Réalité complexe
Les infections respiratoires aiguës sont la première cause de consultation en médecine générale. Bien que les pneumopathies vraies ne correspondent qu’à 10 % de ces infections, elles représentent néanmoins la première cause de mortalité d’origine infectieuse. Il était d’usage d’opposer la pneumonie franche lobaire aiguë, classiquement due au pneumocoque, de début brusque, associant fièvre élevée, toux grasse et productive, et la pneumopathie atypique, due à Mycoplasma pneumoniæ, de début progressif, avec toux sèche non productive et d’évolution traînante. Mais la réalité est plus complexe, les tableaux cliniques souvent moins caricaturaux, et d’autres bactéries intracellulaires ou apparentées peuvent également être responsables de pneumopathies « atypiques », telles que Legionella pneumophila, Chlamydophila pneumoniæ, Chlamydophila psittaci, Coxiella burnetii... Ces bactéries « atypiques » seraient impliquées dans 15 à 25 % de l’ensemble des pneumopathies bactériennes. Quant au diagnostic, il est essentiellement clinique et radiologique, car les prélèvements à visée bactériologique sont rarement réalisés en première intention en l’absence de signes de gravité chez le patient ne présentant pas de facteurs de risque et, lorsqu’ils sont pratiqués, l’agent étiologique n’est identifié que dans un peu plus d’un cas sur deux.
Les bactéries responsables
Les bactéries responsables de pneumopathies «atypiques».
– Découverte il y a trente ans lors de la fameuse épidémie de Philadelphie qui avait touché près de 200 anciens combattants nord-américains réunis en congrès, Legionella pneumophila est l’agent de la maladie des légionnaires. Le réservoir de la bactérie est environnemental, et les principales sources de contamination sont les réseaux d’eau chaude (en particulier les douches), les tours aéroréfrigérantes, les bains bouillonnants (spa, Jacuzzi...)... La transmission à l’homme se fait par inhalation d’aérosols contenant la bactérie. En revanche, il n’existe pas de transmission inter-humaine. La maladie est plus fréquente chez les patients âgés, chez les immunodéprimés (du fait d’une maladie sous-jacente ou d’un traitement immunosuppresseur), en cas de tabagisme ou d’éthylisme. Le tableau clinique peut être assez variable, allant de la pneumopathie gravissime avec un tableau de défaillance multiviscérale et décès rapide du patient à un tableau beaucoup moins sévère. Il s’agit d’une maladie à déclaration obligatoire ; 1 527 cas ont d’ailleurs été déclarés en France en 2005.
– Mycoplasma pneumoniæ est responsable de pneumopathies atypiques, survenant volontiers chez l’adolescent ou l’adulte jeune, en collectivités. C’est une infection endémique avec des poussées épidémiques en période hivernale. Le mode de transmission est strictement interhumain. Le début est insidieux et la pneumopathie peut s’accompagner de manifestations extrapulmonaires à type de troubles digestifs, d’arthralgies, d’anémies hémolytiques... La mortalité est faible, plutôt chez les patients fragilisés.
– Chlamydophila pneumoniæ (anciennement Chlamydia pneumoniæ) est également responsable d’un tableau de pneumopathie atypique assez classique. Ici aussi, la transmission est strictement inter-humaine.
– Chlamydophila psittaci (anciennement Chlamydia psittaci) est l’agent de l’ornithose-psittacose, zoonose transmise par le contact avec les oiseaux ou les poussières de leur environnement, qu’il s’agisse d’oiseaux d’agrément, de basse-cour ou d’élevage industriel. Compte tenu du mode de transmission, il s’agit essentiellement de cas sporadiques. Le tableau clinique pulmonaire est proche de celui de Chlamydophila pneumoniæ, mais les signes généraux (fièvre, frissons, asthénie, myalgies...) sont en général plus marqués.
– Coxiella burnettii est l’agent de la fièvre Q. Il s’agit d’une zoonose de répartition mondiale qui, en France, se rencontre plus particulièrement dans le Sud-Est, le Centre, les Alpes (principales régions d’élevage ovin, caprin ou bovin). La contamination se fait par inhalation d’aérosols contaminés dans l’environnement des animaux malades, mais également par la consommation de produits laitiers non pasteurisés. Plus rarement, les professionnels de l’agriculture peuvent se contaminer par contact direct avec les animaux (la fièvre Q est reconnue au titre de maladie professionnelle). La pneumopathie est le deuxième mode de présentation de la fièvre Q (l’hépatite étant le mode le plus fréquent) avec, dans de rares cas, une forme sévère.
Outils diagnostiques rapides
– La détection rapide de Legionella pneumophila peut être réalisée par immunofluorescence directe à partir de prélèvements pulmonaires protégés ou non protégés, y compris sur des expectorations. Bien qu’assez rapide (trois heures), cet examen est peu sensible (de 25 à 40 %), moyennement spécifique (environ 60 %) et nécessite un microscope à fluorescence, ce qui le réserve à quelques laboratoires.
– En revanche, la recherche d’antigènes de Legionella pneumophila dans les urines a véritablement révolutionné le diagnostic de légionellose puisque, actuellement, près de 90 % des légionelloses sont diagnostiquées par cette méthode. La détection des antigènes dans les urines est possible dès le troisième jour suivant l’apparition des symptômes et l’excrétion des antigènes se poursuit plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Cette recherche s’effectue sur des urines fraîchement émises et autorise une réponse en quinze minutes. Elle permet le diagnostic de Legionella pneumophila de sérogroupe 1 (qui représente 90 % des légionelloses), mais pas des 13 autres sérogroupes de Legionella pneumophila. De fait, la sensibilité de la technique est excellente si l’on ne tient compte que du sérogroupe 1, un peu moins bonne si l’on tient compte de l’ensemble des sérogroupes ; la spécificité est proche de 98 %.
La culture
Chlamydophila, Mycoplasma et Coxiella ne peuvent pas être cultivées sur les classiques boîtes de Petri ; la mise en culture des échantillons pulmonaires se fait sur des milieux très spécifiques, ce qui limite cet outil diagnostique à quelques laboratoires.
La culture de Legionella pneumophila est rendue possible par l’utilisation de boîtes de Petri spécifiques avec le milieu de culture BCYE ; mais cette culture, qui peut se faire à partir de prélèvements protégés ou non protégés, est longue et délicate. De plus, cette technique est peu sensible (de 40 à 60 %), bien que très spécifique (proche de 100 %).
La sérologie
La recherche des anticorps dans le sérum reste d’actualité pour le diagnostic des pneumopathies à bactéries atypiques ou apparentées que sont Mycoplasma pneumoniæ, Chlamydophila pneumoniæ, Legionella pneumophila, Chlamydophila psittaci ou Coxiella burnetii.
Différentes techniques existent, offrant des performances acceptables, puisque la sensibilité varie de 65 à 75 % et la spécificité de 85 à 95 %, selon les bactéries ciblées et les méthodes utilisées. En dehors d’un titre d’anticorps d’emblée élevé qui signe une sérologie positive, il est important de contrôler les sérologies sur un deuxième prélèvement deux à trois semaines plus tard, ce qui permettra d’observer une éventuelle ascension des anticorps ; on admet qu’une multiplication par 4 du titre des anticorps est en faveur de l’infection. Mais, dès lors, cet outil diagnostique ne peut être que rétrospectif.
Les techniques en développement
Les outils modernes permettent de rechercher l’ADN des bactéries atypiques ou apparentées par des techniques de biologie moléculaire directement à partir des prélèvements pulmonaires, qu’il s’agisse de prélèvements protégés ou non protégés.
Certains laboratoires hospitaliers ont développé leur propre méthode (PCR « maison »), mais à l’heure actuelle, le marché étant en plein développement, plusieurs kits sont en cours de commercialisation ; ils reposent sur l’utilisation de méthodes très rapides, dites PCR en temps réel, permettant une réponse quelques heures après la réalisation du prélèvement... mais à un coût qui nécessitera une rationalisation de la prescription.
D’après une communication aux 44es Journées de formation médicale continue de la Faculté de médecine de Tours.
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