REFERENCE
I. LES FAITS
1. Consommation en hausse
La consommation de substances psychoactives légales (comme les benzodiazépines) ou non croît depuis cinquante ans dans tous les pays avec le niveau de vie. C'est une constante. Les dernières saisies opérées à nos frontières sont un reflet de ce phénomène (tableau 1).
Les Etats-Unis pour leur part dénoncent (en janvier 2001) avoir saisi en 1997 120 000 doses d'ecstasy et, en 1999, 1 279 000 doses. Ils parlent d'explosion de la consommation (au même titre que le recours aux anabolisants).
Dénoncée dès 1992 en Grande-Bretagne (1), puis dans toute l'Europe, dont la France (2), l'ecstasy est la drogue phare des rave-parties et des soirées techno. Mais la consommation peut aussi devenir personnelle et prolongée, les utilisateurs souhaitant perpétuer le mieux-être ressenti au cours d'une première prise.
2. Polyconsommation
Dans les rave-parties, l'ecstasy est souvent polyconsommée (dans 40 % des cas avec de l'alcool ou des médicaments), plus rarement associée dans sa forme galénique de présentation des rave-parties aux autres substances fréquentes : cannabis, LSD, cocaïne.
Plus important sans doute, « dans 50 % des consommations, il ne s'agit pas d'ecstasy » (3), mais éventuellement d'autres amphétamines (4) (voir tableau 2).
II. DONNEES PHARMACOLOGIQUES
1. Méthylènedioxy méthamphétamine : MDMA
Représentation molécule
C11H15NO2
T1/2 : 7,6 h
PM : 193,25
Taux « thérapeutiques » ou non toxiques 0,005-0,35 μg/ml
Base : huile incolore
Souvent sous forme chlorhydrate.
N,a-diméthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; 3,4-méthylènedioxy méthamphétamine.
Appellations : ecstasy, Adam, XTC, « E »
Classe des entactogènes
Inscrite au tableau des produits stupéfiants.
La MDMA a été synthétisée en 1912, mais n'a pas été commercialisée. Vers 1977, elle devient populaire aux Etats-Unis comme « drogue à usage récréatif ». Elle apparaît en France en 1985. Des indications thérapeutiques possibles (dans les syndromes posttraumatiques) sont actuellement à l'étude aux Etats-Unis.
2. Toxicocinétique
Après absorption orale, la MDMA est absorbée en vingt à soixante minutes.
Le pic plasmatique est maximal en deux heures.
Huit métabolites sont retrouvés dans les urines jusqu'à 72 heures.
On peut identifier la MDMA et son métabolite, la MDA, dans les cheveux, les poils, la sueur, la salive et le méconium.
3. Mécanisme d'action
C'est essentiellement une neurotoxine sérotoninergique sélective (6), mais elle possède aussi une forte activité pour les récepteurs adrénergiques muscariniques et histaminiques de type H1. Elle provoque une augmentation temporaire de la sérotonine (5HT) dans la synapse par relargage et inhibition de sa recapture, suivie d'une diminution (maximale en trois à six heures) de la 5 -HT et de son métabolite, l'acide 5-hydroxy indolacétique (5-HIAA), diminution dans le cerveau évaluée à 80 % chez l'animal après injection de MDMA.
La situation redevient normale après 24 heures, sauf en cas d'administrations répétées où l'on a observé expérimentalement une atrophie des neurones sérotoninergiques.
L'activité agoniste sur les récepteurs adrénergiques périphériques est à l'origine des effets cardio-vasculaires.
4. Analyse (3)
Les analyses des échantillons observés dans notre hôpital (342 solides, 128 sous forme de buvards) ont été réalisées par diverses techniques analytiques : GC/MS (chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse), HPLC-DAD (chromatographie liquide haute performance couplée à une barrette de diode), HPLC-Fluorescence (chromatographie liquide haute performance couplée à la fluorescence), IR, UV. L'étude qualitative de tous les échantillons a été réalisée par GC/MS, soit par analyse directe après mise en solution éthanolique, soit par analyse après dérivatisation (soit par un réactif silylant, soit par le propylchloroformiate). Les échantillons ont été soumis systématiquement à une analyse infrarouge. Les autres méthodes ont été utilisées pour la quantification.
III. LES EFFETS
1. Les effets recherchés
Ils sont essentiellement psychostimulants : « La stimulation est le grand objectif de l'existence », dit un consommateur habituel.
Sont particulièrement prisées :
- l'estime de soi ;
- l'hyperactivité motrice ;
- l'euphorie sexuelle et sociale ;
- la résistance à la fatigue.
2. Effets secondaires
Nous n'envisagerons ici que ceux suscités par la surconsommation d'ecstasy (et accessoirement de cocaïne, plus rarement en cause).
Certains sont considérés comme « tolérables » ; c'est « le prix à payer » disent les utilisateurs : insomnie, moiteur, frissons, impériosité des mictions, anorexie, adipsie, nausées. Ces effets peuvent durer de quelques heures à 48 heures (pour une dose d'ecstasy dite « normale » de 100 mg).
