Médecine de ville
Dans un ONDAM (Objectif national des dépenses d'assurance-maladie) restreint à + 4 % - il était de + 5,3 % cette année -, le nouveau PLFSS se donne pour objectif de ralentir le rythme de croissance des dépenses liées aux soins de ville en 2004 et de réaliser par ce biais une économie de 800 millions d'euros.
Actuellement de 4,5 % par an, la hausse des volumes d'actes devra rester l'an prochain dans les limites de 3,5 %. De la même façon, la croissance des prescriptions (7 % par an, environ) devra ralentir de 1,6 %.
Comment y parvenir ? En mettant l'accent sur la maîtrise médicalisée. S'appuyant sur les récents exemples de la réforme de la visite, du développement des génériques et du bon usage des antibiotiques, le PLFSS 2004 trace de nouveaux axes de développement pour cette maîtrise. A commencer par la promotion des accords de bon usage des soins (AcBUS) : une simplification de mise en uvre est planifiée, qui transfère du ministre de la Santé à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) le pouvoir d'approbation des futurs accords. Egalement considéré comme un « outil de maîtrise », le dossier médical partagé est prudemment mis sur les rails. Le gouvernement, échaudé par le précédent du carnet de santé, prévoit pour l'an prochain des « expérimentations pilotes », financées par le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV). Autre piste : le test de la gestion du risque par des groupes de médecins, l'idée étant de permettre aux URCAM (unions régionales des caisses d'assurance-maladie) d'inciter des cercles de praticiens libéraux à élaborer des formes d'autoévaluation et d'autoencadrement collectifs de leurs pratiques, éventuellement avec un intéressement, et de favoriser ainsi des économies.
On s'y attendait, la maîtrise des dépenses remboursées aux patients atteints d'une affection de longue durée (ALD) est au programme, le contrôle médical étant recentré sur l'admission à exonération de certaines pathologies et de certaines prestations. Dans le même ordre d'idées, les règles d'exonération du ticket modérateur liées aux actes dont la cotation est supérieure à 50 vont être clarifiées et, notamment, ciblées sur les actes les plus coûteux. La gestion des indemnités journalières est, elle aussi, sur la sellette et l'Etat annonce qu'il va fixer dans ce domaine des « objectifs ambitieux » à la CNAM. A côté de la maîtrise des dépenses, le PLFSS insiste sur la nécessaire « coordination des soins » et lui donne un coup de pouce, en dégageant 125 millions d'euros ( « soit, précise le texte, un quasi-triplement de la dotation de 2003 ») pour le développement des réseaux.
Enfin, l'édition 2004 du PLFSS responsabilise les usagers selon des modalités qui concernent les médecins de très près. Elle prévoit en effet « d'exclure du remboursement par l'assurance-maladie les actes effectués en dehors de toute justification médicale » (certificat médical autorisant l'obtention d'une licence sportive, d'un brevet de pilote, du droit de conduire au-delà d'un certain âge, etc.) et annonce des mesures sévères : « Les prestations qui auront été indûment remboursées à ce titre pourront faire l'objet d'un remboursement par l'assuré. »
La politique hospitalière
La plus spectaculaire des décisions du gouvernement concerne l'augmentation du forfait journalier, qui correspond à la participation financière des patients aux frais d'hébergement et d'entretien liés à l'hospitalisation lorsque celle-ci dure plus d'une journée. Son montant, stable depuis 1996, est revalorisé de 10,67 à 13 euros, ce qui constitue « un rattrapage par rapport à l'évolution de la richesse nationale », précise le PLFSS. Les bénéficiaires de la CMU demeurent les seuls à être exonérés de cette charge. Le forfait journalier pour une hospitalisation en hôpital psychiatrique passe de 10,67 à 9 euros.
Le PLFSS 2004 veut, en outre, inciter les établissements à se faire accréditer et dégage dans cette optique une enveloppe de 7,6 millions, alors que, jusqu'à présent, l'accréditation ne donnait droit à aucun supplément de revenus. Cet argent sera versé aux cinquante établissements volontaires pour expérimenter la nouvelle procédure d'accréditation (« le Quotidien » du 23 septembre).
Le projet de loi reprend dans son volet consacré à la modernisation de l'hôpital chacun des cinq grands chantiers lancés dans le cadre du plan Hôpital 2007. La principale annonce concerne la tarification à l'activité. L'échéance fixée pour que les mêmes modalités de financement s'appliquent aux secteurs public et privé - l'objectif de cette réforme - est de dix ans. D'où une mise en uvre progressive. En 2004, une partie seulement des budgets hospitaliers publics (10 %) sera concernée, tandis que sera appliqué un coefficient correcteur pour les établissements privés « afin de tenir compte des différences tarifaires », précise le PLFSS. Les missions d'intérêt général seront financées forfaitairement, tandis que certaines activités, comme les urgences, bénéficieront d'un financement mixte (forfait et financement à l'activité). Le projet de loi confirme que la relance de l'investissement hospitalier, qui a commencé en 2003 avec l'injection d'un milliard d'euros dans les hôpitaux, va se poursuivre jusqu'en 2007.
