L’ACTUALITÉ des prochains mois sera dominée par les échéances nationales : scrutin présidentiel en avril et mai ; élections législatives en juin.
Au monde médical, médecins libéraux, praticiens et responsables hospitaliers, étudiants, enseignants de médecine, industriels du médicament, de profiter de ces instants privilégiés, qui ne reviennent que tous les cinq ans, pour interroger les candidats et les responsables politiques sur leurs projets en matière de politique de santé et de protection sociale. Même si chacun sait que des déclarations d’intention aux actes, il y a un monde. Car, en ce début d’année 2007, les préoccupations ne manquent pas aux médecins : qu’il s’agisse des échéances conventionnelles et des échéances tarifaires, de la place de la médecine générale, de l’avenir des spécialités dites sinistrées, de celui de l’hôpital et des médecins qui y travaillent, des problèmes de démographie médicale tant en médecine de ville que dans le secteur hospitalier, ou du sort qui attend le système de protection sociale, les problèmes sont nombreux qui engagent non seulement l’avenir des médecins, mais aussi celui de l’ensemble des assurés et des Français. Or, pour l’instant, on ne voit guère les candidats déclarés à l’élection présidentielle traiter de ces sujets majeurs. Mieux, les programmes santé des deux principaux partis politiques, à savoir l’UMP et le PS, ne brillent guère en matière de santé et de protection sociale et ne se distinguent pas fondamentalement.
Les médecins et leurs responsables syndicaux ne s’y trompent d’ailleurs pas, qui restent prudents à quelques semaines de ces échéances électorales, persuadés en fait que rien de fondamental ne sera réellement changé après le résultat de ces élections. Et que les dossiers qui les intéressent seront bien les mêmes l’été prochain, quel que soit le ou la locataire du palais de l’Elysée.
Dans ces conditions, le danger serait, comme le craignent à l’évidence certains leaders du monde médical, que les problèmes n’avancent guère au cours des prochains mois et que l’on perde un temps précieux. La crainte de voir le ministre de la Santé rejoindre l’équipe de Nicolas Sarkozy, en tant que porte-parole du candidat à l’élection présidentielle, renforce cette impression et cette méfiance.
Xavier Bertrand, qui sait l’importance du vote et de l’influence des médecins dans une élection, devrait s’efforcer de les rassurer au cours des prochains jours. il n’est pas certain qu’il y parvienne.
Dr Michel Chassang, Csmf : le chantier tarifaire
«2007 est évidemment une année avec des échéances politiques majeures. La Csmf pèsera dans la campagne électorale: chaque candidat devra préciser sa vision de la médecine libérale –il y a des menaces–, de la maîtrise des dépenses, mais aussi du financement de la Sécurité sociale et de l’organisation de l’assurance-maladie. Pour l’instant, la santé a été reléguée au second plan des préoccupations des candidats, j’espère que ça va changer.
Dans l’immédiat, plusieurs dossiers conventionnels nous attendent. Il y a d’abord le chantier tarifaire: augmentation emblématique et incontournable du C à 23euros en 2007; compensations spécifiques pour les spécialités pénalisées par le parcours de soins; élargissement des conditions d’application du C2 de consultant et mise en place de la deuxième étape de la Ccam technique. Sur ces points, nous devrons conclure avant la fin du mois de janvier, car ce sera très difficile après, compte tenu du contexte politique.
Il nous faut également préparer l’avenir: je pense à la mise en place du secteur optionnel pour l’ensemble des médecins; à l’organisation de la permanence des soins dont il nous faut négocier les modalités et la rémunération les samedis après-midi; à l’évolution des conditions d’exercice et aux avancées concrètes dans le domaine de la simplification administrative. Quant à la filière universitaire de médecine générale, son principe est acquis, il faudra du concret. Pour la Csmf enfin, l’année 2007 sera marquée par l’élaboration de notre nouveau projet confédéral qui sera rendu public en mars prochain.»
Dr Martial Olivier-Koehret, MG-France : l’attractivité de la médecine générale
«L’attractivité de la profession est la priorité de 2007. Elle passe par la mise en place effective de la filière universitaire de médecine générale, dotée des moyens de son enseignement et de sa recherche, ce qui va au-delà de l’inscription de la discipline au sein du Conseil national des universités.
Autre élément fort, l’attractivité professionnelle: l’équité tarifaire C=CS ouvrant l’accès des médecins généralistes à l’ensemble des majorations et à la nomenclature spécialisée. Pour le médecin traitant, nous demandons l’élargissement du forfait actuel (réservé aux malades en ALD) pour tous les patients.
Les attentes sont fortes en matière de simplification administrative, mais supprimer un ou deux imprimés ne suffira pas. C’est la logique du dis- positif du médecin traitant, qui multiplie sans cesse les contraintes, qu’il faudrait revoir.
