Et de trois ! Après la CSMF et le LEEM en juin dernier, le Conseil national de l’Ordre des médecins vient à son tour d’attaquer le CAPI au Conseil d’État. « Ventre affamé n’a pas d’oreille déontologique » n’avait pas hésité à proclamer publiquement, quelques jours auparavant, un ordinal devant le succès, aussi inattendu que rapide des désormais fameux « contrats d’amélioration des pratiques individuelles ». Ce sont en effet plus de 8 000 généralistes qui se sont laissés tenter par la proposition de la CNAM. Mais depuis plusieurs mois, le torchon brûlait entre le CNOM et la CNAM. Sur le fond, l’Ordre juge le CAPI « contraire à la déontologie médicale comme à l’égalité entre médecins ». Par ces contrats individuels, « on contourne l’action syndicale, juge le Dr Michel Legmann, président du CNOM. Cela me scandalise que ces interlocuteurs légitimes que sont les syndicats nationaux soient ainsi désavoués ». Il estime également que le CAPI « nuit à la relation entre médecins et patients » et il compte demander aux praticiens signataires d’en informer leurs patients par voie d’affichage dans la salle d’attente à côté du montant des honoraires.
En fait, il s’agit d’une sorte de réponse du berger à la bergère. L’Ordre avait peu apprécié que les DAM disent aux généralistes qu’il n’était pas obligatoire de communiquer une copie du CAPI signé à leur conseil départemental de l’Ordre. Une précaution utile du point de vue de l’Assurance-maladie, puisque le CNOM avait fait savoir, dès le lancement des CAPI en mai dernier, que comme tout contrat ces derniers devaient être transmis aux conseils départementaux. Lesquels pourraient même prendre des sanctions disciplinaires contre les praticiens signataires. De quoi, évidemment refroidir les ardeurs. Cet été, une seconde polémique s’est greffée dans une ambiance toujours aussi tendue. Le CNOM s’était étonné publiquement que les médecins conseils puissent eux-mêmes percevoir un intéressement en fonction du nombre de CAPI qu’ils pourraient « placer ». La CNAM a nié en dépit des confirmations du Syndicat autonome des praticiens conseils (SAPC).
Dans cette histoire, le CNOM dispose de nombreux alliés. La CSMF avait en même temps appelé au boycott et également déposé un recours au Conseil d’État fin juin pour des motifs de forme (absence de consultation de la HAS, défaut de transmission au ministère dans les règles). Et sur le fond, la CSMF fit valoir qu’en « incitant les médecins à s’engager individuellement avec leur caisse, le CAPI se détourne de la convention nationale des médecins et de ses objectifs » et se trouve ainsi en contradiction avec les dispositions du Code de la Sécurité Sociale. Enfin elle estime que le CAPI est contraire aux principes d’indépendance et de liberté de prescription garantis par le Code de la Santé publique. C’est très probablement sous cet angle que le LEEM a déposé son propre recours au Conseil d’État fin juin, même si l’industrie ne souhaite pas communiquer pour l’instant sur le motif juridique qui fonde son recours.
Ces procédures ont-elles des chances d’aboutir ? Vu la multiplicité des angles d’attaques, on peut le penser. On se souvient qu’en juillet 1998, le Conseil d’État avait annulé la convention médicale de mars 1997 attaquée en raison de la mise en place de l’option référent. Par la suite, les médecins avaient dû adhérer une seconde fois au dispositif et réinscrire leurs patients. En cas d’annulation du CAPI, il est probable que des mesures conservatoires d’urgence seraient mises en place, mais le paiement de la prime pourrait aussi bien être retardé.
Il demeure frappant de constater à quel point les CAPI ont fait l’unanimité contre eux dans les rangs syndicaux. À gauche de l’échiquier syndical, le SMG a même lancé une pétition sur son site internet. En fait, en bonne logique, tous les syndicats sont sur la même longueur d’onde : défendre la dimension collective de l’exercice professionnel. Au SML, chez MG France comme chez Union Généraliste, les réserves ont toujours été de mises. Mais devant le succès populaire des CAPI, plusieurs responsables syndicaux s’interrogent à haute voix. « Si 8 000 généralistes ont déjà signé un CAPI, cela doit me faire réfléchir » a reconnu dernièrement, le Dr Jean-François Rey, chef de file des spécialistes de la CSMF qui ne serait pas contre une extension des CAPI aux spécialistes. Mais à condition que ceux-ci soient intégrés dans la prochaine convention afin de perdre son caractère individuel. Ce que tout le monde réclame plus ou moins aujourd’hui. Avec son contrat à la hussarde, la CNAMTS est arrivée à ses fins.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature