LA PRINCIPALE indication de la castration chez l'homme reste le traitement des cancers hormonodépendants de la prostate. Les techniques limitant l'influence hormonale sur la prolifération cellulaire tumorale pourraient être utilisées pour faire baisser le taux des androgènes circulants chez les pédophiles. Il semblerait en effet que les pulsions sont en rapport avec le taux d'hormones circulantes et que la castration conduit à une baisse de la libido et des capacités d'érection.
La castration chirurgicale peut être réalisée par exérèse des deux testicules (orchidectomie bilatérale pouvant conduire à la mise en place de prothèses) ou par exérèse de la pulpe testiculaire, laissant en place l'albuginée (pulpectomie dotée d'un meilleur effet esthétique). Ce geste chirurgical supprime de façon définitive et immédiate la production testiculaire de testostérone, qui représente 95 % environ de la sécrétion totale (le reste étant assuré par les glandes surrénaliennes). En 3 à 12 heures après l'intervention, le taux sanguin de testostérone passe de 500 ng/dl à 20 ng/dl. Mais il faut noter que chez l'homme castré chirurgicalement, le taux d'androgènes prostatiques n'est abaissé que de 60 % en raison de la conversion locale de l'androstène dione en testostérone par la 17 bêta-hydroxystéroïde déshydrogénase (conversion active tissulaire des précurseurs surrénaliens en androgènes). Chez ces sujets, il est aussi possible de prescrire des traitements dont le but est de supprimer ou de diminuer la production de précurseurs stéroïdes sexuels (Dhea, androstène dione) d'origine surrénalienne (glucocorticoïdes, kétokonazole), mais ces options thérapeutiques sont très rarement utilisées en raison de leurs effets indésirables.
En ce qui concerne la castration chimique, on distingue actuellement deux méthodes. La suppression de la production d'androgènes d'origine testiculaire peut être réalisée par un traitement agoniste de la LH-RH. Une étude réalisée en 2001 sur 11 patients pédophiles confirme l'efficacité de cette classe thérapeutique sur les pulsions déviantes et sur les fantasmes, les érections et la masturbation (1). Il est aussi possible de limiter la production de testostérone en bloquant l'axe hypothalamo-hypophysaire par rétrocontrôle négatif, avec soit des estrogènes (très peu prescrits en raison de leurs effets cardio-vasculaires indésirables), soit de l'acétate de cyprotérone, qui, outre ses propriétés anti-gonadotropiques, possède des effets anti-androgéniques périphériques par inhibition compétitive de la liaison de la dihydrotestostérone à son récepteur cytosolique. Une étude publiée en 1992 et menée chez 7 pédophiles confirme que ces traitements peuvent se révéler utiles à court terme mais qu'ils doivent être associés à un travail psychologique (2). En outre, un essai publié en 1993 précise que les réponses chez les pédophiles sont variables selon le taux de testostérone circulant (3). Par ailleurs, l'effet du traitement n'est pas prolongé dans le temps, puisque, moins de trois semaines après l'arrêt de la prescription, le taux de testostérone revient à la normale (4).
Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont aussi utilisées chez les délinquants sexuels. Un travail publié en 2002 et portant sur 7 275 d'entre eux confirme l'efficacité partielle de ces traitements menés pendant au moins cinq ans. Chez les 62 % de sujets évaluables vingt-cinq ans après la mise en place du programme de TCC, le taux d'échec était environ de 18 % (5). Enfin, une étude récente semble indiquer que l'association d'un traitement agoniste de la LH-RH avec une TCC permet de majorer la réponse en terme de suppression des pulsions et des fantasmes (6).
(1 ) J Sex Marital Ther. 2001 Jan-Feb;27(1):45-55.
(2 ) Can J Psychiatry. 1992 Dec;37(10):687-93.
(3 ) Arch Sex Behav. 1993 Dec;22(6):629-41.
(4 ) J Sex Marital Ther. 1992 Winter;18(4):292-302.
(5 ) Behav Modif. 2002 Apr;26(2):123-47.
(6 ) Arch Sex Behav. 2005 Dec;34(6):691-705.
Une proposition de loi sur la castration chimique
Bernard Debré annonce le dépôt d'une proposition de loi sur la castration chimique. «Un criminel sexuel, après avoir été examiné par un collège de médecins qui nous dira qu'il est potentiellement récidiviste, doit être soigné» par un traitement anti-hormonal, explique le député UMP de Paris qui veut rendre obligatoire la démarche dès l'entrée en prison, «et bien entendu à la sortie». «Ça existe déjà, commente le Dr Roland Coutanceau, mais le législateur veut toujours tenir la main du prescripteur.»
La loi du 12 décembre 2005 sur la prévention de la récidive prévoit qu'un médecin peut prescrire à un condamné pour crime sexuel qui le souhaite un médicament visant à «limiter sa libido, même si le produit n'a pas d'AMM». Elle indique que l'intéressé obtiendra une réduction de peine «s'il bénéficie d'une thérapie destinée à prévenir la récidive» (art.727-10 du code de procédure pénale).
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