L’élection présidentielle crée une occasion exceptionnelle de débat sur l’accès aux soins et aux professionnels sur fond de crise démographique. Il faudra dépasser les discours sur la place de la médecine générale et se donner les moyens d’une indispensable réorganisation du système autour des soins primaires.
Après les élections enfin, je n’imagine pas que les nouvelles équipes ne s’appuient pas sur le vote et sur les représentants majoritaires du corps médical.»
Dr Claude Bronner , Espace Généraliste : une nouvelle donne conventionnelle
«Face aux débats importants et difficiles qui vont s’ouvrir, nous attendons la mise d’une nouvelle donne conventionnelle et syndicale, c’est-à-dire qui tienne compte de l’expression majoritaire du corps médical. Lors de notre prochaine assemblée générale (le 28 janvier) , nous poserons la question de l’opportunité de rejoindre la convention pour les opposants réunis au sein de l’Intersyndicale (MG-France, FMF, EG et l’Union collégiale) .
Ce ne serait pas illogique pour changer les choses, mais cela soulève le problème d’une nouvelle enquête de représentativité que nous demandons.
Sur le fond, nous espérons des résultats sur plusieurs dossiers. Le minimum du minimum, c’est le C=CS, mais aussi une Ccam clinique (réforme des consultations) qui tienne la route avec des forfaits, des majorations.
Nous réclamons aussi la simplification administrative que promet le ministre aux médecins généralistes depuis des mois, et qui passe aussi par une évolution de notre partenaire principal, la Sécurité sociale.
La filière de médecine générale est un autre objectif majeur: j’espère que le gouvernement ne calera pas au milieu du gué sur ce dossier.
Enfin, nous ne resterons pas passifs dans la campagne présidentielle. Nous attendons de chaque candidat qu’il se positionne clairement sur les grands enjeux pour la médecine générale.»
Dr Jean-Claude Régi, FMF : une Ccam clinique universelle
«La médecine générale est enfin devenue une spécialité à part entière, elle doit bénéficier de la rémunération adéquate à son statut le plus vite possible. L’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) a les yeux rivés sur les comptes et se prépare à nous faire admettre qu’on verra plus tard. Nous n’allons pas nous laisser berner. De la même façon, nous souhaitons que la classification commune des actes médicaux (Ccam) cliniques soit mise en oeuvre très vite. Elle devra être la plus simple possible, transversale, universelle, sans frontières entre les spécialités. Aujourd’hui, on a l’impression que tout le monde se hâte lentement. Le débat sur le secteur optionnel devra être ouvert et aboutir à un secteur unique à honoraires modulables (Suhm) que nous réclamons depuis des années. Je souhaite que l’année 2007 nous permette de concrétiser l’Union nationale des médecins libéraux (Unml) , à laquelle chaque syndicat pourra participer, afin d’aboutir à un consensus sur des sujets majeurs comme celui de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) . Concernant le dossier médical personnel (DMP) , le GIP devra mettre en place un outil ergonomique et se baser sur des plates-formes interrégionales s’il veut des résultats d’ici à la fin de l’année.»
Dr Dinorino Cabrera, SML : la défense des spécialités perdantes
«L’accélération du calendrier avec les élections à venir va bloquer beaucoup de dossiers d’avril à septembre. Nous devrons donc faire en l’espace de trois mois l’équivalent de neuf mois de travail. La priorité du SML sera de régler le dossier des référents et des médecins spécialistes qui ont subi une baisse de revenus avec le parcours de soins. Nous espérons également aboutir à deux revalorisations de 1euro du C– et de fait du C2. La première interviendrait dans les prochaines semaines et la seconde en fin d’année pour arriver au C à 23euros. L’année 2007 devra également permettre de mettre en place des mesures de simplification administrative du parcours de soins. Nous devrons sortir du bourbier du secteur optionnel si nous ne voulons pas que ce dossier devienne une arlésienne.»
Virginie Prade, Anemf : les promesses doivent être tenues
«2007 doit permettre au gouvernement de concrétiser les promesses de l’an dernier. Nous espérons que le stage de médecine générale pendant le 2ecycle pourra se mettre en place dans toutes les facultés ainsi que la filière universitaire de la spécialité. Nous souhaitons aussi que la répartition des postes d’internat pose moins de problèmes que l’an dernier et soit connue plus tôt. Le ministère de la Santé doit instaurer un plan de répartition des postes par spécialités sur plusieurs années. Avec les hausses successives du numerus clausus se pose le problème de l’accueil des étudiants de première année et des promotions successives. D’autant que Xavier Bertrand n’exclut pas de remonter encore le numerus à nouveau avant 2010. Certaines villes commencent à manquer de terrains de stage. Les locaux des facultés ne sont pas extensibles pour organiser les enseignements dirigés. Il serait raisonnable de faciliter la mobilité des étudiants en permettant l’ouverture de stage d’externat dans des cliniques privées et des hôpitaux périphériques. Cette année, nous devrons enfin trouver une réponse adéquate à la lecture critique d’article (LCA) qui doit normalement intégrer les épreuves classantes nationales (ECN) en 2008.»
