MAIS quelles sont donc les caractéristiques biologiques qui font de l'homme un animal si différent des autres mammifères ? Depuis l'avénement des techniques de décryptage de l'ADN, cette question fondamentale est devenu le sujet de prédilection de nombreux biologistes moléculaires. Ces chercheurs dissèquent les génomes à la recherche des clés génétiques qui séparent l'homme du reste du règne animal.
L'une des techniques les plus puissantes dont ils disposent pour atteindre cet objectif consiste en l'alignement et la comparaison des génomes de différentes espèces. Le génome humain a déjà été comparé à celui de la souris et du rat. Ces travaux ont montré que les différences génétiques entre des espèces mammifères éloignées sont finalement très faibles. Aujourd'hui avec l'achèvement du séquençage du génome de notre plus proche cousin primate non humain, le chimpanzé Pan troglodytes, un nouveau pas vient d'être franchi dans ces recherches.
Duplications segmentaires de l'ADN.
Il est apparu que le génome du chimpanzé et celui de l'homme ne partagent que 96 % d'identité. Les chercheurs s'attendaient à trouver un plus grand recouvrement des deux génomes. Mais c'était sans compter sur la présence tout à fait inattendue de grandes duplications segmentaires de l'ADN qui constituent près de 3 % des différences génétiques séparant les deux espèces.
Au niveau protéique, l'écart entre l'homme et le chimpanzé est encore plus important : les deux primates ne partagent que 29 % de leurs protéines.
Au final, il apparaît donc que l'homme et son plus proche cousin sont génétiquement très proches l'un de l'autre (l'homme est soixante fois plus proche du chimpanzé que de la souris), mais plus éloignés qu'on ne le croyait. La distance génétique séparant les deux espèces est dix fois plus importante que celle séparant deux humains non apparentés.
Les chercheurs ont identifié plus de 50 gènes présents dans le génomes humains, mais absents des chromosomes du chimpanzé. Parmi ces gènes, trois sont impliqués dans les processus inflammatoires. Cette observation pourrait expliquer pourquoi les systèmes immunitaires de l'homme et du chimpanzé fonctionnent différemment. Inversement, certains gènes ont été perdus chez l'homme mais sont toujours présents chez le chimpanzé. C'est notamment le cas du gène codant pour la caspase-12, une enzyme semblant protéger les animaux qui l'expriment de la maladie d'Alzheimer.
Mutations potentiellement délétères.
Il est par ailleurs apparu que le nombre de mutations accumulées dans le génome humain est bien plus important que celui détecté dans le génome des chimpanzés. Ces mutations sont potentiellement délétères, mais les chercheurs ont fait l'hypothèse qu'elles pourraient conférer à l'homme une plus grande faculté d'adaptation a son environnement.
Les chercheurs ont enfin mis en évidence une population de gènes qui ont évolué particulièrement vite chez l'homme et le chimpanzé (en comparaison avec les autres espèces de mammifères). Bon nombre d'entre eux codent pour des protéines impliquées dans des fonctions telles que la perception des sons, de la transmission des signaux nerveux, la production des spermatozoïdes et le transport cellulaire des ions. L'évolution rapide de ces gènes pourrait avoir joué un rôle important dans l'émergence des primates.
Reste encore à identifier les changements de l'ADN spécifiques au génome humain, notamment ceux qui sont associés la station debout, l'accroissement du volume cérébral et aux fonctions complexes liées au langage.
« Nature » du 1er septembre 2005.
Le quatrième génome de mammifère décrypté
Après celui de l'homme, de la souris et du rat, le génome du chimpanzé Pan troglodytes est le quatrième génome de mammifère à avoir été entièrement séquencé. Il s'agit surtout du premier génome de primate non humain à révéler son contenu.
L'ADN utilisé par le consortium international de recherche chargé de décrypter le génome du chimpanzé a été extrait des cellules sanguines d'un chimpanzé mâle nommé Clint. Clint a grandi dans un centre de recherche de la ville d'Atlanta. Il est mort l'année dernière à l'âge de 24 ans. Deux lignées cellulaires ont été établies à partir de ses cellules avant décès. Son ADN lui a donc survécu et il restera la référence en matière de génome de chimpanzé.Ø
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