PLUSIEURS TYPES de masque de protection existent : le masque de type chirurgical porté par une personne malade, afin de limiter la contamination de son environnement et de son entourage proche, et le masque de protection respiratoire (de type FFP2 ou, à défaut, FFP1) porté par le personnel soignant en charge d'une personne malade, afin de le protéger d'une contamination (1). La France a prévu de constituer, avant la fin du printemps 2006, un stock de 200 millions de masques de type FFP2 (durée de vie de huit heures), afin de compléter l'arsenal de lutte contre une éventuelle pandémie de grippe. Nous n'aborderons pas dans cet article les questions relatives à leur distribution ou à leur remboursement. Ni celle relative à la taille du stock et, donc, à la durée de protection autorisée par ce stock. Nous nous restreindrons à deux questions : qu'en est-il de l'efficacité du port de ces masques chez les personnels de santé ? Et dans les lieux publics ?
Un rôle protecteur qui reste à démontrer dans les lieux publics.
Le Dr J. Capps, un médecin militaire nord-américain qui avait conduit des expériences rapportées dans le numéro du « Jama » du 10 août 1918 sur l'efficacité du port d'un masque de protection contre la grippe, avait proposé son utilisation en routine pour lutter contre la pandémie de grippe espagnole. Il avait été suivi à l'époque aux Etats-Unis, alors que l'on ignorait même l'origine virale de la pandémie (on invoquait à tort le rôle du bacille influenza, aujourd'hui encore nommé Haemophilus influenza). Si de nombreux progrès ont été faits depuis sur la connaissance de l'efficacité des mesures de contrôle et de prévention contre un agent à transmission par aérosol, un rapport de l'OMS publié en 2004 indiquait que l'efficacité du port d'un masque dans les lieux publics restait à démontrer dans le cas du sras (2). En effet, nous ne disposons que de deux études à ce sujet, l'une provenant d'une équipe de Hong Kong qui, à partir de 1 192 patients atteints de sras, avait observé que le « port fréquent de masque de protection dans les lieux publics » (sans précision du type de masques ni de la fréquence), le « lavage des mains plus de dix fois par jour » et la « désinfection des lieux publics » étaient des facteurs protecteurs vis-à-vis du sras, avec un odds ratio de 0,4 à 0,6, soit en moyenne deux fois moins de risque de contracter l'infection lorsque les trois mesures étaient appliquées simultanément. La seconde étude, réalisée à Pékin, avait aussi retrouvé le rôle protecteur du port fréquent de masque (sans précision) dans les lieux publics (3).
Un important rôle protecteur vis-à-vis des professionnels de santé.
En milieu hospitalier, où la transmission par aérosol du sras a été davantage documentée que dans les lieux publics, l'efficacité du port d'un masque de protection par le personnel a été mieux établie. Une étude réalisée au cœur de l'épidémie, entre le 15 et le 24 mars 2003, auprès de 13 personnels infectés par le coronavirus du sras et 241 témoins non infectés travaillant dans cinq hôpitaux de Hong Kong (4) a mis en évidence un important rôle protecteur contre l'infection des masques chirurgicaux et FFP2. Seulement deux cas infectés (15 %) avaient porté un masque, aucun n'était normalisé, versus 169 (70 %) témoins non infectés, dont 143 étaient de type FFP1 ou FFP2 (odds ratio = 0,08 ; p = 0,0001). Une étude similaire menée entre le 1er et le 22 mars 2003 à Singapour (5) auprès de 36 cas (infectés) et 50 témoins indemnes de sras, tous étant des personnels de santé, a retrouvé des résultats très similaires vis-à-vis des masques de type FFP2 (odds ratio protecteur = 0,10, p = 0,001). Soit dix fois moins de risque de contracter le sras lorsque l'on porte un masque de type FFP2 à l'hôpital. Ces études de Hong Kong et de Singapour ont également retrouvé un rôle protecteur du lavage des mains (respectivement, odds ratio = 0,2, p < 0,05, et odds ratio = 0,06, p < 0,05), sans confirmer l'intérêt du port de gants ou de survêtement.
Port des masques : prévention reconnue pour les personnels de santé et précaution pour le grand public, en attendant de nouvelles études.
Au total, il est très probable, par analogie avec l'expérience acquise avec l'épidémie récente du sras, qu'en cas de pandémie grippale les masques de type FFP1 et FFP2 aient un fort rôle protecteur pour les personnels de santé exposés dans le cadre de leur exercice professionnel. Le port d'un masque par jour (c'est-à-dire pour huit heures) pourrait diviser par plus de dix le risque de contracter le virus pandémique, pourvu qu'il soit correctement utilisé pendant toute la période de circulation virale. L'intérêt de ces masques dans les lieux publics, mais aussi dans les foyers et les communautés fermés, reste encore à démontrer. Rappelons que l'agent responsable du sras n'était pas hautement contagieux dans les lieux publics ; de plus, les malades étaient sans doute plus rapidement repérés et, donc, isolés (à l'hôpital) que ne le seraient des personnes infectées par une souche grippale pandémique (dont un grand nombre resteront sans doute pauci- ou asymptomatiques). Ainsi, l'expérience moins concluante du sras concernant le rôle protecteur des masques dans les lieux publics est peut-être à relativiser pour la grippe. Par précaution, en l'absence de données nouvelles, il y aura tout lieu d'inciter le public à porter de tels masques, si les stocks le permettent. En attendant, cependant, il serait opportun de conduire des investigations complémentaires sur ce sujet, par exemple, lors des prochaines épidémies de grippe classique. On peut aussi méditer l'exemple de ces équipes universitaires de Hong Kong, de Pékin et de Singapour qui, au cœur de l'épidémie du sras en 2003, ont réussi à conduire, dans l'urgence, des études qui apparaissent fort utiles désormais dans la problématique de la grippe aviaire et plus généralement des maladies infectieuses à transmission par aérosols.
Références
(1) Norme européenne EN149 : 2001.
(2) D Bell et coll. Public Health Interventions and SARS spread, 2003. « Emerg Infect Dis », 2004, 10 : 1900-1906.
(3) J Wu, et coll. Risk Factors for SARS Among Persons Without Known Contact with SARS Patients, Beijing, China. « Emerg Infect Dis », 2004, 10 : 210-216.
(4) WH Seto et coll. Effectiveness of Precautions Agains Droplets and Contact in Prevention of Nosocomial Transmission of Severe Acute Respiratory Syndrome (SARS). « Lancet », 2003,361 : 1519-1520.
(5) MD Teleman et coll. Factors Associated with Transmission of Severe Acute Respiratory Syndrome Among Health-care Workers in Singapore. « Epidemiol Infect », 2004, 132 : 797-803.
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