« Nos résultats soulignent combien il est important de travailler avec des populations cellulaires purifiées lorsqu'il s'agit d'évaluer les propriétés biologiques des populations de cellules souches », souligne le Dr Amy Wagers de l'université de Stanford (CA), interrogée par « le Quotidien ». « La majorité des études publiées jusqu'ici ont testé des populations cellulaires de la moelle osseuse non fractionnées ou seulement partiellement purifiées puis en ont déduit que la "plasticité" était attribuable à la transdifférenciation des cellules souches hématopoïétiques », poursuit Amy Wagers. « Notre étude teste directement le potentiel de ces cellules, en isolant prospectivement les cellules souches hématopoïétiques et en les évaluant individuellement. En suivant cette méthodologie, nous constatons que la cellule souche hématopoïétique présente très peu de plasticité de développement. Par conséquent, les destins cellulaires non hématopoïétiques des cellules de moelle osseuse greffées, qui ont été observés dans de précédentes études, avaient probablement pour origine d'autres populations cellulaires de la MO - peut-être un mélange de cellules souches déjà engagées dans une lignée, ou une rare population de cellules pluripotentes. »
Des travaux chez la souris transgénique
Normalement, les cellules souches adultes de la moelle osseuse, appelées cellules souches hématopoïétiques, donnent naissance aux divers types de cellules sanguines. Amy Wagers et son équipe ont isolé chez une souris transgénique, dont la particularité est d'exprimer une protéine verte fluorescente étrangère dans tous ses tissus, une cellule souche hématopoïétique (CSH) qui se trouve ainsi marquée de vert fluorescent. Puis les chercheurs ont transplanté cette CSH unique chez des souris irradiées.
De quatre à neuf mois après cette greffe, les chercheurs ont analysé plusieurs tissus chez les souris porteuses d'un chimérisme hématopoïétique (cellules hématopoïétiques non marquées et marquées). Aucune cellule non hématopoïétique marquée n'a été trouvée dans le rein, les intestins ou le muscle. Dans le foie, la CSH marquée a contribué à une très faible proportion des hépatocytes (1/70 000 : une cellule hépatique marquée, exprimant a la fois l'albumine et le vert fluorescent, sur 70 000 hépatocytes non marqués).
En cas de lésion tissulaire sévère
Toutefois, il reste la possibilité que, dans certaines conditions, comme dans le cas d'une lésion tissulaire sévère, la cellule souche hématopoïétique puisse être recrutée et dirigée vers un destin non hématopoïétique afin de régénérer le tissu lésé. Wagers et coll. ont entrepris d'évaluer cette possibilité. Pour l'instant, ils n'ont évalué cette possibilité que dans un seul modèle de lésion tissulaire - la souris soumise par irradiation à une lésion de l'épithélium intestinal - mais, là non plus, la CSH ne semble pas davantage plastique.
En utilisant la même expérience décrite ci-dessus, les chercheurs ont examiné l'intestin de ces souris quelques mois après la greffe de la CSH marquée ; tandis qu'ils ont trouvé des cellules hématopoïétiques marquées, ils n'ont trouvé aucune cellule épithéliale intestinale marquée.
« Nous continuerons d'investiguer la possibilité d'une plasticité des CSH dans d'autres modèles de lésion tissulaire », confie au « Quotidien » le Dr Wagers. « Nous étudierons aussi quel est le mécanisme sous-jacent (fusion cellulaire, transdifférenciation, ou autre) de la production des rares cellules non hématopoïétiques qui dérivent de la CSH chez les animaux transplantés. Enfin, nous voudrons déterminer si, dans la MO adulte, on peut isoler de façon prospective une cellule qui peut engendrer des destinées de cellules non hématopoïétiques. »
« Sciencexpress », 6 septembre 2002.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature