Ce gouvernement n'est pas parfait. Le nombre des couacs, dans sa communication, est très élevé : depuis M. Mattei, qui avait annoncé le C à 20 euros avant d'en avoir parlé à la Sécurité sociale, jusqu'à l'annonce par Alain Lambert, ministre du Budget, d'une hausse de 5 % de la prime de l'emploi qui n'existait que dans sa tête, on a le sentiment que les discordances sont au moins aussi nombreuses que du temps de M. Jospin.
De même, lorsque Nicolas Sarkozy annonce un premier bilan « satisfaisant » de l'action des GIR (groupements d'intervention régionaux) dans le domaine de la sécurité, on est amené à penser qu'il va vite en besogne, qu'il crie victoire un peu trop tôt et qu'il court le risque d'affronter des lendemains qui déchantent.
Volontarisme
On ne peut nier pour autant le volontarisme de nos nouveaux dirigeants qui avancent sur tous les fronts : l'éducation, la décentralisation, la sécurité, la justice, la fiscalité. Cela fait beaucoup de réformes simultanées, peut-être amorcées précipitamment, mais cela confirme un désir de changement qui devrait convenir à beaucoup de Français, sinon à tous.
L'action gouvernementale est vivement combattue par l'opposition, et on ne s'en étonnera pas. Nous avons toujours défendu l'idée que ce qui différencie la droite de la gauche dans une société moderne, c'est moins l'idéologie que les choix budgétaires. Ce que fait Jean-Pierre Raffarin n'est pas du tout du goût des socialistes, des communistes et des Verts : qu'on cesse de dire alors que droite et gauche, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Rien n'est moins vrai.
Que veut M. Raffarin ? D'abord réduire la fiscalité, ensuite diminuer les charges de l'Etat. Il agit donc sur cet axe double : du point de vue de l'effet psychologique, la réduction de 5 % de toutes les tranches du barème de l'impôt sur le revenu (IR) était la plus judicieuse. Les socialistes clament que la mesure favorise les hauts revenus. C'est vrai et ce n'est pas vrai. C'est vrai, parce que ceux qui paient beaucoup d'impôts sont avantagés par rapport à ceux qui en paient moins. Mais c'est faux, parce que l'IR est progressif ; de sorte qu'un ménage qui a un revenu de 80 000 euros et paie, par exemple, 15 000 euros par an en paie dix fois plus qu'un foyer dont le revenu n'est que de 20 000 euros, soit seulement quatre fois moins. Il n'y a pas de taux fixe de l'IR, qui suit indépendamment sa propre courbe exponentielle et augmente plus vite que les revenus. En logique arithmétique, sinon sociale, la réduction de l'IR aurait dû suivre la même courbe. En adoptant une réduction unique pour tout le monde, le gouvernement a été raisonnable. Il indique non pas une volonté de favoriser les riches, mais celle de réduire une fiscalité globale qui effraie des cadres ou des chefs d'entreprise susceptibles d'aller chercher sous d'autres cieux une meilleure recette pour leur travail.
L'opposition dénonce aussi, pêle-mêle, l'abandon de la taxe flottante sur les produits pétroliers et diverses hausses sur les services publics, téléphone, postes, transports - auxquelles un autre gouvernement, fût-il de gauche, aurait peut-être procédé. La vérité des prix est pourtant le seul moyen de réduire les charges de l'Etat et des collectivités locales. Il est indéniable qu'on met ainsi dans une poche des Français ce qu'on leur prend de l'autre. Mais si ce n'est pas la réforme fiscale et financière que souhaite la gauche, c'est quand même une réforme. Il ne s'agit pas de dépenser plus et de taxer plus, mais de dépenser moins et de taxer moins.
Et encore ces premières mesures ne constituent-elles que le signe avant-coureur d'un programme infiniment plus vaste.
Où est l'avantage ? Dans une diète pour un Etat si obèse qu'il redistribue la moitié ou presque de la richesse nationale qu'il ponctionne, par le jeu des prélèvements obligatoires. Ce n'est pas affaiblir les services publics que d'en faire payer le prix ; et ce n'est pas en affectant à l'Etat les tâches qui incombent au secteur privé qu'on créera des emplois. De façon significative, M. Raffarin et son ministre des Affaires sociales ont transformé les emplois-jeunes dans la fonction publique en emplois payés par les entreprises et soutenus financièrement par l'Etat, ce qui n'est pas du tout pareil.
Danger social
Le gouvernement peut échouer : si la croissance ne vient pas à son secours, il n'est pas sûr de créer un nombre d'emplois suffisant, et l'opposition aura alors beau jeu de lui dire que des postes de travail, même artificiels, sont préférables à pas d'emplois du tout. La preuve est fournie tous les jours qu'on ne peut pas compter systématiquement sur le dynamisme des entreprises ; et que ce qui les motive, c'est moins l'emploi et le bien-être des salariés que le profit. Mais il existe un risque naturel dans l'exercice du jeu de l'offre et de la demande. Et une cure d'amaigrissement de l'Etat ne signifie pas qu'il lui est interdit d'intervenir, bien au contraire.
L'autre danger, c'est que la réforme, qui doit être négociée, n'entre pas dans les esprits. On ne peut pas dire avec certitude que, lors des élections présidentielle et législatives, les Français ont fait un choix socio-économique qu'ils se représentent clairement. Les syndicats de salariés, notamment dans la fonction publique, ne faciliteront pas la tâche immense et ardue de M. Fillon. C'est la raison du rythme très rapide de l'action de M. Raffarin. Il veut tirer le meilleur parti de sa légitimité à la fois neuve et forte avant qu'elle ne cède sous les coups des manifestations et des grèves.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature