Les manifestations associent :
- des thromboses artérielles, souvent à répétition, chez des sujets adultes jeunes (souvent moins de 40 ans) : accident ischémique transitoire par exemple ;
- thrombose veineuse sans prédilection de localisation, surtout à répétition, survenant chez un sujet jeune. Il faut suspecter ce syndrome en cas de deux phlébites ou plus au niveau des membres inférieurs, ou d'une phlébite dans un site atypique comme une phlébite des membres supérieurs, une thrombophlébite cérébrale, une phlébite mésentérique ;
- avortements spontanés à répétition (supérieur ou égal à 2, surtout au premier trimestre) ;
- thrombopénie souvent modérée inférieure à 100 000/mm3 ;
- d'autres signes cliniques peuvent exister comme le Livedo reticularis, des ulcères des jambes et des arthralgies.
Diagnostic
Le diagnostic (Harris, 1983) requiert l'un des quatre premiers signes associés à la présence d'un anticorps anticardiolipine IgG ou IgM (détecté selon la méthode Elisa) ou un anticorps circulant type lupique (détecté par les tests habituels de la coagulation) à deux reprises, à deux mois d'intervalle.
Le syndrome d'anticorps antiphospholipides peut donc être primaire ou secondaire et, dans ce dernier cas, il s'agit d'une maladie auto-immune et le plus souvent d'un lupus érythémateux disséminé.
Physiopathologie
La physiopathologie de ce syndrome est complexe (cf. schéma).
Les phospholipides membranaires servent de support pour l'activation des différentes étapes de la cascade de la coagulation et de la voie de la protéine C. La thrombine est une enzyme protéique formée à partir de la prothrombine sous l'action d'un complexe appelé prothrombinase. Ce complexe est formé par l'association au niveau des phospholipides anioniques exposés à la surface des plaquettes activées et en présence d'ions calcium : du facteur X activé support de l'activité enzymatique du complexe, et du facteur V activé dont la présence accélère la réaction. L'activation du facteur X en Xa est réalisée par deux voies différentes : voie exogène, la voie la plus prépondérante in vivo et nécessitant l'action du facteur tissulaire, et la voie endogène, qui nécessite un contact avec l'endothélium. Les inhibiteurs physiologiques s'interposent à ces deux voies de la cascade de la coagulation : le système de la protéine C, une protéine synthétisée par les hépatocytes, vitamine K dépendante, et qui est activée quand elle se lie à la thrombomoduline et en présence d'une autre protéine appelée la protéine S. Une fois activée, la protéine C protéolyse les facteurs V activé et VIII activé, ralentissant ainsi le parcours de la cascade de la coagulation. Une autre protéine agit sur différents niveaux de cette cascade, c'est l'antithrombine III.
Activation
de la coagulation
Les anticorps antiphospholipides agissent sur différents niveaux, entraînant ainsi une activation de la coagulation :
- diminution de l'activation de la protéine C ;
- diminution de l'activité de l'antithrombine III ;
- augmentation de l'activité du facteur tissulaire ;
- inhibition des héparanes sulfates (des protéines tapissant la surface vasculaire endothéliale, catalysant l'action de l'antithrombine III pour inactiver la thrombine. Leur inhibition résulte donc en une hypercoagulabilité) ;
- inhibition de la fibrinolyse par une augmentation du PAI I (Plasminogène Activateur Inhibiteur) ;
- une interférence avec la synthèse de la thromboxane A2, une prostaglandine favorisant l'agrégation et le recrutement des plaquettes dans la formation d'un thrombus.
Cette liste est exhaustive et plusieurs autres mécanismes sont suggérés, notamment le rôle de la protéine bêta-2-GPI : un cofacteur des phospholipides indispensable à la reconnaissance des phospholipides par les anticorps dans le syndrome anticorps antiphospholipides primaire ou secondaire.
Traitement
1) En cas de signes biologiques positifs : détection d'anticorps antiphospholipides sans signe clinique. Il n'y a pas de consensus pour le traitement. La majorité des auteurs suggère la surveillance simple et, parmi eux, une minorité conseille l'administration d'un antiagrégant plaquettaire.
2) En cas de lupus érythémateux disséminé avec anticorps antiphospholipides sans signe clinique de ce syndrome, certains auteurs préconisent une anticoagulation préventive car leurs études rétrospectives ont montré que plus de 50 % de ces patients développent les signes cliniques plus tard.
3) En cas de survenue d'un accident vasculaire dans le cadre d'un syndrome anticorps antiphospholipides, l'anticoagulation à long terme est de rigueur : antivitamine K avec un INR recommandé entre 2 et 3. Cet intérêt est confirmé par plusieurs auteurs. Il diminue le nombre de récidives. Chez les femmes enceintes, il faudrait utiliser les héparines de bas poids moléculaire (HBPM).
4) En cas de thrombopénie menaçante, les corticoïdes ont leur place. En cas de non-réponse, les immunosuppresseurs, voire plus rarement les immunoglobulines intra-
veineuses, doivent être tentés.
Historique
Entre 1943 et 1963, plusieurs études menées aux Etats-Unis sur une grande cohorte de sujets jeunes (tests prénuptiaux et militaires) ont permis de mettre en évidence la détection d'un faux VDRL positif. En 1952, Hartman décrit la détection d'un anticorps circulant chez des patients ayant un lupus érythémateux disséminé. En 1980, Soulier attire l'attention sur l'association de fausses couches, phlébites et anticorps circulants en dehors du lupus érythémateux disséminé. En 1988, Asheron identifie le syndrome d'anticorps antiphospholipides, pose la base des critères diagnostiques et relate l'existence d'un syndrome antiphospholipides primaire en dehors du lupus érythémateux disséminé.
« J Rheumatol ».,15 : 1742-1746.
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