Autre réforme sur les rails : la simplification de la planification sanitaire. L'ordonnance du 4 septembre 2003 prévoit la suppression de la carte sanitaire, la simplification du régime des autorisations et le renforcement du schéma régional de l'organisation sanitaire (SROS). La même ordonnance crée les nouveaux groupements de coopération sanitaire (GCS), qui, en étant ouverts aux professionnels libéraux et aux établissements médico-sociaux, devraient faciliter les coopérations entre les établissements et le secteur ambulatoire. Le PLFSS 2004 « prévoit d'expérimenter, dans certains GCS, une rémunération identique entre les médecins libéraux et hospitaliers concourant ensemble à une même activité, avec une part forfaitaire et une part liée à l'activité ».
La politique du médicament
Comme les années précédentes, le gouvernement mise largement sur le médicament pour apporter quelques économies, voire quelques crédits, à l'assurance-maladie.
La mesure qui heurtera sans doute le plus l'industrie pharmaceutique concerne la hausse de la taxe sur la promotion, qui rapporte aujourd'hui environ 200 millions d'euros par an à l'assurance-maladie. Le gouvernement veut accroître ce rendement et imposer la promotion pour 150 millions d'euros supplémentaires. Tout bénéfice pour l'Etat, puisque l'on sait que les laboratoires ne peuvent déduire cette taxe de leurs bénéfices imposables.
Le gouvernement envisage aussi de réformer ce dispositif de taxation en mettant en place un système plus progressif de taxation par tranches de dépenses de promotion, afin explique-t-on, de moins pénaliser les petites et moyennes entreprises.
Autre mesure d'économies dont « le Quotidien » s'était fait l'écho : la fin de la liberté des prix pour les médicaments vendus par les entreprises à l'hôpital. Avec, cependant, des exceptions, pour certains médicaments qui n'ont pas d'AMM définitive, les préparations magistrales, les préparations hospitalières et des médicaments bénéficiant d'une autorisation d'importation.
Autre confirmation : la baisse du taux de remboursement des médicaments homéopathiques (qui passe de 65 à 35 %) et qui va apporter si cette disposition est votée par les parlementaires, environ 70 millions d'euros d'économies à l'assurance-maladie.
Le gouvernement veut également développer sa politique en faveur des génériques. C'est dans cet esprit qu'il est favorable à la création d'un groupe générique dès l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament, même avant l'échéance du brevet du princeps. Etant entendu que la commercialisation du générique ne pourrait se faire avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle. Mais cette disposition, dans l'esprit des partisans de cette mesure, permettrait d'accélérer la mise sur le marché du générique dès la fin de ces droits. Aujourd'hui, l'inscription au répertoire des génériques se fait à la commercialisation de la copie. Selon le nouveau texte, elle se fera dès l'obtention de l'AMM. Cette mesure pourrait rapporter quelque 20 millions selon le plan du gouvernement. D'autant que de nombreuses molécules, importantes, vont devenir généricables dans les prochains mois.
Enfin, le gouvernement compte accroître le nombre de groupes génériques concernés par le tarif forfaitaire de remboursement (TFR), qui consiste à fixer un taux unique de remboursement par groupe générique, quel que soit le prix du médicament.
Les autres mesures financières
Pour « stabiliser » le déficit de la Sécurité sociale, le gouvernement va tenter de contenir les dépenses et table essentiellement, du côté des recettes, sur la hausse du produit des taxes sur le tabac, qui doit lui rapporter 800 millions d'euros. Beaucoup moins lucratives : la modification de la taxe sur la publicité des produits de santé (150 millions, voir plus haut) et l'efficacité accrue du recours contre un tiers de l'assurance-maladie en cas d'accident (100 millions) - le gouvernement souhaite notamment déterminer par décret les conditions dans lesquelles les victimes, les établissements et les assureurs doivent informer les caisses de la survenue d'accidents causés par un tiers.
Par ailleurs, le PLFSS 2004 fait, comme prévu, disparaître le FOREC (Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de Sécurité sociale, qui compense les allègements de charges consentis aux entreprises dans le cadre des 35 heures), éponge sa dette, et transfère ses futures charges au budget de l'Etat.
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