QUELLE est la pratique réelle du médecin généraliste francilien ? Comment qualifier les particularités de son exercice ? Afin d'y voir plus clair dans le maquis des « préférences » et autres « orientations » thérapeutiques, omniprésentes dans la région parisienne, le comité « médecins à exercice particulier » de l'URML d'Île-de-France a plongé au coeur du métier de 1 774 médecins généralistes – sur 9 479 omnipraticiens libéraux de la région, soit près de un médecin sur cinq ayant répondu. L'enquête dessine le portrait d'un nouveau médecin « à orientation particulière » (MOP) qui affiche de manière visible son désir de singularité thérapeutique dans les domaines de l'homéopathie, de l'acupuncture et de l'ostéopathie. Autre enseignement : ce besoin de singularité ( via les médecines douces, l'approche psychosociale, le conseil diététique…) transparaît en réalité chez tous les généralistes franciliens, y compris ceux qui se disent « traditionnels ». Selon l'étude, cette aspiration à exercer la médecine «de manière scientifique tout autant qu'artistique»,bref, de sortir d'un carcan professionnel forgé par les études médicales,pourrait être un remède pour prévenir le risque de burn-out et de démotivation professionnelle. État des lieux.
Généralistes «avant tout», les MOP ont le vent en poupe
Afin de décrypter les pratiques des généralistes franciliens et en particulier l'exercice des médecins dits « MEP », omniprésents en Île-de-France, mais aux profils hétérogènes (médecines douces, allergologie, phlébologie…), l'enquête a identifié trois catégories de généralistes – MEP, MOP et traditionnels. Première surprise : malgré le poids des pratiques alternatives dans la région, seulement 12 % des généralistes franciliens assument le terme habituel « MEP » pour qualifier leur exercice (lire aussi encadré). Comme si beaucoup d'entre eux refusaient l'idée d'un exercice « différent » galvaudant leur métier de généraliste. En revanche, 30 % se considèrent comme des médecins « ayant une orientation particulière »(MOP), c'est-à-dire un recours régulier à des outils thérapeutiques alternatifs, non reconnus… Quant aux médecins généralistes «traditionnels» (MGT), ils constituent toujours la grande majorité. L'étude tire deux conclusions : le terme MEP, censé désigner un exercice particulier, est désormais «invalidé» et «doit être abandonné» car les généralistes partagent une identité et des valeurs communes, et se retrouvent dans une démarche médicale universelle et un «exercice unique» au regard des critères européens de la discipline (interrogatoire, prise en compte de l'individu dans sa globalité, examen clinique, relation humaniste…) . En revanche, l' «émergence» du groupe des MOP doit conduire à reconnaître davantage les orientations diagnostiques ou thérapeutiques particulières (dans le cursus initial, la FMC, l'évaluation, les référentiels de pratique).
L'homéopathie et l'acupuncture, marques de fabrique des MEP et des MOP
Invités à désigner les outils thérapeutiques qu'ils utilisent dans leur pratique (voir tableau), les généralistes franciliens affichent des orientations différentes selon leur groupe d'appartenance. Les MEP et les MOP recourent davantage à l'homéopathie que leurs confrères (trois à quatre fois plus), à l'acupuncture (quatre fois plus) et à l'ostéopathie (deux fois plus). Certaines pratiques (médecine du sport, phytothérapie, phlébologie) sont similaires aux trois catégories de généralistes.
Les MG tous «singuliers» pour ne pas déprimer?
L'intérêt de l'étude est de démontrer que les généralistes « traditionnels », c'est-à-dire ceux qui n'ont pas le sentiment d'une orientation particulière, revendiquent eux aussi (et parfois davantage que leurs confrères) le recours à certains outils alternatifs, comme la diététique (25 %), l'entretien prolongé (22 %), la psychothérapie (13 %) ou l'allergologie (6,8 %). Selon l'étude, «tous les médecins sont à la recherche d'une singularité» dans leur pratique, affichée pour certains, moins visible pour d'autres (approche psychosociale, par exemple). Cette quête de singularité dans la façon d'exercer, dans le cadre de la même démarche médicale, pourrait être une façon de lutter contre leburn-out et la démotivation, avance l'étude.
MEP et MOP: des praticiens spécialistes du second recours
Les MEP et MOP se distinguent de leurs confrères généralistes traditionnels sur trois points essentiels : ils sont moins souvent médecin de premier recours de leurs patients (23 % des MEP refusent même d'être le médecin traitant) et davantage consultants ; ils remplissent moins souvent le rôle de coordinateur des soins (un tiers des MEP et des MOP ne souhaitent pas remplir ce rôle) ; enfin, par rapport à leurs homologues, ils attachent moins d'importance à la médecine basée sur des preuves (Evidence Based Medicine) qu'aux outils thérapeutiques alternatifs (homéopathie, ostéopathie, acupuncture). Les trois types de médecins (traditionnels, MEP, MOP) assurent dans des proportions équivalentes le suivi des ALD, des diabétiques, des pathologies cardio-vasculaires et des surcharges pondérales. «Les pathologies lourdes et les cancers sont plutôt suivis par les généralistes traditionnels»,précise l'étude.
Ce qui les réunit: la démarche qualité
Plusieurs items font l'unanimité chez les médecins généralistes : la communication et la qualité relationnelle avec le patient sont plébiscitées, de même que la pédagogie et la prévention (98 %), l'approche globale (psychique, sociale…) de la maladie (92 %) ou encore le travail avec d'autres professionnels de soins primaires (85 %). Plus de 86 % des omnipraticiens franciliens consacrent une partie de leur temps à la FMC, mais seulement un tiers d'entre eux ont formalisé une démarche d'évaluation des pratiques professionnelles (EPP).
(1) Enquête « Voyage au centre de vos pratiques ». Questionnaire anonyme adressé en octobre 2007 à la totalité des généralistes libéraux exerçant en Île-de-France.
MEP : le brouillard des chiffres
C'est dans les années 1970 que les omnipraticiens ayant un mode de diagnostic et/ou thérapeutique différent des omnipraticiens « classiques » se sont vu attribuer par l'assurance-maladie l'étiquette de médecin à exercice particulier (MEP). Mais le recensement et la ventilation des MEP restent un exercice périlleux car, souligne l'étude, «leurs activités recouvrent une multitude de pratiques sans pour autant être recensées ou déclarées de manière exhaustive». Le terme de MEP n'étant pas clairement défini dans un texte règlementaire (il s'agit d'une pratique volontairement déclarée par le médecin), la comptabilité nationale varie fortement. En 2001, une étude ministérielle avait recensé 95 000 omnipraticiens (tous exercices confondus), dont 5 000 MEP (5,2 %). En 2003, le Baromètre Santé comptabilisait cette fois... 65 % de médecins pratiquant «occasionnellement ou systématiquement» un mode d'exercice particulier (incluant donc tous ceux qui ont une activité très ponctuelle de MEP). Au 1er janvier 2006, la CNAM estimait les effectifs des omnipraticiens libéraux à 64 332, dont très exactement 6 803 MEP (10,57 %).
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