L'objectif du CRO
Le CRO est un document essentiellement technique ne concernant que l'acte opératoire. Il ne doit pas être confondu avec le compte rendu d'hospitalisation (CRH) dans lequel le médecin peut trouver l'histoire médicale de son patient, les données cliniques et paracliniques, l'indication et les suites de l'opération, et éventuellement un résumé (le titre du CRO, comme on va le voir) de cette opération. Son but n'est pas de décrire dans le détail une technique opératoire, ni de faire revivre au lecteur l'état d'âme de l'opérateur, même si les chirurgiens ont parfois une tendance narcissique. Il s'agit avant tout de décrire ce qui a été constaté et ce qui a été fait. Mais le CRO doit aussi être rédigé, et relu, avec un esprit critique, en sachant qu'il fait partie intégrante du dossier médical et que le patient ou ses ayants droit pourront en avoir copie (2). Il engage donc lourdement la responsabilité du chirurgien.
Le fond du CRO
Un CRO comporte trois parties bien distinctes.
1. Le titre. Véritable résumé du CRO, il donne l'essentiel de l'information : date, nom de l'opérateur et de l'anesthésiste responsables (en cas de plusieurs opérateurs, le responsable est le premier cité), énoncé des lésions constatées, énumération des gestes réalisés. Ce titre-résumé doit pouvoir satisfaire en quelques secondes le praticien pressé.
2. L'exploration. Outre le mode d'anesthésie et la voie d'abord, l'opérateur décrit là tout ce qu'il a constaté d'anormal et ce qu'il juge important de préciser comme normal. Les régions ou organes non cités doivent être considérés comme non explorés.
3. Les gestes réalisés. Dans ce qui a été fait, ce n'est pas tant la technique elle-même qui compte que ce qui a été enlevé, ajouté (prothèse) et modifié, bref, l'anatomie laissée en place et que peut être amené à observer un nouvel investigateur ou opérateur. Essentiellement descriptif comme le précédent, ce paragraphe peut et doit comporter des explications ou même des justifications quand l'indication opératoire initialement prévue a dû être modifiée et en cas d'incidents ou d'accidents.
Le CRO doit, bien sûr, informer aussi du mode de fermeture, des éventuels drainages et appareillages, des prothèses laissées en place, des prélèvements bactériologiques ou histologiques effectués. Mais il n'a pas à se substituer à d'autres documents plus adaptés et plus fiables auxquels le médecin peut et doit accéder pour obtenir d'autres informations concernant l'opération et l'hospitalisation de son patient, comme le CRH, normalement envoyé au médecin correspondant, le dossier transfusionnel et la feuille d'anesthésie, où sont mentionnés tous les produits reçus par le patient au cours de l'opération.
La forme du CRO
On peut le regretter d'un point de vue littéraire, mais un CRO ne doit comporter aucun effet de style. Il doit pouvoir être lu et compris facilement, même à voix haute. Les phrases doivent être courtes, éventuellement sans verbe ( «Voie d'abord iliaque droite...») et en utilisant le plus souvent possible des énumérations. Tout ce qui est imprécis ou ambigu est proscrit : les synonymes (un seul mot doit être répété pour la même chose), les noms propres, les abréviations, en dehors de celles universellement connues comme cm et cm3. Pour exprimer des dimensions, ces cm et cm3 sont préférables aux comparaisons potagères ( «petit pois», «cerise»…) ou animalières ( «oeuf de pigeon»…). Les verbes doivent tous être conjugués au présent. Avec une phrase comme «on fermera la paroi par…», faut-il comprendre que la fermeture va être différée ?
Les expressions et termes subjectifs tels que «( malheureusement», «laborieusement», «on déplore» ou «on se félicite que…» peuvent susciter la compassion (ou le sourire…) du lecteur mais, ne sont pas de mise dans un compte rendu technique.
Enfin, l'indispensable emploi de termes techniques ne devrait pas faire oublier au rédacteur que des lecteurs non chirurgiens n'y sont pas toujours familiers, d'où la nécessité de veiller à limiter au minimum tout jargon ésotérique.
Un document précieux
Un CRO ainsi rédigé avec clarté, précision, concision et objectivité est un document précieux:
1)Pour le patient. Ce document sera utile à vie pour toute personne en charge de sa santé ou de ses intérêts.
2)Pour le chirurgien. Le CRO représente l'essentiel de ses archives professionnelles, indispensable à son activité de soin et à l'évaluation de cette activité. En cas de contentieux, ce peut être pour lui aussi une protection attestant qu'il a opéré comme il a écrit, «dans les règles de l'art».
3)Pour le praticien. C'est une référence maîtresse dans le dossier de son patient, qu'il peut ainsi transmettre à tout nouveau chirurgien ,notamment en urgence. S'il est bien rédigé, le titre, rappelons-le, suffit le plus souvent à l'information du praticien. Lorsque le patient demande communication de son CRO, une lecture plus complète s'impose, en revanche, de façon, pour le praticien, à évaluer l'impact psychologique qu'il peut avoir sur son patient et de lui en expliquer l'essentiel. Encore faut-il que ce CRO ait été rédigé avec suffisamment de tact et de clarté. Enfin, à travers le CRO, c'est toujours une image du chirurgien que perçoit le praticien. Dans le désordre, l'excès de brièveté ou de longueur, il imagine facilement un opérateur brouillon, expéditif ou obsessionnel. A l'inverse, quand le CRO respecte des règles énoncées ci-dessus, c'est une auréole d'ordre et de rigueur que le praticien prête volontiers à la pratique de son confrère chirurgien.
En définitive, il en est de tout CRO comme de toute opération chirurgicale : chaque fois, une oeuvre à parfaire et jamais un chef-d'oeuvre parfait. Au chirurgien de ne pas oublier la réflexion que son confrère médecin peut lui faire : «Ecris-moi ton opération et je te dirais quel chirurgien tu es…»
Références
(1) X. Pouliquen. La rédaction du compte rendu opératoire. Une technique comme une autre. « J Chir », 2007 ; 144 : 460-462.
(2) Code de la santé publique, articles L1110-4 et L1111-7. Insérés par loi nº 2002-303 du 4 mars 2002, art. 3 et 11, « Journal officiel » du 5 mars 2002.
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