Un homme de 53 ans, qui milite pour la dépénalisation du cannabis thérapeutique dont il est lui-même un utilisateur régulier, a été condamné, lundi 16 juin, à Strasbourg, pour usage de stupéfiants, mais dispensé de peine.
Bertrand Rambaud, qui depuis une quinzaine d’années cultive et consomme du cannabis pour soulager des douleurs « inimaginables » dues aux effets secondaires de son traitement contre le VIH et l’hépatite, a indiqué qu’il ferait appel de cette condamnation symbolique, car « la seule conclusion possible de cette histoire, c’est une relaxe ». « Oui, je commets un délit, mais je ne le commets que pour pouvoir survivre, donc je n’accepte pas cette condamnation », a dit le militant aux journalistes.
Sans le cannabis, le prévenu « ne peut pas prendre les médicaments qui le maintiennent en vie », a souligné devant le tribunal correctionnel son défenseur Me Joseph Breham, qui a plaidé la relaxe au nom de « l’état de nécessité ».
Prescription de cannabis
L’avocat a fait état de plusieurs attestations médicales soulignant que le prévenu n’avait pas d’autre solution que le cannabis pour soulager ses douleurs et supporter son traitement. Son médecin lui a d’ailleurs prescrit du cannabis, qu’il peut se procurer dans des pharmacies aux Pays-Bas.
Me Breham a également produit devant le tribunal une lettre de soutien de l’ancien ministre (PS) de l’Intérieur Daniel Vaillant, qui a rencontré M. Rambaud en mai 2013 lors d’une audition parlementaire consacrée au cannabis thérapeutique, et qui a loué sa « démarche humaniste ».
Bertrand Rambaud avait été interpellé le 1er avril sur la voie publique à Strasbourg, par des policiers qui avaient remarqué son t-shirt décoré d’un logo faisant l’apologie du cannabis. Il a ensuite été placé en garde à vue pendant plus de 24 heures - lors desquelles il a été très malade. En perquisitionnant son appartement, la police a saisi quelque 200 grammes de fleurs de cannabis, 300 grammes de feuilles et 50 grammes de chanvre.
« Je respecte la loi de mon pays, sauf celle qui me met en danger », a déclaré au tribunal M. Rambaud, qui préside l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM-I-Care). Son association a organisé ces dernières années deux colloques à Strasbourg sur les vertus thérapeutiques du cannabis, associant médecins, patients et experts de plusieurs pays.
Le risque d’une « dépénalisation de fait »
Le représentant du parquet, Sébastien Hauger, avait requis trois mois de prison avec sursis, en soulignant que le rôle des tribunaux n’était pas « d’élargir la pharmacopée ». Il avait plaidé contre une dispense de peine, estimant qu’une telle décision enverrait le message d’une « dépénalisation de fait ».
Selon Me Breham, seuls trois tribunaux en France ont accordé la relaxe à des malades jugés pour des faits similaires, mais « il n’y a pas de jurisprudence de la Cour de cassation ». « Nous voulons obtenir une décision de principe disant qu’en France, lorsqu’on est malade, on peut consommer du cannabis », a martelé l’avocat.
Selon lui, les poursuites contre son client sont d’autant plus « hypocrites » qu’en janvier dernier les autorités sanitaires françaises ont donné leur feu vert à une première utilisation médicale du cannabis, en autorisant la mise sur le marché d’un spray à base d’extraits de chanvre, le Sativex, destiné à soulager les malades atteints de sclérose en plaques. Or le Sativex s’adresse à environ 25 000 patients potentiels, alors qu’au total « un million de malades en France ont besoin du cannabis pour se soigner », selon Me Breham.
Mise en garde de l’Académie de médecine
L’Acédémie de médecine a cependant mis en garde contre l’usage du cannabis, estimant qu’« aucun progrès significatif dans le domaine des effets thérapeutiques allégués n’est apparu récemment » (concernant le cannabis), alors que « les connaissances des effets adverses se sont précipitées et multipliées ». Concernant le Sativex, elle appelle à un « suivi rigoureux en matière de pharmacovigilance et d’addictovigilance ».
L’usage médical du cannabis est une réalité dans plusieurs pays européens dont les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, ainsi qu’au Canada, en Australie et dans plusieurs États américains.
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