L A cardiomyopathie dilatée reste une affection au pronostic sévère (50 % de mortalité dans les cinq ans qui suivent le diagnostic), face à laquelle la transplantation est actuellement le seul recours, et dont l'étiologie est encore extrêmement mal cernée. Dans 20 à 30 % des cas, on a manifestement affaire à une maladie familiale, transmise, selon les familles, sur un mode mendélien autosomal dominant, ou par la mère, via les mitochondries et leur ADN. Dans ces deux situations, d'ailleurs, des mutations ont pu être caractérisées, dans l'ADN nucléaire (gènes de l'actine cardiaque et de la laminine) ou dans l'ADNmt. Dans leur majorité, les cardiomyopathies dilatées restent toutefois étiquetées « idiopathiques ». C'est à ces formes que l'équipe britannique s'est intéressée.
Il n'est évidemment pas possible, dans les cas sporadiques, de faire la preuve d'une transmission maternelle. Mais le dysfonctionnement mitochondrial reste pourtant un excellent mécanisme candidat. Les auteurs ont donc recherché une association entre les formes sporadiques et une mutation de l'ADNmt. Cette mutation ne correspond pas aux mutations déjà mises en cause dans les formes familiales non mendéliennes. Elle a, en revanche, été reconnue comme facteur de susceptibilité à l'insulinorésistance et au diabète de type 2. Ses conséquences métaboliques sont, en outre, suffisamment générales pour qu'elle puisse être envisagée dans des contextes pathologiques divers.
Un ADN plus long que la normale
Il s'agit, en effet, d'une transition C-T tout à fait classique, mais située au voisinage du site de terminaison de la réplication de l'ADNmt (position 16189), où elle semble déterminer un échappement de la polymérase, et la synthèse d'un ADN plus long que la normale, avec des conséquences probablement multiples, se traduisant par des phénotypes variés selon les individus.
Cette mutation, donc, a été recherchée chez 93 patients d'origine européenne et 22 patients sud-africains, et sa fréquence comparée aux fréquences observées par ailleurs dans des populations contrôles de l'une ou l'autre origine. On note, au passage, que ces patients n'étaient pas diabétiques et ne portaient aucune des mutations de l'ADNmt connues dans les formes familiales.
L'association retrouvée est nette, puisque la mutation a été retrouvée chez 17,2 % des patients européens, contre 8,8 % des sujets contrôles, et chez 45,5 % des patients sud-africains, contre 15,7 % des contrôles.
La question, maintenant, est celle du rôle de la mutation dans la physiopathologie de l'affection. En fait, l'intérêt de l'étude est de montrer que ce rôle est très probable. La même association étant retrouvée dans deux populations génétiquement distinctes, un effet fondateur est en effet pratiquement exclu : il est très invraisemblable que la mutation soit neutre vis-à-vis de l'affection et ne soit qu'un simple marqueur, lié à une mutation plus ou moins lointaine, qui resterait à découvrir. Le problème est que le rôle causal de la transition T16189C est difficile à interpréter.
Hypothèse : déficit de la production d'énergie
Les auteurs font l'hypothèse d'un déficit de la production d'énergie par les mitochondries dans le myocarde. L'hypothèse est effectivement plausible et constituait d'ailleurs l'hypothèse de départ. Pour autant, aucune particularité phénotypique de l'affection n'a pu être associée à la mutation : chez les patients porteurs ou non de la mutation, on retrouve ainsi la même distribution des deux sexes, les mêmes valeurs de la fraction d'éjection VG, les mêmes distributions des âges de diagnostic et, éventuellement, de transplantation. Ainsi, si la mutation a un rôle probable, c'est aussi un rôle facultatif, et qui peut être tenu par un autre acteur, sans aucune conséquence discernable au niveau du phénotype. La seule conclusion possible, à ce stade, est que la cardiomyopathie dilatée est une affection très multifactorielle. L'identification d'un premier facteur génétique de susceptibilité aidera toutefois sans doute à identifier d'autres facteurs, héréditaires ou environnementaux.
S. S. Khogali et coll. « Lancet », vol. 357, 21 avril 2001.
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