« Arrêtez de fumer ! ». Cette seule injonction, délivrée rapidement à la fin de la consultation ne suffit souvent pas à sortir de la dépendance. Plusieurs travaux américains ont montré qu’arrêter progressivement de fumer pouvait être au moins aussi efficace que d’arrêter subitement, et ce quels que soient les traitements médicaux et/ou pharmacologiques de support.
Il ne faut pas confondre arrêt progressif du tabac et « réduction des risques ». Ce dernier concept a été développé par les industriels cigarettiers pour faire croire que les nouveaux produits du tabac, ou le fait de fumer peu, pouvaient diminuer les risques liés au tabagisme, ce qui est faux. Au contraire, l’arrêt progressif est une stratégie de sevrage, consistant à réduire la consommation jusqu’à l’étape ultime, à savoir l’arrêt complet du tabac… le seul à même de réduire les risques.
Idéalement, l’arrêt progressif doit être encadré par un professionnel de santé. « Nous proposons à nos patients de réduire de moitié leur consommation à chaque consultation, et ce jusqu’à l’arrêt », explique la Dr Anne-Laurence Le Faou, présidente de la Société française de tabacologie, HEGP, précisant que le suivi se poursuit au-delà, typiquement à 1, 3, 6 mois et un an.
Un vrai bénéfice à l'arrêt progressif
Les données colligées de 230 consultations de tabacologie françaises montrent que cette option est encore peu choisie : 4,4 % des 28 156 fumeurs ayant tenté l’arrêt (1). Pourtant, l’arrêt progressif est bénéfique notamment chez les fumeurs ayant un profil plus sévère : dépendance et/ou ancienneté importante du tabagisme et moindre confiance en eux. Plus encore, l’effet d’usure est très positif, avec un odd ratio de 4,32 pour le sevrage au-delà de sept consultations.
Un succès retrouvé dans le cadre d’une étude internationale randomisée, Reduce to quit (2), comparant varénicline et placebo en double aveugle chez 1 510 patients ne souhaitant pas arrêter immédiatement de fumer mais acceptant de réduire progressivement sur 12 semaines en visant le sevrage, dans le cadre d’un accompagnement médical. L’abstinence, évaluée par déclaration et mesure du CO expiré, est significativement diminuée dans le groupe varénicline à 15, 24 et 52 semaines, avec environ 4 fois moins de fumeurs. « Il est rare en recherche de pouvoir présenter des différences aussi marquées, se réjouit le Pr Ivan Berlin (INSERM et La Pitié, Paris).
La tolérance de varénicline
La varénicline est un agoniste partiel des récepteurs alpha-4 béta-2, qui prédominent dans le cerveau et sont responsables de la dépendance à la nicotine. L’effet secondaire principal, une augmentation des nausées surtout en début de traitement (28 vs. 9 %), est dû à son action cholinergique. Cela peut être géré en diminuant la dose ou en prenant le médicament pendant le repas, sachant par ailleurs que cette sensation d’aversion n’est pas inintéressante dans le cadre du sevrage… ». L’autre effet indésirable, une légère augmentation des rêves dits anormaux (11,5 vs. 7 %), est en rapport avec un effet promnésique, qu’on retrouve (et recherche) avec la nicotine. « La polémique sur d’éventuels effets neuropsychiatriques (désinhibition, agressivité, suicide), enclenchée par un avocat américain pour défendre l’un de ses clients homicide, est quant à elle définitivement réglée, notamment par l’étude Eagle chez 8 000 fumeurs : que les patients aient ou non des antécédents neuropsychiatriques, il n’y a pas d’augmentation de ces risques », rappelle le Pr Berlin, soulignant toutefois qu’il existe bien un surrisque suicidaire : celui lié au tabac, et qu’il est réversible à l’arrêt de la cigarette.
D’après une conférence de presse organisée par Pfizer, le 17 octobre
(1) Baha M et al. Gradual versus abrupt quitting among French treatment-seeking smokers. Prev Med. 2014;63:96-102
(2) Ebbert JO et al. Effect of varenicline on smoking cessation through smoking reduction a randomized clinical trial. JAMA. 2015;313(7):687–694. doi:10.1001/jama.2015.280
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