Dr Pierre Faraggi, CPH : l’année de l’hôpital
«Je souhaite que 2007 soit vraiment l’année de l’hôpital, qu’on ne se borne pas à y faire une annonce sur le mode “Hôpital 2007” ou “Hôpital 2012” , mais que l’on agisse bel et bien pour soutenir le service public hospitalier. Ces derniers mois ont été plutôt tournés vers la médecine libérale, peu vers l’hôpital public, sinon pour le charger de modalités organisationnelles supplémentaires, lourdes et dissuasives. L’hôpital a besoin d’annonces claires et des financements qui vont avec. L’enjeu est celui de la promotion du service public pour les dix ans qui viennent; il passe par la résolution d’une question majeure, celle de la démographie médicale. Si l’on ne décide pas de mesures réelles, concrètes, on va avoir d’énormes problèmes dans certaines régions, certains types de pratiques, certaines disciplines. Depuis dix ans, on s’est contenté de remarquer, d’annoncer, de dire. Et même, tout ce qui a été fait au niveau statutaire et organisationnel dans le domaine hospitalier a été plutôt contre-productif pour faire venir les jeunes médecins à l’hôpital. Il nous faut aujourd’hui un vrai ministre de la Santé qui prenne ce dossier à bras-le-corps.»
Dr François Aubart, CMH : priorité aux recrutements
«Les hôpitaux doivent bénéficier en 2007 d’un effort de recrutement médical et soignant. C’est la priorité. Car entre la fracture démographique et les 35heures, il souffre d’un problème récurrent qu’il faut régler. Par ailleurs, si la réforme en cours a besoin d’améliorations sur certains de ces aspects –je pense en particulier à la tarification à l’activité–, les réorganisations nécessaires doivent s’opérer sans rupture. Il faut enfin que l’institution dispose des moyens financiers pour accompagner la réforme. Au-delà de l’hôpital, on sait bien que le grand challenge des années à venir est celui du vieillissement de la population. L’hôpital est tout à fait inadapté à la prise en charge du grand âge et des maladies chroniques qui y sont afférentes. Pour faire face à cette nouvelle donne, il n’y a pas d’autre issue que le décloisonnement ville/hôpital. Et il faut s’y atteler dès à présent.»
Dr Rachel Bocher, Inph : sauver la démographie médicale à l’hôpital
«2007 doit marquer la fin des effets d’annonce, des voeux pieux, des rapports succédant aux rapports. Cela doit être une année efficace pour l’hôpital, pour les professionnels de santé et pour les patients. Quelle que soit l’issue de l’élection présidentielle, et alors que tout le monde parle de rupture, il nous faut un ministre de la Santé qui connaisse l’hôpital, qui ne se contente pas de faire une politique que je qualifierais de “ post-pseudo-négocia-tions ” –j’appelle d’ailleurs de mes voeux l’instauration d’un vrai dialogue social–, un ministre qui soit attaché à la notion de service public hospitalier. Avant l’échéance présidentielle, il est un dossier auquel il faut s’attaquer sans délai: celui de la démographie médicale. Car si l’on veut qu’il y ait encore des médecins hospitaliers partout et dans toutes les disciplines, il faut réfléchir sans attendre au moyen d’installer partout un maillage ou des réseaux de professionnels compétents, formés, évalués.»
Calendrier déjà chargé en janvier
Rentrée sur les chapeaux de roue pour les médecins libéraux qui ont déjà quatre rendez-vous majeurs inscrits à leur agenda immédiat.
Aujourd’hui, 10 janvier, les syndicats médicaux signataires de la convention, l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) et l’Union nationale des organismes complémentaires (Unocam) entament véritablement les négociations sur les modalités du secteur optionnel qui doit permettre à certaines spécialités de bénéficier de dépassements encadrés sur une partie de leur activité et remboursés.
Demain, 11 janvier, la filière universitaire de médecine générale (calendrier de mise en place, moyens, créations de postes...) sera au menu d’une grande réunion en présence des internes, des généralistes enseignants, des ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur.
Le 12 janvier, Xavier Bertrand devrait annoncer lui-même les premières mesures concrètes de simplification administrative pour les médecins généralistes à l’issue d’une réunion avec les parties concernées.
Le 18 janvier enfin reprendront les négociations conventionnelles tarifaires entre l’assurance-maladie et les syndicats signataires. A l’ordre du jour : les revalorisations d’honoraires pour l’année 2007 dont la hausse du C.
Le ministre de la Santé (toujours pressenti pour devenir porte-parole de Nicolas Sarkozy pendant la campagne) attendra quelques jours encore pour présenter ses voeux à la presse, le 22 janvier. Une occasion de préciser sa feuille de route à l’approche des échéances électorales.
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