BERNARD KOUCHNER a toujours été atypique, et le découvrir aujourd'hui, c'est manquer de jugement. Quand, pour toute réponse à sa nomination au ministère des Affaires étrangères, François Hollande déclare que le nouveau ministre «n'est plus au Parti socialiste», on ne manque pas de remarquer que c'est un peu court pour faire face au tsunami déclenché par la méthode Sarkozy.
Ne nous y trompons pas : face au modernisme d'une équipe dont le chef, François Fillon, affirme qu'il ne demande à personne de changer de convictions mais qu'il y a assez d'hommes et de femmes de bonne volonté, même s'ils viennent d'horizons différents, pour redresser la France, il nous semble que le ton de la raison, du consensus possible, du rapprochement entre concitoyens est donné par la droite, pas par la gauche.
POURQUOI LE PEUPLE NE DONNERAIT-IL PAS UNE MAJORITE A UN GOUVERNEMENT CONSENSUEL?
Absurde ritournelle.
On comprend toutefois que la gauche aujourd'hui n'en mène pas large et qu'elle continue à se battre avec assez de pugnacité pour ne pas donner l'impression qu'elle coule. Mais la sévérité, l'aigreur, l'absurde ritournelle que l'on chante comme il y a six mois, alors que les coups de théâtre politiques se produisent tous les jours, n'encouragent pas les Français de gauche à croire qu'ils prendront leur revanche aux législatives. Non seulement M. Hollande, si expéditif dans son jugement (Kouchner n'est plus au PS, Jean-Pierre Jouyet n'a jamais été de gauche, Eric Besson est un traître, Martin Hirsch a été récupéré), ne propose rien, mais il n'a même pas adapté son langage. Quand on se souvient que Nicolas Sarkozy a été présenté par la gauche, pendant toute la campagne de la présidentielle, comme un homme dangereux, comme un fou, comme un excité incontrôlable, alors qu'en quelques jours il réunit le gouvernement le plus original de la Ve République et à une telle vitesse qu'on n'a même pas le temps de saluer l'exploit, on se demande si l'opposition peut rester aujourd'hui sur son analyse d'il y a six mois.
La question française, en effet, n'a jamais porté sur les appartenances des uns et des autres ; la question n'est pas de savoir si on est de gauche ou de droite ; la question n'est pas de dépasser le voisin en authenticité socialiste : cette attitude est sectaire, elle est archaïque, elle porte en elle tout le mal du pays. La question porte sur les compétences à utiliser, sur les moyens qu'il faut se donner, et sur les chemins les plus courts pour parvenir à des résultats quantifiables. Si Ségolène Royal a échoué dans sa tentative, malgré un certain nombre d'atouts, c'est principalement parce qu'elle n'a pas su prononcer ce discours et surtout parce que le PS n'a pas adopté cette idée.
Quant à François Bayrou, il nous paraît bien silencieux, après le triomphalisme des quelque 52 000 adhésions spontanées à son mouvement. Que dit-il à Hervé Morin ? Qui réussit à «faire travailler ensemble des gens de gauche et de droite» ? A quoi sert-il désormais si son propre programme est appliqué par François Fillon ? Croit-il que, dans ces conditions, il va faire élire beaucoup de députés ?
La diabolisation de Sarkozy se retourne contre ses opposants ; les idées qu'ils ont émises sont adoptées par leur ennemi ; l'homme pour qui M. Bayrou n'a pas voté n'a pas besoin de M. Bayrou ; le sombre «néoconservateur américain doté d'un passeport français» agit de telle manière que la fierté d'être français se lit sur bien plus de visages qu'on en compte à droite. Un formidable courant d'air a déjà chassé de la maison France les idées reçues, les modes de pensée cinquantenaires, les petits conforts personnels, les complaisances idéologiques. Et ce n'est qu'un début.
La minorité risque de rétrécir.
En effet, que peut-il se passer aux législatives ? Les électeurs ne seront pas dupes qui auront noté que l'ouverture à gauche et au centre est réelle et se demanderont alors pourquoi ils devraient ne pas donner une majorité à ce gouvernement et pourquoi ils devraient contraindre M. Sarkozy à la cohabitation. Un sondage Ipsos accorde 40 % des voix à la majorité présidentielle contre 28 % au PS et 8 % au Modem. Ces chiffres indiquent que le PS aura fort à faire pour que la minorité parlementaire de gauche ne rétrécisse pas.
C'est alors que la gauche répétera une fois encore que l'UMP concentre tous les pouvoirs, exécutif et législatif. Mais à qui la faute ? N'y a-t-il pas, pour la gauche, une campagne électorale plus intéressante à faire sur les dossiers plutôt que sur le «danger que présente Sarkozy»?Ne doit-elle pas proposer un programme adapté à la réalité contemporaine au lieu de laisser croire, comme M. Hollande n'a cessé de le faire, qu'il suffit d'augmenter les impôts pour résoudre les problèmes sociaux ? Il nous semble qu'en dépit de la sévérité de ses commentaires, la gauche est pétrifiée : elle voit venir la tornade et, au lieu de s'abriter, elle attend d'être emportée.
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