ON NE SAIT PAS ce qui est le plus intéressant dans ce roman, de l'intrigue qui démarre doucettement et qui nous enserre inéluctablement jusqu'à la fin, ou de la peinture très particulière de la capitale brossée par l'auteur. S'il vit à Londres avec femme et enfants, Douglas Kennedy, 52 ans, connaît bien Paris, et, en particulier, le cinquième arrondissement où il dispose d'un pied-à-terre. Mais l'histoire n'a rien à voir avec les cafés chics de Saint-Germain-des-Prés, à peine a-t-il choisi un appartement près du Panthéon, pour nouer le drame qui va transformer la vie du héros, déjà pas bien rose, en cauchemar perpétuel.
Il a fallu qu'il perde son emploi de professeur à l'université et que sa femme le jette – il avait cédé aux avances d'une étudiante – pour que Harry Ricks concrétise son rêve de jeunesse, venir à Paris écrire un livre. Las, les conditions sont moins que favorables ! Pétri de culpabilité – la jeune fille s'est suicidée et il n'a plus de contact avec sa fille âgée de treize ans –, sans argent, il tombe malade dès son arrivée. Quand le portier de l'hôtel – où il ne peut rester, faute d'argent – propose de l'héberger dans une chambre de bonne sur le même palier où il habite, au fin fond du dixième arrondissement, le quartier turc, il lui en est reconnaissant.
Seul à nouveau parce que son nouvel ami, un exilé politique, évidemment sans papiers, s'est fait arrêter par la police, Harry essaye de remonter la pente – à grands coups de nettoyage des toilettes et de peinture fraîche. Et, pour gagner de quoi survivre, il finit par accepter un poste de « veilleur de nuit » que le très louche patron de son nouveau bouge lui propose. Au moins, il peut écrire son livre.
Mystère et violence.
Le répit est de courte durée, et il va se perdre là où il croyait être sauvé : en rencontrant Margit, une belle femme d'origine hongroise, sensuelle et énigmatique, qui ne lui accorde de rendez-vous que tous les trois jours, à dix-sept heures et pour deux heures, pas plus. Trop heureux d'avoir trouvé une compagne à la fois passionnée et à qui il peut parler, Harry, encore une fois, ne cherche pas à approfondir le mystère. Quand la mort rôdera tout autour de lui – touchant bizarrement ses exploiteurs turcs comme ses anciens ennemis outre-Atlantique –, il sera trop tard.
Ce thriller n'est pas ordinaire. Le fin mot de l'histoire, qui concerne le personnage de Margit, est finalement secondaire par rapport à la violence qui régit tout le livre. Il y a des coups et des crimes, mais ces actes ne sont en fait que l'expression visible de la violence au quotidien infligée à une population d'immigrés-gens de couleur-pauvres, en tout cas, des personnes ignorées ou rejetées. Placé sous le signe de Simenon, « la Femme du Ve » vaut d'abord par la plongée sans concession dans une partie de la ville phare de notre pays, qui est peut-être une part de ce que nous sommes.
Éditions Belfond, 378 p., 22 euros.
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