PROGRAMMÉ pour un être un mauvais perdant, le président sortant s’est comporté, depuis sa défaite, avec une dignité que la liste de ses déclarations et comportements antérieurs ne laissait pas présager. Un discours digne de concession de sa défaite à M. Hollande, le souhait que son successeur réussisse, parce que le pays compte plus que le sort des présidents ou même des majorités, une invitation au même Hollande à partager avec lui le rituel du 8 mai, une passation des pouvoirs aujourd’hui qui s’annonce paisible. La presse l’a souligné mais sans trop s’y attarder, pour au moins deux raisons : d’une part, seul compte à ses yeux ce que va faire le président Hollande ; d’autre part M. Sarkozy, qu’elle a accablé pendant cinq ans, est rangé dans la catégorie des has been, d’autant qu’il a répété à satiété, mais trop vite, qu’il entendait quitter la vie politique. La victoire de M. Hollande est claire et nette, il devance M. Sarkozy d’un million et demi de suffrages. Mais l’ex-président a réuni autour de son nom, souvent conspué et parfois traîné dans la boue, 48,40 des électeurs, ce qui relativise beaucoup la notion d’antisarkozysme. Il y a eu, le 6 mai, et pas seulement chez les nantis que l’ex-président a tenté de protéger, l’idée que, en dépit de ses gaffes énormes et de ses propos très imprudents, il représentait encore une navigation politique ferme, propre à éviter au pays les écueils dangereux de la crise.
L’importance des réformes.
Ce qui semble démontrer qu’une grosse partie de l’électorat a compris l’importance des réformes structurelles dans la crise. Le choc entre la gauche et la droite exclut que la première admette qu’il y avait des choses très utiles dans ce qu’a fait M. Sarkozy, par exemple la réforme des retraites, celles des universités, la nouvelle carte judiciaire, la révision des politiques publiques, pourtant décriée par les gauches comme une aberration. Il faut aujourd’hui que M. Hollande, puisqu’il se présente comme un sage, se demande s’il peut augmenter les dépenses en recrutant dans la fonction publique, si ses prévisions de croissance pour la période de son mandat sont fondées et s’il peut fixer l’équilibre budgétaire à 2017, soit un an de plus que ce que souhaitait M. Sarkozy, au moment même où les projections à un, deux ou cinq ans, ne montrent pas qu’il atteindra ses objectifs.
On ne sait pas si la forte minorité obtenue par l’ex-président se retrouvera à l’Assemblée après les législatives des 10 et 17 juin. L’UMP s’apprête à livrer une bataille âpre, dure et hargneuse parce qu’elle doit faire ce pour quoi elle existe. Simultanément, on sait bien que l’intérêt général, dans un système institutionnel où le chef de l’État décide de tout, c’est qu’il dispose d’une majorité absolue, fût-elle plurielle, pour mener à bien son programme. Il n’y a pas eu vraiment d’antisarkozysme ou bien, si vous préférez, l’antisarkozysme n’a pas empêché 48 % des électeurs d’exiger la poursuite des réformes structurelles. Même le victorieux Hollande devrait en tenir compte, lui qui entend être le président de tous les Français.
Ce qui a vaincu l’ex-président, c’est le désir d’alternance bien plus que l’antisarkozysme. Une alternance qui n’a pas de commune mesure avec celle de 1981, qui n’a pas de rapport avec le gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin, qui a été déclenchée par une crise économique, sociale et financière dont le précédent remonte à 1929. On est beaucoup dans le « TSS » (tout sauf Sarkozy) que dans l’inquiétude pour l’avenir à court et long termes.
Comme de Gaulle quand il s’est rendu dans « l’Orient compliqué », M. Hollande aborde son mandat avec la confiance que lui confère son extraordinaire parcours depuis plus d’un an. De même que la défaite de M. Sarkozy, pour être définitive, n’en est pas moins honorable, de même la victoire de cet ex-candidat venu d’un désert dont la traversée fut assez longue récompense la modestie, la patience et, oui, la normalité. Lors du débat télévisé du 3 mai, sa litanie brillante des « Moi, président de la République... » a peut-être été la paille qui a cassé le dos du chameau, sans que M. Sarkozy ait su interrompre le récitant. Les railleries, « capitaine de pédalo », « Flanby », « fraise des bois », « flou, c’est mou » « Hollande président, on rêve! » se sont retournées contre ceux qui les ont prononcées avec d’autant plus de force que M. Hollande a le triomphe modeste. Plus que ses prédécesseurs, il représente le produit par excellence de la République et il fait de la France le pays « où tout peut arriver ». Sous-estimé par tous, à droite, à gauche, dans les médias, il y a encore quelques mois, il s’est hissé au sommet avec une aisance, une souplesse, un sens de l’équilibre tout à fait admirables. On est sensible à la performance et on l’applaudit sincèrement. On n’en souhaite pas moins une action politique qui fasse reculer la crise.
› RICHARD LISCIA
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