LA THÉRAPIE cellulaire et la vaccination apparaissent de plus en plus comme des espoirs thérapeutiques dans le traitement des mélanomes. Le développement de ces approches est fondé sur deux notions : l’existence de régressions spontanées de mélanomes primitifs ou de métastases cutanées rapportées dans la littérature, et laissant supposer que le système immunitaire pourrait jouer un rôle important dans le développement et la régression tumorale ; et, par ailleurs, la découverte récente d’antigènes spécifiques des cellules tumorales du mélanome. Les premières pistes de vaccination antimélanome comportaient soit une injection de lysats de cellules mélaniques irradiées par voie sous-cutanée (vaccins dits multi-antigènes), soit une injection de peptides spécifiques obtenus après identification de certains antigènes dans un contexte HLA restreint (vaccins antigènes spécifiques). La troisième génération de vaccin a été fondée sur l’utilisation de cellules dendritiques présentatrices d’antigènes aux lymphocytes T CD4 dans un contexte HLA de classe II et aux lymphocytes cytotoxiques dans un contexte HLA de classe I. Cette activation des lymphocytes T fait par ailleurs intervenir des molécules costimulatrices CD40-CD40L et B7-CD28. Le principe de la mise au point du traitement repose sur la culture invitro de cellules CD34 ou de monocytes isolés par cytaphérèse en présence de cytokines telles que le GM-CSF et l’IL-13. Les cellules dendritiques différenciées obtenues sont ensuite chargées invitro avec un ou plusieurs peptides. Ces cellules chargées deviennent alors d’excellentes cellules activatrices des lymphocytes T cytotoxiques spécifiques du peptide lorsqu’elles sont réinjectées au malade par voie intradermique, sous-cutanée ou intraganglionnaires.
Dans une lettre au « New England Journal of Medicine », le Dr Robert Dillman, un pionnier de la vaccination antitumorale qui a publié dès 1993 un premier article sur la culture invitro de cellules tumorales autologues à des fins d’immunothérapie spécifique, rapporte un travail sur la sécurité d’emploi et l’efficacité d’un traitement par vaccination chez 21 patients souffrant de mélanome à un stade évolué.
Le vaccin injecté avait été élaboré à l’aide de cellules dendritiques autologues incubées conjointement avec des cellules tumorales autologues irradiées extraites d’une culture de cellules proliférantes et mises en contact avec du Granulocyte-Macrophage Colony-Stimulating Factor. Il a été administré par voie sous-cutanée à raison d’une injection hebdomadaire pendant trois semaines puis une injection mensuelle pendant cinq mois. Sur les 21 patients inclus, dix-huit étaient encore en vie trois ans après la première injection vaccinale.
Métastases.
Les auteurs détaillent le suivi de six patients présentant des formes métastatiques extensives de mélanomes. Le premier de ces patients était âgé de 55 ans à l’entrée dans l’étude en 2003 : il était atteint de métastases pulmonaires, intestinales et hépatiques et avait déjà été opéré trois fois. Il avait en outre reçu un vaccin placebo dans le cadre d’une étude clinique et avait subi une ablation par radiofréquence. Après vaccination, sa survie sans progression a été estimée à vingt-quatre mois. La deuxième patiente, âgée de 20 ans, était atteinte d’une forme extensive de mélanome de la région du dos associée à l’existence de ganglions axillaires, d’une extension locale thoracique et de métastases au niveau cérébral et oculaire. Après avoir été opérée trois fois, elle avait été traitée par radiothérapie et immunochimiothérapie. La vaccination a été accompagnée de survie sans progression de 30 mois. Le troisième, âgé de 50 ans, présentait une forme disséminée de mélanome métastatique : os, poumons, tissus mous, ganglions lymphatiques. Après chirurgie, et immunochimiothérapie, sa survie sans progression a pu être allongée de 48 mois. La quatrième patiente, âgée de 45 ans atteinte de métastases cérébrales et pulmonaires, a vu sa survie se prolonger de 54 mois après chirurgie et immunochimiothérapie grâce à la vaccination. Le cinquième, une jeune fille de 15 ans opérée trois fois d’une forme extensive de mélanome de la jambe et traitée par immunochimiothérapie, a vécu sans progression décelable pendant 56 mois après le début de la vaccination. Enfin, la sixième, âgée de 39 ans, atteinte elle aussi d’une forme extensive de lésions de la jambe opérée cinq fois et traitée par immunochimiothérapie a vu son délai de survie sans progression de la maladie augmenté de 58 mois.
Pour le Dr Dillman «nous n’avions pas observé de tels résultats dans nos études préliminaires menées avec les autres types de vaccins ne contenant pas de cellules dendritiques. La survie prolongée de 6patients déjà traités par plusieurs lignes thérapeutiques est inhabituelle, mais elle ne permet pas pour autant d’exclure l’efficacité de tout autre type de vaccination».
« New England Journal of Medicine », vol. 355 ; 1, pp. 1179-1181, 13 septembre 2006.
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