DE NOTRE CORRESPONDANTE
A Vaulx-en-Velin, les médecins « font du social toute la journée » (afp)« 22 V'LA FADELA ! » Le Dr Roger Bolliet, généraliste à Vaulx-en-Velin, ne peut s'empêcher d'ironiser sur la confusion qui s'est déployée autour du déplacement de Fadela Amara pour présenter le plan Banlieue. Près de trente ans après les premières émeutes de banlieue, la secrétaire d'Etat a choisi la ville symbolique de Vaulx-en-Velin pour présenter le nouveau dispositif promis par Nicolas Sarkozy durant sa campagne électorale.
Mais, pour le Dr Bolliet, également président de MG 69, qui s'est longtemps investi dans la politique de sa commune au sein du conseil municipal, la plaisanterie s'arrête là. Il a pour ainsi dire été lui-même acteur des mutations vécues par cette commune de 42 000 habitants, impulsées dès 1990 lors de la création du ministère de la Ville par François Mitterrand, et prend la question très au sérieux. Vaulx-en-Velin a déjà bénéficié de grands projets urbains : identification en zones sensibles, zones franches et bien d'autres opérations encore. Cependant, et malgré la présence de quelque 2 000 entreprises, l'accès à l'emploi reste problématique, en particulier pour les jeunes issus de l'immigration, et les situations de rupture professionnelle et sociale suscitent l'inquiétude des familles, génèrent de la misère et de la violence. « Ici, nous avons certes besoin d'une politique de la ville plus soutenue, mais aussi d'une politique des hommes et des femmes», déclare Roger Bolliet. Et de préciser : «Si l'on agit uniquement sur ce qui est mis en commun sans toucher aux individus, au sens noble du terme, c'est-à-dire améliorer leurs conditions de vie, de revenus et d'accès aux soins, on continuera d'investir beaucoup d'argent, mais ce sera peine perdue.»
Politique publique prioritaire.
A Vaulx-en-Velin comme ailleurs, les médecins généralistes sont aux premières loges pour apprécier au plus juste les conditions de vie de leurs patients. «Nous faisons du social toute la journée», observe de son côté le Dr Rachida Attmani. Cette généraliste vaudaise précise néanmoins ne pas s'intéresser à la politique et ne rien en attendre : «De toute façon, je ne vote pas, alors que Fadela Amara vienne ou non, cela ne me concerne pas.»
A contrario, Roger Bolliet reste convaincu qu'une politique menée à l'égard des quartiers pourrait être une politique publique prioritaire digne de ce nom. C'est du moins ce qu'il attend personnellement de ce nouveau plan. « Maintenant qu'on a mis les plus pauvres aux mêmes endroits, il faut faire en sorte que ces personnes aient accès à l'emploi, à des revenus conséquents, qu'on leur donne les moyens de se soigner et que l'on règle les problèmes de santé publique majeurs qui les touchent, tels que l'obésité infantile.»
Son confrère Jacques Laroche, qui exerce dans un tout autre quartier, déplore les difficultés qu'éprouvent ses patients à accéder aux soins dentaires et aux consultations spécialisées, «du fait qu'ils ont la couverture médicale universelle (CMU) ». Globalement, il dit aussi manquer de relais face aux situations psychosociales compliquées auxquelles il est régulièrement confronté. «Même si le centre médico-psychologique (CMP) fonctionne très bien à Vaulx, cela ne suffit pas. Dans le cadre de conflits familiaux où les jeunes posent problème, nous n'avons pas de relais.» L'articulation entre la prévention, l'éducation sanitaire et les soins à proprement parler font cruellement défaut. Aussi les généralistes attendent-ils l'amorce d'une nouvelle dynamique. D'autant que, dans une commune telle que Vaulx-en-Velin, les problèmes actuels et à venir de démographie médicale se feront sentir plus qu'ailleurs. «Il faudrait aider les professionnels de santé à se regrouper dans des maisons de santé afin de continuer d'offrir une médecine de qualité», estime Roger Bolliet. Et de conclure : «Nous avons des patients lourds, âgés, souffrant de polypathologies, et, si jamais l'offre de soins se raréfiait, nous irions vers une situation de ghetto.»
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature