PAR LE Pr Jean-pierre SALLES*
LA VITAMINE D ACTIVE, la 1,25 (OH)2 D agit comme ligand pour un facteur de transcription nucléaire, le récepteur de la vitamine D (VDR). Le VDR, de même que d'autres récepteurs nucléaires, régule la transcription de gènes et les fonctions cellulaires. La 1,25 (OH)2 D produite au niveau du rein joue, par sa concentration systémique, un rôle hormonal. Cependant, l'expression du VDR et des enzymes qui régulent la concentration de 1-25 (OH)2 D (la 1-hydroxylase ou CYP 27 B1, qui l'augmente, et la 24-hydroxylase ou CYP 24 A1, qui la diminue) est ubiquitaire. De plus, la 1,25 (OH)2 D régule à peu près 30 % du génome de la souris et de l'homme. Cela suggère que les formes extra-rénales produites dans les tissus par la 1-hydroxylase jouent aussi un rôle local paracrine, ce qui est vrai au niveau de la peau, du muscle, du système immunitaire et du métabolisme du glucose.
Les effets systémiques de la vitamine D sont majeurs sur le métabolisme ostéocalcique. Les souris déficientes en VDR ou en 1-hydroxylase se développent normalement inutero, mais présentent, ensuite, progressivement, des signes de rachitisme, avec un retard de croissance, une hypertrophie des cartilages de croissance et une anomalie de la minéralisation au niveau des points d'ossification, avec une masse osseuse insuffisamment minéralisée. Elles présentent une hypocalcémie, une hypophosphatémie, une hyperparathyroïdie et une diminution de la concentration de FGF 23 (Fibroblast Growth Factor 23), hormone phosphaturiante. À terme, ces souris ont une mortalité accrue.
On peut rapprocher ce phénotype de celui des enfants présentant des mutations inactivatrices du VDR ou de la 1-hydroxylase, qui ont un déficit majeur en 1,25 (OH)2 D. Un apport en calcium élevé avec un rapport calcium/phosphore approprié peut corriger l'homéostasie du calcium et de l'os chez la souris et chez l'homme lors d'anomalies du VDR (résistance à la 1,25 (OH)2 D). La restauration du VDR au niveau de l'intestin montre qu'un récepteur fonctionnel à ce niveau est nécessaire et suffisant pour restaurer cette homéostasie.
Les conséquences d'un déficit.
Il existe des effets plus modérés du simple déficit en vitamine D sur l'os, mieux connus chez l'homme que chez les rongeurs. On note une diminution de l'absorption intestinale du calcium, un hyperparathyroïdisme secondaire, une diminution de la densité minérale osseuse (DMO) et une augmentation du risque de fractures. Plusieurs études transversales ont montré une hyperparathyroïdie modérée chez les sujets présentant un apport insuffisant en vitamine D. Des études d'intervention montrent que les taux de PTH diminuent lors de supplémentation en vitamine D, lorsque le taux de 25 OH D initial est inférieur à 20 ng/ml. Des valeurs de densité minérale osseuse diminuées sont associées à ces valeurs basses de 25 OH D dans plusieurs études transversales, avec un seuil de 25 OH D de 12 à 30 ng/ml.
Une large étude menée chez plus de 13 000 individus, étude NHANES 3, conclut à des valeurs accrues de DMO chez les sujets ayant les valeurs les plus élevées de 25 OH D. L'incidence des fractures est aussi accrue chez les patients présentant des valeurs basses inférieures à 20 ng/ml. Le bénéfice d'un apport en vitamine D sur l'incidence des fractures a pu être précisé dans des études randomisées. Globalement, une supplémentation en vitamine D de l'ordre de 700 UI avec un apport en calcium supérieur à 1 g par jour réduit le risque de fracture du col fémoral de 20 % dans les populations de sujets âgés, alors que la supplémentation en calcium seule est inefficace. L'effet systémique optimal de la vitamine D est lié à une disponibilité suffisante de la 25 OH D pour produire la 1,25 (OH)2 D. Un consensus paraît être de maintenir un taux de 25 OH D supérieur à 25 ng/ml.
En revanche, il n'existe pas de consensus pour l'enfant chez qui l'effet de la vitamine D durant la croissance et l'acquisition du pic de masse osseuse est majeur. L'existence fréquente d'un déficit en 25 OH D, en particulier dans la période pubertaire, est établi dans la plupart des populations, en particulier française. Ce déficit est aussi présent dans certaines populations exposées, en particulier les enfants qui présentent un degré de malabsorption, comme cela est le cas lors de la mucoviscidose où des recommandations ont été définies récemment. On s'accorde de plus en plus à conseiller un taux cible de 25 OH D de l'ordre de 30 ng/ml, qui paraît nécessaire pour éviter la stimulation parathyroïdienne.
En parallèle, la question se pose de savoir si les effets de la vitamine D observés dans les cas de déficit sévère chez l'homme et chez la souris sur le système immunitaire, cardio-vasculaire, le muscle et la prolifération cellulaire se retrouvent chez l'homme dans le cas de déficits moins sévères. Les études épidémiologiques suggèrent qu'un statut faible en vitamine D augmente le risque de certaines affections. Le rôle positif de la vitamine D vis-à-vis du cancer du côlon a été évoqué. Des essais contrôlés sont encore nécessaires pour définir le statut optimal de vitamine D en termes de santé globale. On peut supposer que les recommandations qui sont établies vis-à-vis du métabolisme calcique et osseux quant à la disponibilité de la 25 OH D et à sa concentration plasmatique peuvent s'appliquer aux autres fonctions.
Les bienfaits de l'activité physique.
On a récemment remis en avant l'importance de l'activité physique pour promouvoir la qualité de l'os chez l'enfant. On insiste dans ce contexte sur l'acquisition d'une masse osseuse optimale pour prévenir l'ostéoporose ultérieure. En 2008, les résultats de plusieurs essais contrôlés dans des populations pédiatriques utilisant l'activité physique comme facteur d'intervention suggèrent que celle-ci est essentielle pour la prévention d'ostéoporose chez l'adulte. Des avancées aux moyens de nouvelles techniques dans l'analyse de l'os, notamment par pQCT, suggèrent que des études fondées exclusivement sur l'analyse par densitométrie ont sous-estimé l'impact de l'activité physique pour le développement du pic de masse osseuse chez l'enfant.
Un niveau de preuve élevé suggère que les enfants faisant davantage d'activité physique améliorent leur masse osseuse comparativement à des sujets témoins. Une étude réalisée en Colombie-britannique, avec un exercice relativement modéré de 10 à 12 minutes, trois fois par semaine, chez des enfants en âge scolaire, démontre un gain de 5 % de la création osseuse après 20 mois d'intervention. L'expansion endocorticale est améliorée chez les filles, de même que la position périostée chez les garçons. L'exercice produit un effet supplémentaire chez les enfants qui ont une supplémentation en calcium.
Pour conclure, un article publié en 2007 dans la prestigieuse revue « Cell » par l'équipe de G. Karsenty démontre l'existence tout à fait originale d'une relation entre l'activité osseuse et la sensibilité à l'insuline. Une molécule connue du métabolisme osseux, l'ostéocalcine, améliore la sensibilité à l'insuline et diminue l'obésité chez la souris. L'exercice et la lutte contre la sédentarité sont donc favorables dans plusieurs domaines en stimulant le métabolisme osseux, les mécanismes moléculaires en témoignent également. Cette étude positionne, en outre, ce tissu, déjà identifié pour sécréter le FGF 23 cité plus haut, hormone qui contrôle la phosphatémie comme un véritable tissu endocrine.
* Endocrinologie et maladies osseuses, hôpital des Enfants, CHU de Toulouse.
salles.jp@chu-toulouse.fr.
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