Cellules cancéreuses : on tente de restaurer les capacités d'apoptose

Publié le 19/06/2003
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L'apoptose est un processus conservé au cours de l'évolution, permettant la régulation du développement et l'homéostasie. Des erreurs au cours des événements de l'apoptose sont à l'origine à la fois de la tumorigenèse et de la résistance aux chimiothérapies. Deux voies distinctes de l'apoptose ont été caractérisées. Leur résultat final est l'intervention de protéases - cystéine aspartyl protéases ou caspases - pour aboutir à une cascade protéolytique. Dans la voie intrinsèque (induite par les médicaments), des signaux sont transmis aux mitochondries et causent le relargage de cytochrome dans le cytosol, où il se lie à la protéine Apaf-1, qui va former - par assemblage des plusieurs Apaf-1 et d'une procaspase - un apoptosome, ce qui conduit à l'accomplissement des étapes finales de l'apoptose.
Jack Nguyen et James Well (San Francisco) publient leurs résultats d'essais d'activation de la caspase. L'intérêt de leur approche est qu'ils ont mis au point une méthode d'analyse in vitro permettant de cibler de manière simultanée l'ensemble des composants de la voie apoptotique. Ils ont passé à ce crible un ensemble de petites molécules connues pour activer l'apoptose.
Une classe de composés qui agissent pour promouvoir une association protéine-protéine (Apaf-1) pour former un apoptosome est ainsi identifiée et caractérisée. L'apoptosome active ensuite les caspases 3 et 9.

Une action sur plusieurs lignées cancéreuses testées

« Cette étude montre l'utilité de cribler la voie entière d'un signal de transduction et non un nombre limité d'étapes », expliquent les auteurs.
Mais là n'est pas son seul intérêt. Dans les études plus poussées in vitro, l'un des composés (composé 2) révèle des effets spécialement intéressants. Il exerce une activité cytostatique et cytotoxique sur plusieurs lignées de cellules cancéreuses testées, en même temps qu'il a peu d'effets sur les cellules normales.
L'étape suivante consistera à comprendre pourquoi le composé 2 a un effet discriminant (action sur la machinerie apoptotique sans induire l'apoptose de toutes les cellules). Au mieux, cela pourrait représenter une stratégie sélective vis-à-vis des cellules cancéreuses.
Pour éclairer le mécanisme d'action, les auteurs se proposent d'étudier les effets du composé 2 au niveau du cycle cellulaire, la corrélation entre la sensibilité au composé 2 et le niveau d'expression de différents éléments régulateurs de l'apoptose. Et aussi les synergies entre le composé 2 et les cytotoxiques traditionnels.
La plupart des agents anticancéreux exercent leur activité en activant l'apoptose, souvent au niveau de la voie impliquant p53. Malheureusement, le gène p53 est souvent muté et inactivé dans le cancer (de 30 à 70 % des tumeurs).
L'intervention à un niveau postérieur dans la voie apoptotique, telle qu'elle est proposée, est une alternative importante pour résoudre le problème des résistances aux traitements.
D'autres chercheurs (Jiang X. Kim et coll., « Science », 2003, 299, 223-226) ont identifié de nouveaux régulateurs de l'apoptose et notamment une autre petite molécule (PETCM ou alpha-trichlorométhyl-4-pyrydineethanol). L'essai de PETCM sur le modèle mis au point par Nguyen et Wells montre, là aussi, une action d'oligomérisation d'Apaf-1, par un mécanisme similaire.
« Le fait que ces composés structurellement différents, identifiés au cours de criblages indépendants, convergent vers l'apoptosome, indique que ce complexe peut constituer une cible productive pour la modulation de l'apoptose par de petites molécules », concluent les auteurs.

«Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée.

Dr Béatrice VUAILLE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7357