Par les Prs et Drs Nicolas FAKHRY, Michel ZANARET et Olivier MUNDLER*
La TEP au FDG reflète l'activité métabolique d'une lésion : le FDG injecté va être capté par les cellules consommant du glucose, notamment les cellules cancéreuses dont le métabolisme glucidique anaérobie est prédominant.
Celles-ci vont apparaître sous la forme de foyers d'hyperfixation sur les images scintigraphiques. Ces images pourront ensuite être fusionnées avec des images scannographiques (TEP/TDM).
Le FDG n'est pas spécifique des cellules tumorales, ce qui signifie que toute cellule consommant du glucose pourra le fixer. Il peut s'agir d'une contracture musculaire, d'une activation des muscles phonatoires et de la déglutition, d'une trachéotomie, d'un cathéter ou de toute réaction inflammatoire (lésion radique, cicatrisation, foyer infectieux) avec pour conséquence un risque important de faux positifs (1). Il existe de plus une importante fixation physiologique (amygdales, glandes salivaires, cordes vocales…) du FDG, pouvant gêner l'interprétation de l'examen en créant de nombreux artéfacts.
Le nombre de résultats faussement négatifs est en revanche faible. Les risques de faux négatifs sont le fait de la quantité importante de tissu nécrotique entourant le tissu viable, la petite taille tumorale et l'hypermétabolisme physiologique de la sphère ORL. La principale limite est finalement le degré de résolution spatiale de la caméra TEP qui rend la détection des tumeurs de moins de 6 mm aléatoire (2, 3).
Stadification initiale.
L'intérêt de la TEP dans le bilan d'une tumeur primitive reste limité. En effet, la panendoscopie permet de visualiser la majorité des tumeurs. La TDM et éventuellement l'IRM restent donc indispensables dans le bilan préthérapeutique, notamment afin d'évaluer l'infiltration en profondeur d'une tumeur (3). La TEP peut cependant être parfois utile en permettant de dépister une seconde localisation infraclinique, en particulier au niveau de la cavité buccale.
Au niveau ganglionnaire, la principale difficulté est la prise en charge des cous N0 cliniques et scannographiques. En effet, on retrouve des micrométastases chez environ un tiers des patients initialement classés N0 et opérés d'un évidement ganglionnaire (4). La TEP, bien que présentant de meilleurs performances que l'imagerie conventionnelle, est limitée par son degré de résolution et ne peut donc pas permettre de détecter des micrométastases (5). Elle reste de toute façon moins performante que le ganglion sentinelle (6). La TEP, lorsqu'elle est négative, ne peut donc pas permettre d'éviter la réalisation d'un traitement systématique des aires ganglionnaires.
Pour la recherche de métastases, la TEP semble être intéressante, en permettant la réalisation d'un examen du corps entier en une seule fois (7, 8). Sa principale limite est le taux important de faux positifs, notamment chez des patients éthylo-tabagiques (foyers infectieux pulmonaires, cirrhose). Devant une adénopathie cervicale prévalente, la TEP permet de diagnostiquer la tumeur primitive dans environ un quart des cas où le bilan standard aura échoué (3, 9). Il existe cependant des cas de faux négatifs. Une TEP négative ne doit donc pas empêcher la réalisation d'une panendoscopie des VADS avec réalisation de biopsies systématiques.
Surveillance post-thérapeutique.
La TEP est un outil fiable pour la surveillance post-thérapeutique. Il est actuellement admis qu'un intervalle de 3 mois entre la fin du traitement et la réalisation de la TEP est le délai optimal afin d'éviter un trop grand nombre de faux positifs (consécutifs à la cicatrisation des lésions radiques) et de faux négatifs liés au caractère microscopique de certaines lésions subsistantes (10).
Au niveau de la tumeur primitive, du fait du très faible nombre de résultats faussement négatifs, on peut considérer que, lorsque la TEP est négative, la tumeur a d'importantes chances d'être contrôlée localement. Dans ce cas, il n'est probablement pas nécessaire de poursuivre les investigations, notamment la réalisation de biopsies systématiques promotrices de radionécrose (2, 10, 11). Il peut aussi être intéressant de comparer les TEP réalisées en pré- et en post-thérapeutique afin d'évaluer la réponse thérapeutique.
En ce qui concerne les adénopathies cervicales résiduelles, il se pose souvent un problème de différenciation diagnostique entre poursuite évolutive et réaction inflammatoire, pouvant conduire à une chirurgie ganglionnaire par excès. En effet, près de 50 % des ganglions réséqués après un traitement par radiochimiothérapie ne présentent pas de cellules tumorales viables. L'intérêt de la TEP serait donc de permettre d'éviter une chirurgie en cas de négativité. Cependant, les données de la littérature sont extrêmement variables à ce sujet : favorable à la TEP pour certains auteurs (12), défavorable pour d'autres (13). La trop grande hétérogénéité des résultats ne permet donc pas actuellement de trancher sur un éventuel intérêt de la TEP à ce niveau, d'autant qu'elle est, là aussi, limitée par son degré de résolution.
Bilan devant une suspicion de récidive.
Il est parfois difficile de dépister une récidive, surtout chez des patients ayant été traités par radiothérapie ou chirurgie avec utilisation de lambeaux, qui entraînent d'importantes modifications sur le plan anatomique (14, 15). La TEP présente une bonne valeur prédictive positive dans cette indication et peut permettre d'orienter les biopsies grâce à la fusion d'images. De plus, de par sa forte valeur prédictive négative, elle peut permettre en cas de négativité d'éviter la réalisation de biopsies, pourvoyeuses de radionécrose (16).
* Service d'ORL et de chirurgie cervico-faciale, service de médecine nucléaire, CHU La Timone, Marseille.
(1) Stokkel MP et coll. Eur J Nucl Med 1999 ; 26(7) : 767-73.
(2) Bourguet P et coll. Bull Cancer 2003 ; 90 Spec No : S67-79.
(3) Fakhry N et coll. Bull Cancer. 2006 ; 93(10) : 1017-25.
(4) Brouwer J et coll. Eur Arch Otorhinolaryngol 2004 ; 261 : 479-483.
(5) Ng SH et al . J Nucl Med 2005 ; 46 : 1136-43.
(6) Civantos FJ et coll. Head Neck 2003 ; 25 : 1-9.
(7) Basu D et coll. Arch Otolaryngol head Neck Surg 2007 ; 133 : 801-5.
(8) Kim SY et coll. Ann Oncol 2007 ; 18 : 1698-703.
(9) Rusthoven KE et coll. Cancer 2004 ; 101(11) :2641-9.
(10) Lonneux M et coll. Laryngoscope 2000 ; 110(9) :1493-7. (11) Ryan WR et coll. Laryngoscope 2005 ; 115(4) : 645-650.
(12) Nayak JV et coll. Laryngoscope 2007. En cours d'impression.
(13) Tan A et coll. Arch Otolaryngol head Neck Surg 2007 ; 133 : 435-40.
(14) Oliver C et coll. Head Neck 2007 ; en cours d'impression.
(15) Wong RJ et coll. J Clin Oncol 2002 ; 20 : 4199-4208.
(16) Fakhry N et coll. Eur Arch Otorhinolaryngol 2007 ; 264 : 531-8.
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