EST-CE UN ROMAN ? le mot ne figure pas sur l'ouvrage. Est-ce autobiographique ? en partie, certainement, mais il s'agit avant tout d'une histoire au thème ambitieux contée avec maestria.
Le narrateur d'« Une vie française » s'appelle Paul Blick - après Paul Ackerman, Paul Klein et Paul Peremülter que les aficionados de Jean-Paul Dubois ont rencontrés qu fil de ses quinze précédents livres. Son premier véritable souvenir remonte au 28 septembre 1958, lorsqu'il se produisit deux événements simultanés : les Français avaient voté pour la nouvelle Constitution de la Ve République, et son frère Vincent était mort.
Nous voilà replongés au temps des télévisions de marque Grandin en bois verni, au sein de sa famille toulousaine « déplaisante, surannée, réactionnaire, terriblement triste. En un mot, française ».
Paul, adolescent timide, se révèle comme il se doit lors d'un séjour d'étude en Angleterre ; des années lycéennes qui trouvent leur apogée en 1968, année où « il était impossible de ne pas avoir son baccalauréat ». Inscription en sociologie tandis qu'Alain Poher fait l'intérim.
Sous Georges Pompidou, Paul Blick, exempté de service militaire - à l'issue de circonstances qui valent peur pesant de réflexion-, fait l'apprentissage de l'indépendance en travaillant comme surveillant dans un collège, « une sorte d'enfer tridimensionnel », en partageant un appartement avec des copains amateurs de haschisch et en ayant une liaison avec l'assistante d'un dentiste.
Arrivent Valéry Giscard d'Estaing et Anna Villandreux, qui deviendra sa femme et la mère de ses deux enfants. Conquise de haute lutte sur le rejeton d'une famille qui « était un vaste archipel médical » (au sens péjoratif), la jeune femme, qui « souffrait d'une maladie assez répandue durant cette ère giscardo-barriste : la fièvre "entrepreneuriale" », lui délégua très vite le rôle de papa-poule pour s'investir dans l'entreprise de piscines offerte par son père.
L'ère mitterrandienne qui suit est celle de l'inexorable autant qu'inattendu succès de Paul Blick en tant que photographe, activité qu'il avait commencée pour occuper le temps où les enfants étaient à l'école et qui va trouver son apothéose dans deux albums consacrés aux arbres. A tel point que François Mitterrand en personne le sollicite pour faire son portrait. En vain, car Paul Blick ne photographie pas les humains !
Avec Jacques Chirac commence la dégringolade. Anna est tuée dans un accident d'avion, son entreprise est criblée de dettes qu'il éponge avec l'argent de ses livres, ce qui le laisse exsangue et obligé, à cinquante ans et pour la première fois, de trouver un emploi. C'est à nouveau dans la nature, en travaillant comme jardinier, que Paul Blick continuera à vivre.
Car il a choisi de continuer bien que l'occasion lui ait été donnée d'en finir, relié à la vie par l'image du fils de son fils, et pour s'occuper de sa fille, dont l'esprit s'est retranché dans un monde inaccessible.
C'est là une autre dimension du récit qui donne largement sa place aux sentiments et à leur évolution que le narrateur a éprouvé au long de son existence, que de rendre palpable le temps qui passe et qui à la fois détruit et construit.
Éditions de l'Olivier, 357 p., 21 euros
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