C’était une décision très attendue par tous les opposants au CAPI en France. Mais ils en seront pour leur frais. La cour de justice des communautés européennes de Luxembourg vient en effet jeudi de rendre un arrêt qui juge les « CAPI anglais » conformes au droit européen. Le paiement à la performance pour les médecins généralistes avait été introduit en Grande-Bretagne par la réforme de la Santé de Tony Blair de 2003. En France, le directeur de l’Assurance-maladie ne s’est jamais caché de s’être fortement inspiré du « P4P » britannique, même si les CAPI français vont beaucoup moins loin pour l’instant que leur modèle.
Que dit la cour de justice de Luxembourg ? Dans l’affaire qui opposait l’association de l’industrie pharmaceutique britannique contre l’agence de régulation de produit de santé et le NHS, la cour devait dire si ce dernier avait le droit de proposer un « système d’incitation financière » aux médecins généralistes « tendant à la prescription de médicaments spécifiquement désignés ». Les systèmes d’incitation en cause concernaient principalement la prescription de statine. Dans son arrêt, la cour n’y trouve rien à redire. « Un système d’incitations financières tel que celui en cause au principal, ne saurait être considéré comme s’inscrivant dans le cadre de la promotion commerciale de médicaments » précise l’arrêt. Autrement dit, si les incitations et avantages pécuniers visant à influencer les prescripteurs sont bien interdits par Bruxelles, cela vaut pour la publicité commerciale, mais pas pour les pouvoirs publics. Le droit communautaire doit être « interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à des systèmes d’incitations financières, tel que celui en cause dans l’affaire au principal, mis en œuvre par les autorités nationales en charge de la santé publique afin de réduire leurs dépenses en la matière et tendant à favoriser aux fins du traitement de certaines pathologies, la prescription par les médecins de médicaments spécifiquement désignés et contenant une substance active différente de celle du médicament qui était prescrit antérieurement ou qui aurait pu l’être si un tel système d’incitation n’existait pas », conclut la Cour.
Certes, cette décision très attendu concerne la situation anglaise. Pour autant, en France, la cnamts peut se frotter les mains. Si la Cour de Luxembourg avait rendu un arrêt en sens inverse, les CAPI français auraient pu être à terme menacés, pour partie au moins. En France, la CSMF, le conseil national de l’Ordre des médecins et le LEEM ont en effet déposé un recours en conseil d’État contre les CAPI. L’incitation à la prescription dans le répertoire des génériques -qui constitue l’essentiel des CAPI signés par quelques 15 000 généralistes Français- n’est pas en cause. Elle n’a d’ailleurs même pas fait l’objet du recours des industriels britannique devant la justice européenne. En revanche, un des objectifs de nos CAPI organise la substitution aspirine à faible dosage/antiagrégants plaquettaires. Un objectif qui concerne bien l’incitation à prescription de « produits spécifiquement désignés » dans une même classe thérapeutique, et qui ressemble donc à celui dont la cour européenne vient de juger la conformité avec le droit européen. La décision de la cour de justice de Luxembourg reste une vraie surprise dans la mesure où les conclusions de l’avovat général il y a quelques semaines allaient dans le sens inverse.
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