », explique le Dr Alain Forget, ORL à Altkirch (Haut-Rhin) et vice-président de l'Amsla. Pour le Dr Erny, cette augmentation est d'autant plus nécessaire que le coût des fournitures a fortement augmenté dans sa spécialité depuis la dernière revalorisation du CS en 1990. « La hausse est de 40 % pour les pansements, les fils de suture, les lames de bistouri. Pour l'azote liquide, elle est de 340 %. » Le Dr Erny a eu trois fois la possibilité de choisir le secteur II mais elle l'a toujours refusé par « philosophie sociale ».
Aujourd'hui, avec les membres de l'Amsla, elle souhaite la fin de la ségrégation entre les secteurs I et II.
La menace du déconventionnement collectif.
Depuis quelques mois, les caisses primaires d'Alsace ont décidé ne plus prendre en charge en partie les cotisations sociales (assurance-maladie, allocations familiales et vieillesse) de plus de 80 spécialistes pendant une période de 6 mois. Ultime autre menace : le déconventionnement pur et simple.
Les membres de l'Amsla connaissent le risque. Ils ont signé un engagement. « Si l'un d'entre nous est déconventionné, 225 suivront par solidarité, indique Alain Forget. Aujourd'hui, nous ne voulons plus être considérés comme des sous-spécialistes, nous sommes décidés à aller jusqu'au bout. » Le Dr Leid est persuadé du bon droit des spécialistes alsaciens : « Depuis juillet 2003, huit jugements ont été favorables aux médecins spécialistes devant les Tass. Rien dans le règlement conventionnel minimal de 1998 (modifié le 25 septembre) n'interdit aux médecins de prendre le secteur II. »
Un mouvement très isolé selon la Caisse de Colmar
Elisabeth Tessier, directrice la Caisse d'assurance maladie de Colmar n'est pas très inquiète. « C'est un mouvement très isolé » explique-t-elle au Quotidien. Et à part les gynécologues et les ophtalmo qui sont très majoritaires,les autres spécialistes ne suivent guère cette tendance, poursuit-elle. Et ce n'est pas l'intention affichée de vingt-trois médecins qui dépendent de sa caisse de passer en secteur 2 qui peut la troubler. « Mais je pense, conclut-elle que les médecins ont des responsabilités envers les assurés sociaux ».
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