Demain, le Dr Jean-Pierre Singer, 68 ans, reprendra son stéthoscope et son tensiomètre pour remplacer pendant trois jours un confrère généraliste installé non loin de chez lui, à Longuenesse, une ville d'environ 15 000 habitants près de Saint-Omer (Pas-de-Calais). Depuis son départ à la retraite en 1999, le Dr Singer « s'est investi dans la vie associative et occupe des fonctions de plus en plus importantes au niveau du Rotary international ». Mais son travail « lui a assez manqué, après 37 ans d'activité ».
Le remplacement en cabinet que le Dr Singer s'apprête à effectuer le rend « très-très-très joyeux car c'est un challenge qu'(il) souhaitait », confie-t-il.
Un rêve devenu réalité depuis qu'une circulaire ministérielle a précisé pendant l'été les conditions d'application d'un article de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2003 qui autorise, jusqu'au 31 décembre de cette année, les anciens médecins et infirmiers à cumuler sous certaines conditions (1) leur pension de retraite, soit avec des honoraires (s'il s'agit d'anciens praticiens libéraux), soit avec des revenus liés à des vacations dans des établissements de santé ou des services sociaux (« le Quotidien » du 15 septembre).
A partir de 2004, le recours aux « anciens » pour faire des remplacements sera toujours possible, grâce à la loi du 21 août 2003 sur la réforme des retraites, mais on attend le décret qui en détaillera les nouvelles modalités.
Le Dr Singer mise en tout cas sur la pérennité de ce dispositif. Avec le médecin qu'il remplace, le Dr Christophe Natiez, il a déjà programmé d'autres remplacements, une semaine en février et une autre en avril. « Et peut-être plus s'il est content de moi et si je n'ai pas l'impression d'être caduc ! », ajoute le médecin retraité.
Pour le confrère remplacé, c'est un soulagement. « Depuis un ou deux ans, explique le Dr Natiez, cela devient quasiment impossible de trouver des jeunes remplaçants pendant les vacances, même en faisant appel aux hôpitaux et en téléphonant dans les internats. J'ai prévenu mes patients. Certains sont contents d'avoir affaire à quelqu'un qui a beaucoup d'expérience. A ceux qui étaient parfois un peu étonnés, je leur ai dit qu'on ne trouve plus de petits jeunes, donc ce sera un jeune retraité ! »
Les deux médecins s'étaient rencontrés une première fois par hasard dans un dîner. Puis, lorsque le Dr Natiez s'est mis en quête d'un remplaçant retraité, une infirmière a servi d'intermédiaire pour rétablir le contact entre les deux.
Quatre ans après avoir cessé son activité de médecin généraliste, à Blendecques (à 3 km de Longuenesse), le Dr Singer trouve « très drôle de (se) retrouver exactement dans la même situation que lors de son premier remplacement en 1958, à 23 ans, avant son départ pour la guerre d'Algérie ». Il se dit à la fois « plein d'enthousiasme, très excité et quand même un peu inquiet », car il « a peur que la salle d'attente se vide quand les patients verront (sa) tête »... comme en 1958.
Le Dr Singer aura, en tout cas, tout révisé sérieusement pour réussir son examen de passage. « J'espère que ça va aller, déclare-t-il. Je suis allé discuter avec la pharmacienne de mon village, j'ai repris mon " Vidal " et fait un effort de mémorisation de prescriptions. » Quant aux changements d'ordre administratif intervenus depuis la cessation d'activité du Dr Singer, plusieurs rendez-vous préalables entre les deux confrères ont permis de faire « une petite mise à jour » sur les nouveaux formulaires d'arrêt maladie et d'accidents du travail, les produits « stoppés ou déremboursés » ou encore les « nouvelles recommandations » de prescription. De son côté, le Dr Natiez va s'absenter l'esprit tranquille : « Pour le diagnostic, il n'y aura aucun problème. »
(1) Les médecins libéraux retraités doivent remplir les conditions suivantes : reprendre une activité dans un département où la densité médicale est inférieure à 210 médecins libéraux pour 100 000 habitants (19 départements exclus), ne pas être ni bénéficiaire du système de préretraite (MICA), ni retraité pour inaptitude, toucher en honoraires jusqu'à 50 % du montant de leur retraite totale versée par la CARMF en 2003.
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