REFERENCE
----I. DES MODIFICATIONS PROFONDES
:Deux phases
Après la lésion médullaire, les modifications physiologiques se déroulent en deux phases.
Au cours de la phase de choc spinal (pendant les premières semaines ou mois après l'accident), le detrusor ne se contracte pas et le tonus sphinctérien est maintenu. Le patient est donc en rétention complète. Avec la récupération progressive des réflexes segmentaires, un nouveau mode de fonctionnement va apparaître. La vessie va se mettre à se contracter spontanément, créant ce que l'on appelle l'hyperactivité vésicale, mais la coordination entre cette contraction et le relâchement des sphincters lisses et striés ne se fait plus. C'est la dyssynergie vésico-sphinctérienne. Le patient va être incontinent par contraction non inhibée du detrusor et rétentionniste par obstacle fonctionnel, et donc être très exposé aux infections urinaires. De plus, si rien n'est fait, le régime de haute pression intravésical va engendrer une dégradation du haut appareil (dilatation, reflux) menaçant le pronostic rénal.
:Dans la phase de choc spinal
Le traitement médical au cours de la phase de choc spinal est l'apanage des centres de rééducation ou des services de réanimation ou de chirurgie qui prennent en charge les patients à cette période.
:Après la phase de choc spinal
Après la phase de choc spinal, un choix est à faire entre deux options thérapeutiques principales.
1) Apprentissage de l'autosondage
On traite l'hyperactivité vésicale pour permettre à la fois l'acquisition d'une continence, une bonne maîtrise des facteurs de risque rénaux et afin de restaurer une phase de remplissage à basse pression : on utilise alors le sondage intermittent pour remplacer la miction. Cette stratégie thérapeutique est la plus utilisée car elle donne les meilleurs résultats en termes de préservation du haut appareil et permet au patient d'avoir une vie sociale la plus proche de la normale. Il suffit d'illustrer cela par le fait que la continence urinaire permet d'avoir une vie sexuelle en toute sécurité pour que les patients, jeunes dans leur grande majorité, adoptent ce choix. En pratique, les patients utilisent un traitement parasympathicolytique (oxybutinine, toltérodine) pour la continence. La miction est assurée par l'autosondage. Cette technique a révolutionné la prise en charge des blessés médullaires. Elle repose sur une technique simple de sondage propre réalisé cinq à six fois par jour avec une diurèse de 1,5 à 2 litres par jour. Le sondage est réalisé par le paraplégique après lavage de mains et toilette périnéale à l'eau et au savon. Les sondes utilisées sont la plupart du temps des sondes autolubrifiées non réutilisables chez l'homme. Une phase d'apprentissage est nécessaire pour apprendre non pas tellement la technique du sondage en soi, qui est facile, mais surtout pour apprendre à maîtriser ses boissons et à parfaire la technique pour que le sondage soit facile au fauteuil roulant et dans toutes les conditions de la vie quotidienne.
2) Apprentissage des mictions réflexes
Quand l'autosondage est impossible pour des conditions techniques (dextérité des membres supérieurs...) ou refusé par le patient, on utilise alors les contractions réflexes de la vessie et l'objectif du traitement est de diminuer les résistances sphinctériennes. Les conditions d'efficacité des mictions réflexes seront une miction avec une vidange complète et à basse pression, sans risque pour le haut appareil. Pour atteindre ces objectifs, on utilisera la plupart du temps des alphabloquants pour agir sur le col vésical, et de la toxine botulique dans le sphincter strié. En cas d'inefficacité de ces méthodes médicales, il est alors possible de faire une sphinctérotomie chirurgicale ou prothétique en plaçant une endoprothèse urétrale en regard du sphincter strié.
----II. COMPLICATIONS
Les complications infectieuses sont au premier rang des réhospitalisations des blessés médullaires. Les critères diagnostiques et thérapeutiques sont particuliers à cette pathologie et variables selon les modes mictionnels.
Sous autosondage, les patients ont, dans la grande majorité des cas, une bactériurie chronique. Ne seront à traiter que les infections urinaires symptomatiques, en particulier les infections fébriles, ou qui entraînent fuites, augmentation de la spasticité, fatigue intense, urines sales. Il n'est donc pas nécessaire de faire réaliser des ECBU systématiques en dehors de tout contexte clinique pour éviter de laisser les patients sous antibiotiques à longueur d'année et de sélectionner rapidement des germes multirésistants. Par ailleurs, en cas d'infection urinaire fébrile, faire le diagnostic différentiel entre pyélonéphrite et prostatite n'est pas évident car il n'y a pas de douleurs prostatiques au toucher rectal. Il faut s'aider d'examens complémentaires tels que le dosage des PSA et l'échographie urinaire pour adapter la durée du traitement antibiotique. Par ailleurs, il ne faut pas, en cas d'infections urinaires répétées, faire diminuer la fréquence des autosondages, mais, au contraire, souvent faire augmenter la diurèse et le nombre de sondages quotidiens.
Chez les patients sous mictions réflexes, les infections urinaires sont aussi possibles et, si elles ont tendance à se répéter, elles sont le signe d'un déséquilibre de la qualité mictionnelle, avec probablement un résidu postmictionnel chronique. Elles imposent donc de refaire le bilan pour réadapter les thérapeutiques.
----III. SURVEILLANCE
L'état mictionnel des blessés médullaires n'est pas un état stable et le risque rénal toujours présent impose une surveillance rapprochée. Elle repose sur la réalisation d'examens complémentaires tels que la clairance de la créatinine, l'échographie rénale et vésicale à la recherche de détérioration du haut appareil et d'examens urodynamiques pour contrôler l'efficacité des thérapeutiques et dépister les facteurs de risque du haut appareil. Le rythme (une fois par an ou tous les deux ans) dépend du mode mictionnel et du fonctionnement urinaire choisi. Cette surveillance n'est malheureusement pas assez systématisée.
A retenir
Les troubles mictionnels des blessés médullaires peuvent entraîner une dégradation rénale.
Les choix thérapeutiques sont complexes et doivent être faits dans des unités spécialisées dans la prise en charge de ces patients.
La réalisation d'ECBU systématiques n'a pas d'intérêt dans le suivi.
Seules les infections symptomatiques doivent être traitées.
Des infections urinaires répétées chez les blessés médullaires imposent de reconsidérer l'équilibre mictionnel et de faire réaliser un bilan en unité spécialisée.
La surveillance par examens biologiques, radiologiques, et urodynamiques est obligatoire chez tous les patients tout au long de leur vie.
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