Physiopathologie
L'hirsutisme est un phénomène androgéno-dépendant. La peau possède les récepteurs aux androgènes mais aussi les enzymes capables de convertir les prohormones (DHEA et ∂4 androstènedione) en testostérone et en un métabolite plus actif, la dihydrotestostérone.
Les régions cutanées les plus sensibles aux androgènes sont le pubis et les aisselles. La pilosité s'y développe normalement chez la femme si la sécrétion d'androgènes est faible. Si la sécrétion d'androgènes est anormalement élevée, une pilosité apparaît dans d'autres régions cutanées. On reconnaît deux cadres physiopathologiques à l'hyperandrogénie : hypersécrétion d'androgènes, d'origine surrénalienne ou ovarienne, et sensibilité accrue aux androgènes, qui est un diagnostic d'élimination.
Évaluation clinique
Au terme de l'interrogatoire et de l'examen clinique, il est le plus souvent possible d'évoquer un diagnostic.
L'interrogatoire doit rechercher la prise d'androgènes ou d'anabolisants pouvant être responsable d'hirsutisme. Une symptomatologie ancienne est en faveur d'un syndrome des ovaires polykystiques ou d'un déficit enzymatique surrénalien. Un hirsutisme récent doit faire évoquer une cause tumorale. La régularité des cycles menstruels doit être décrite précisément, une aménorrhée et une infertilité pouvant évoquer une dystrophie ovarienne. Les antécédents familiaux de déficit en 21-hydroxylase sont recherchés également.
L'examen clinique permet de distinguer l'hirsutisme de l'hypertrichose. Le score de Ferriman-Gallwey permet d'évaluer la sévérité de l'hirsutisme. Le score attribue une cotation de 0 à 4 aux neuf régions les plus androgéno-sensibles. Un score supérieur à 8 définit de manière arbitraire l'existence d'un hirsutisme. Il est remis en question actuellement : subjectivité, non-prise en compte de certaines zones (favoris, périnée, fesses) ni de la présence d'acné ou d'hyperséborrhée. Actuellement, il serait question d'utiliser les photos numériques.
L'examen clinique recherche les autres signes d'hyperandrogénie (acné, hyperséborrhée) et les signes de virilisation (clitoridomégalie, alopécie des golfes temporaux, raucité de la voix, hypertrophie des masses musculaires, atrophie du tissu mammaire).
Certains signes particuliers doivent être recherchés. L' acanthosis nigricans témoigne d'une résistance à l'insuline et oriente vers un syndrome des ovaires polykystiques.
Exploration hormonale
Une évaluation hormonale est utile avant de conclure à un hirsutisme idiopathique. En cas d'hirsutisme léger, le risque est de méconnaître un syndrome des ovaires polykystiques ou un déficit en 21-hydroxylase. Il est ainsi recommandé de doser la testostérone totale et la 17-hydroxyprogestérone. Un dosage de progestérone en deuxième partie de cycle permet de vérifier si les cycles sont ovulatoires. Les dosages de la testostérone et de la ∂4 androstènedione doivent être réalisés à distance de toute prise d'estroprogestatif, en particulier d'acétate de cyprotérone (délai de deux à trois mois d'arrêt). Une éventuelle corticothérapie doit être arrêtée pour le dosage de la testostérone, de la ∂4 androstènedione, de la SDHEA et de la 17-hydroxyprogestérone.
La testostérone totale est le seul dosage validé au plan diagnostique devant un hirsutisme. Le dosage de la forme libre sous-estime la testostérone circulante. Le surpoids et l'hyperinsulinisme entraînent une diminution de la protéine porteuse des stéroïdes sexuels, la SHBG (Sex Hormone Binding Globulin). La testostérone totale n'est pas augmentée, alors que la production du stéroïde est augmentée.
Le taux de testostérone semble cependant le plus souvent fiable.
Le dosage de la 17-hydroxyprogestérone permet de dépister un déficit en 21-hydroxylase. Le prélèvement doit se réaliser en début de phase folliculaire, le matin entre 8 et 10 heures. Un taux plasmatique de 17-hydroxyprogestérone de base inférieur à 2 ng/ml écarte le diagnostic. Si le taux basal est supérieur à 2 ng/ml, il est recommandé de réaliser un test au Synacthène immédiat. Un taux de 17-hydroxyprogestérone supérieur à 20 ng/ml affirme le diagnostic. Un taux compris entre 10 et 20 ng/ml fait demander une analyse génétique du gène de la 21-hydroxylase.
