Alors que l’utilisation thérapeutique des cannabinoïdes progresse dans de nombreux pays du monde, et que de nouvelles indications apparaissent régulièrement, la France reste « crispée sur ses interdictions », déplorent les médecins favorables à ce type de traitements : réunis à Strasbourg le 16 octobre, ils ont décidé de se mobiliser plus activement pour faire évoluer la situation.
Organisée par l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM) et l’association Action sida ville (ASV) dans les locaux de la Faculté de médecine de Strasbourg, une rencontre internationale a fait le point sur les avancées thérapeutiques et législatives dans ce domaine. Si les États-Unis et le Canada, mais aussi l’Autriche, les Pays-Bas ou Israël ont déjà une longue expérience sur ce plan, d’autres sont en train de franchir le pas, comme l’Italie, l’Allemagne, la Suède, la Norvège ou la République tchèque.
Au-delà de la douleur, des indications variées
Dans le même temps, de nouvelles indications prometteuses apparaissent pour les cannabinoïdes, beaucoup plus variées qu’on ne l’imaginait jusqu’à présent. Comme le résume le Dr Patrick Spiess, président d’ASV, « les récepteurs aux cannabinoïdes CB 1 et CB 2 sont innombrables, ce qui explique la variété de leurs cibles : au-delà de la douleur, le cannabis trouve son intérêt en cancérologie et en diabétologie, mais aussi, entre autres, dans les maladies inflammatoires de l’intestin, le glaucome ou la maladie d’Alzheimer ».
Même si elle autorise quelques traitements dans un cadre hyper-réglementé, la France est très loin de s’ouvrir au cannabis médical : pour cette raison, le Dr Anny Zorn (ASV), appelle les professionnels de santé et les patients à mieux s’organiser pour faire reconnaître ses atouts et changer l’image de la plante. Avec ses confrères, elle souhaite demander à l’INSERM plus d’expertises sur les bénéfices du cannabis, tout en informant mieux les professionnels de santé sur ses perspectives.
Actuellement, déplorent plusieurs médecins, on ne parle plus du cannabis qu’en y associant la schizophrénie, ce qui en évacue tous les autres aspects.
Les chemins de la reconnaissance peuvent être longs et semés d’embûches, comme le montrent les expériences des autres pays. Outre-Atlantique, l’association « Americans for safe access » a œuvré, depuis les années 1980, pour une dépénalisation, puis une utilisation officielle du cannabis médical. Steph Sherer, responsable de ce mouvement, a montré comment un lobbyisme efficace, associant preuves scientifiques et information de la population et du monde politique a permis de permis de faire bouger les choses, mais au prix d’une trentaine d’années d’efforts. Aujourd’hui, le cannabis thérapeutique est légal et utilisé dans 40 des 50 États formant les Etats-Unis… mais reste toujours interdit au niveau fédéral.
Distinction entre thérapeutique et récréatif
Dans tous les cas, les partisans du cannabis médical plaident pour une distinction très claire entre le cannabis thérapeutique et le cannabis récréatif. Les pays autorisant le cannabis appliquent eux aussi cette distinction, facilitée par la structure même de la plante. En Autriche, par exemple, où le cannabis thérapeutique est utilisé depuis dix ans, la loi interdit tout conditionnement et toute consommation de THC, c’est-à-dire le cannabinoïde ayant des effets psychotropes, et les préparations magistrales et industrielles s’effectuent uniquement à base de cannabinol (CBN), dont les effets de ce type sont marginaux.
Dans ce pays, les médicaments et préparations à base de cannabis sont remboursés à 50 % par l’assurance-maladie. Les pharmaciens autrichiens, tchèques et depuis peu italiens jouent un grand rôle dans la préparation et le contrôle des produits thérapeutiques à base de cannabis. Aux Pays-Bas par contre, ils doivent affronter la concurrence économique des « coffee shop » qui se sont eux aussi lancés sur ce créneau, pas toujours avec autant de rigueur que les professionnels de santé reconnus.
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