Définitions
L'hypertension artérielle est une des plus fréquentes complications de la grossesse. Elle se définit par une pression artérielle systolique supérieure à 140 mmHg et une pression artérielle diastolique supérieure à
90 mmHg, prise au repos, à au moins deux reprises, pendant la grossesse ou en post-partum immédiat. L'apparition d'une hypertension artérielle après la 20e semaine d'aménorrhée, avec une protéinurie supérieure à 0,3 g/24 heures, définit la prééclampsie (PE). Elle concerne entre 1 et 7 % des patientes, compliquant 3 à 7 % des grossesses chez la primipare et 0,5 à 1 % chez la multipare. Elle représente la première cause de morbidité et de mortalité materno-foetale périnatale. Une meilleure connaissance de sa physiopathologie et de son dépistage permet un suivi précoce et adapté, limitant l'incidence des conséquences graves pour le foetus et la patiente.
Une anomalie de placentation
La prééclampsie est la conséquence d'une anomalie très précoce de la placentation. Il existe une invasion incomplète des artères spiralées utérines par les cellules trophoblastiques placentaires lors du premier trimestre de la grossesse. Il s'ensuit que les modifications physiologiques vasculaires sont incomplètes, inconstantes, voire absentes. Ainsi, les vaisseaux placentaires conservent des résistances élevées inadaptées aux besoins de l'unité utéro-placento-foetale. Le placenta alors ischémié sécrète des médiateurs actifs sur l'endothélium vasculaire maternel (peroxydes, radicaux d'oxygène, Vascular Endothelial Growth Factor - Vegf). La microangiopathie induite par ces facteurs est responsable des manifestations cliniques maternelles : atteinte rénale, cérébrale et hépatique. Sur le plan foetal, l'ischémie placentaire entraîne un oligoamnios, un retard de croissance, une souffrance foetale, pouvant se compliquer d'une mort foetale in utero, parfois dans un contexte d'hématome rétroplacentaire.
Une maladie gravidique sévère
La prééclampsie reste à l'origine de 17 à 20 % des morts maternelles. Cette mortalité est largement le fait des patientes qui ont un syndrome Hellp (Hemolysis, Elevated Liver enzyme, Low Platelet count). Dans les deux tiers des cas, les décès sont liés à une prise en charge inadéquate. L'éclampsie est devenue un accident rare, mais reste une complication majeure, avec une mortalité maternelle estimée à 5 %. La morbidité et la mortalité foetales liées à la prééclampsie semblent essentiellement corrélées à l'âge gestationnel et au retard de croissance intra-utérin. La prise en charge obstétricale a pour objectif la prolongation de la grossesse, sous couvert d'une surveillance materno-foetale rigoureuse, dans des structures adaptées, afin de réduire la mortalité et la morbidité néonatale.
Dépistage précoce
Le dépistage de la prééclampsie est un facteur essentiel de l'amélioration du pronostic maternel et foetal en permettant une prise en charge précoce de la pathologie. Lors de la première consultation, déjà, un certain nombre de facteurs de risque classiquement reconnus doivent être recherchés. Ainsi, les antécédents de prééclampsie chez la mère ou une soeur font augmenter l'incidence d'un facteur 3 à 5. En outre, l'âge maternel élevé, la primiparité, une union très récente (la brève période d'exposition préalable au sperme du père), l'insémination avec donneur sont corrélés à une incidence majorée de la pathologie, tout comme des anomalies des marqueurs sériques avec caryotype normal. L'attention doit être également accrue chez les patientes obèses ou qui présentent des antécédents de thrombophilies, d'affections auto-immunes ou de néphropathies chroniques. Enfin, certains facteurs environnementaux, tels que la vie en altitude, le stress physique et psychologique, semblent également majorer le risque de la pathologie.
Lors de chaque consultation de suivi de grossesse, une mesure de la pression artérielle doit être effectuée et recontrôlée en cas de valeur élevée (syndrome de la blouse blanche). L'interrogatoire recherche les signes fonctionnels classiques : céphalées, phosphènes, acouphènes, douleurs épigastriques, paresthésies des membres. L'examen clinique recherche des oedèmes des membres inférieurs, une prise de poids récente importante. Une bandelette peut être effectuée en consultation à la recherche d'une albuminurie. D'un point de vue biologique, chaque mois, une protéinurie réglementaire est prescrite. Un dosage supérieur à 0,3 g/l fait suspecter une prééclampsie, même en l'absence d'hypertension artérielle, et nécessite des investigations complémentaires. La variabilité des manifestations cliniques et biologiques peut en effet rendre le diagnostic difficile. Le diagnostic de prééclampsie posé, les signes cliniques et biologiques de gravité sont recherchés.
La prééclampsie sévère se définit soit par une hypertension grave (PAS > 160 mmHg et/ou PAD > 110 mmHg), avec un ou plusieurs des signes suivants : douleurs épigastriques en barre, céphalées persistantes, vomissements, hyperréflectivité ostéo-tendineuse, troubles visuels, oligurie, protéinurie > 3 g/j, créatininémie >100 μmol/l, hémolyse, thrombopénie < 100 000/mm3, cytolyse hépatique avec Asat > trois fois la norme du laboratoire. Ces éléments péjoratifs imposent d'adresser rapidement la patiente à un centre adapté à la prise en charge maternelle et foetale, avec terminaison rapide de la grossesse.
Grossesse suivante
De très nombreuses médications ont été proposées pour prévenir la survenue de la PE chez la femme enceinte à risque. Seule l'efficacité de l'aspirine est indiscutable. Selon les études, l'aspirine prescrite précocement chez les patientes à risque réduit l'incidence de la prééclampsie de 15 %, la prématurité de
8 % et la mortalité périnatale de 14 %. Le traitement doit être commencé dès le premier trimestre, vers 10 SA, avant que les anomalies dues à l'invasion trophoblastique défectueuse n'apparaissent, à une posologie minimale de
100 mg/j, et ce jusqu'au début du 9e mois. Les indications validées sont l'antécédent de prééclampsie sévère précoce ou le retard de croissance intra-utérin d'origine vasculaire. D'autres thérapeutiques préventives peuvent se révéler nécessaires, en cas de thrombophilie, par exemple (Hbpm).
Conclusion
Il est difficile d'empêcher une prééclampsie chez une primipare, mais il reste possible d'en faire le diagnostic précoce, ce qui est assurément la meilleure prévention des complications materno-foetales, grâce à la prise en charge qui en découle. En cas d'antécédents de prééclampsie sévère ou de mort foetale d'origine vasculaire ou de Rciu majeur, la prescription d'aspirine au premier trimestre de la grossesse est une prévention intéressante de la récidive ou de la gravité d'une prééclampsie.
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