Diagnostic étiologique
Hirsutisme d'origine ovarienne
• Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK)
Depuis la révision des critères diagnostiques du SOPK, des hirsutismes considérés comme idiopathiques se sont révélés être en rapport avec un SOPK. Il est important de porter le bon diagnostic et de ne pas porter à tort le diagnostic d'hirsutisme idiopathique car ces femmes sont à risque d'infertilité.
Tumeurs virilisantes de l'ovaire
La virilisation, souvent importante, est associée à une spanioménorrhée ou une aménorrhée. L'androgène sécrété est la testostérone. Une concentration supérieure à 1,5 ng/ml et un rapport ∂4 androstènedione/testostérone inférieur ou égal à 1 sont suspects d'une tumeur ovarienne, mais peuvent évoquer aussi une hyperthécose ovarienne. Si l'imagerie (échographie, IRM) n'objective pas de tumeur ovarienne, un cathétérisme des veines ovariennes, surrénaliennes et d'une veine périphérique est nécessaire pour différencier une tumeur ovarienne d'une hyperthécose ovarienne. La sécrétion de testostérone, de ∂4 androstènedione et d'estradiol est bilatérale en cas d'hyperthécose et unilatérale en cas de tumeur ovarienne (arrhénoblastome).
• Hyperthécose ovarienne
Il s'agit d'une forme sévère de SOPK. Il existe un hyperinsulinisme souvent majeur. L'hyperandrogénie est souvent sévère avec des signes de virilisation. On retrouve le caractère bilatéral de la sécrétion androgénique au cathétérisme des veines ovariennes.
Hirsutisme d'origine surrénalienne
• Tumeurs virilisantes de la corticosurrénale
L'hirsutisme et le syndrome de virilisation sont d'apparition rapide. La testostéronémie plasmatique est souvent supérieure à 1,5 ng/ml. Soit il s'agit d'une sécrétion directe par la tumeur du stéroïde, soit il s'agit d'une conversion périphérique des précurseurs de la testostérone (∂4 androstènedione, DHEA, SDHEA). Le diagnostic est confirmé par un scanner des surrénales.
• Hyperplasie congénitale surrénalienne
Les déficits en 21-hydroxylase à révélation néonatale sont évoqués à la naissance devant une perte de sel et/ou une ambiguïté sexuelle, ou une virilisation. Les déficits partiels à révélation tardive péripubertaire ou postpubertaire sont plus difficiles à diagnostiquer du fait de leur polymorphisme clinique. Les tableaux cliniques vont de la forme asymptomatique découverte lors d'une enquête familiale à un hirsutisme isolé ou une infertilité. Seul un dosage systématique de 17-hydroxyprogestérone permet d'en faire le diagnostic.
• Syndrome de Cushing
Un syndrome de Cushing ACTH dépendant peut entraîner un hirsutisme. L'ACTH, qui stimule la zone réticulée, peut entraîner une sécrétion d'androgènes excessive. L'hypercorticisme est alors en premier plan.
Hirsutisme idiopathique
L'hirsutisme est un diagnostic d'élimination. Il est défini par une fonction ovarienne normale et l'absence d'hyperandrogénie biologique. L'hirsutisme est isolé et ancien, aggravé par la puberté. On retrouve souvent des antécédents familiaux à l'interrogatoire. La testostéronémie plasmatique est normale, ainsi que le dosage de 17-hydroxyprogestérone, afin d'éliminer un déficit en 21-hydroxylase à révélation tardive. La réalisation d'une courbe thermique ou un dosage de la progestérone entre le 20e et le 24e jour du cycle permettent de vérifier la normalité de la fonction ovarienne. L'échographie ovarienne doit être normale.
Hirsutisme d'origine médicamenteuse
Les androgènes et les stéroïdes anabolisants peuvent être responsables d'hirsutisme. Le danatrol est un androgène antigonadotrope utilisé dans le traitement de l'endométriose. Les traitements androgéniques locaux, prescrits dans le lichen scléro-atrophique vulvaire, peuvent avoir un passage systémique et entraîner un hirsutisme. L'acide valproïque, un antiépileptique, peut favoriser un syndrome des ovaires polykystiques.
Entretiens de Bichat. Drs B. Neraud et J. Young, service d'endocrinologie et des maladies de la reproduction, CHU du Kremlin-Bicêtre.
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