Certains effets secondaires sont graves, soit par surdosage, soit lors de la phase de descente, c'est-à-dire d'épuisement de l'organisme et des neuromédiateurs impliqués.
Il peut s'agir :
- de troubles psychiatriques : confusion mentale, attaques de panique, auto- et hétéro-agressivité, hallucinations visuelles et auditives, troubles visuels. Pour le médecin consulté, il s'agit alors d'évoquer la présence d'un psychotrope et, d'une part, d'épargner à un adolescent atteint d'une bouffée délirante chimio-induite le diagnostic d'une schizophrénie débutante, d'autre part, d'alléger les investigations à la recherche (coûteuse) d'une pathologie organique cérébrale ;
- d'anomalies circulatoires et neurologiques : mydriase ; tachycardie ; poussée tensionnelle, puis collapsus avec grande déshydratation ; douleurs thoraciques (sans anomalies ECG) ; troubles du rythme cardiaque (essentiellement responsables des décès) ; clonies et convulsions avec rhabdomyolyse ; acidose métabolique ; des hémorragies cérébrales ont été rapportées ; une hyperthermie maligne peut être préoccupante : des températures > 43° ont été observées avec coagulation vasculaire disséminée, hyperkaliémie et insuffisance rénale aiguë. La rhabdomyolyse observée est proche de celle du « coup de chaleur ».
Une vasoconstriction cutanée intense liée aux drogues majore encore le déséquilibre thermique ; une hépatotoxicité (parfois fulminante), dénoncée depuis 1992 (1), est rare en France.
La dose capable de susciter ces divers effets est variable. L'ecstasy paraît assez bénigne à dose unique, dangereuse à dose répétée, potentiellement mortelle chez le jeune adulte à partir de 12 comprimés de 100 mg. Dans sa revue, M. H. Ghysel (5) répertorie 25 cas mortels dans la littérature américaine et européenne.
IV. TRAITEMENTS
Ils restent symptomatiques. Il s'agit de :
- contrôler l'hypertension artérielle (parfois justiciable de nitroprussiate de soude) ;
- réhydrater en eau et en sels ;
- administrer des anticonvulsivants : essentiellement des benzodiazépines à forte dose, mais aussi hydantoïnes après prise de cocaïne, valproate après prise d'ecstasy (7). Curares et dantrolène ont également été proposés. Utiliser des antiarythmiques et des neuroleptiques dans les états délirants, sauf s'il existe une hyperthermie > 38 °C.
V. CONCLUSIONS
L'ecstasy, amphétamine à action essentiellement sérotoninergique, se répand rapidement en Europe comme aux Etats-Unis.
Aux consommations de groupe, ludiques, s'ajoutent peu à peu des consommations solitaires, pratiquement domestiques. Il n'existe pas actuellement d'indication thérapeutique psychiatrique de cette molécule. En l'absence de cette validation, ce produit doit être considéré d'abord comme potentiellement toxique, en prise aiguë (effets neurologiques et vasculaires essentiellement) et en prise chronique (dégénérescence des neurones sérotoninergiques).
Références :
(1) Henry J. A., Jeffreys K., Dawling S. (1992). Toxicity and deaths from 3,4-methylenedioxymethamphetamimne (« ecstasy »). « Lancet », 340, 384-387.
(2) Lapostolle F., Eliez C. A., El Massioui Y., Adnet F., Leclerc G., Efthymiou M. L., Baud F. (1997). Toxicité de l'ecstasy. « Presse Med », 26, 1881-1884.
(3) Galliot-Guilley M., Sueur C., Lebeau B., Fompeydie D., Benezech A., Bazard J.-P. (1999). L'ecstasy et ses « sosies ». « Presse Med », 28, 358-362.
(4) Fompeydie D., Bazard J.-P., Latour C., Bahri Z., Galliot-Guilley M. « Attention... Une drogue peut en cacher une autre ! »., en cours de publication.
(5) Ghysel M. H. (1998). « Amphétamines et dérivés », pp. 481-492, dans « Toxicologie et pharmacologie médico-légales » ; coordinateur P. Kintz, éditeur Elsevier.
(6) McCann U. D., Szabo Z., Scheffel U., Dannals R. F., Ricaurte G. A. (1999). Perspectives on neuroscience and behavior. « The Neuroscientist », 5, 3, 141.
(7) Hanson G. R., Jensen M., Johnson M., White H. S. (1999). Distinct features of seizures induced by cocaine and amphetamine analogs. « Eur J Pharmacol », 377, 167-173.
Amphétamines et molécules apparentées parmi 568 solides étudiés
MOLECULESNOMBREPOURCENTAGE
Par rapport à 568
.
MDMA = « Ecstasy »28349,8 %
.
MA101,8 %
.
MDA101,8 %
.
MDEA50,9 %
.
2 CB30,5 %
.
4 MTA30,5 %
.
2 CT210,2 %
.
DOB10,2 %
.
N-formyl-amphétamine10,2 %
Ephédrine81,4 %
Méthyl + déméthyl-pseudo-éphédrine122,1 %
.
Fenproporex40,7 %
.
Amfépramone10,2 %
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